On aurait pu croire qu’à l’ère du selfie et d’Instagram, où toute image se doit d’être numérique et instantanée, le dessin avait perdu sa raison d’être. Pourtant, c’est tout le contraire qui semble s’esquisser. Et pas seulement dans les librairies bobos, dont les rayonnages proposent depuis quelque temps déjà des albums de coloriage à destination des adultes, vantés pour leurs vertus relaxantes. Dans les sphères plus glamour aussi, le trait a retrouvé ses lettres de noblesse. Ainsi, à contre-courant des prescrits de la com’ traditionnelle, Hermès n’a pas hésité à envoyer des dossiers de presse présentant des objets inachevés et invitant les journalistes à les compléter, au gré de leur inspiration. Par ailleurs, en octobre prochain, la maison éditera avec Actes Sud un coffret compilant les croquis aquarellés de Philippe Dumas, un des (nombreux) héritiers de Thierry Hermès, fondateur de l’entreprise toujours dirigée par sa famille. De son côté, Louis Vuitton a également sorti il y a quelques mois des livrets de voyage signés par des artistes, dont Jiro Taniguchi, l’auteur de mangas à qui l’on doit les très beaux Quartier lointain, Le promeneur ou Le gourmet solitaire et qui, pour l’occasion, a flâné dans Venise, peintures et pinceaux à la main.

Mais certaines griffes de mode affichent plus ouvertement encore la relation étroite qu’elles entretiennent avec l’illustration, qui se retrouve désormais dans les collections elles-mêmes. L’été dernier, Miuccia Prada avait donné le ton en demandant à la Française Jeanne Detallante de réaliser les visages et silhouettes stylisées ornant ses vêtements Femme, pour la ligne principale du label comme pour Miu Miu. Cet hiver, l’Homme s’y met aussi. Raf Simons s’associe avec son ami Sterling Ruby pour proposer un vestiaire conçu à quatre mains dans lequel les coupes plutôt classiques sont twistées par des collages et des impressions typographiques. Carven orne ses chemises blanches de formes naïves – figures, coeurs, étoiles… – tracées à l’encre noire tandis que chez Issey Miyake, on préfère les motifs à effet kaléidoscope évoquant une éruption volcanique ou une aurore boréale. Et la tendance se confirme pour le printemps 2015 : pendant que Dsquared2 multiplie les références à Keith Haring, Andy Warhol ou Jean-Michel Basquiat, Kenzo opte pour la tour Eiffel et autres souvenirs de Paris, reproduits à grands coups d’aplats colorés. Les créateurs l’ont bien compris, dessiner, c’est gagner !

Delphine Kindermans

Des coupes plutôt classiques twistées par des collages et des impressions typographiques.

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