Les créateurs aiment les petites tailles. Après Marithé + François Girbaud, Chloé et Missoni arrivent à leur tour dans les cours de récréation. Comme d’autres grands noms de la mode,ils ont confié la licence de leurs lignes kids à CWF. Reportage classé confidentiel au cour de la Vendée.

Lorsqu’on la laisse choisir sa tenue du jour, ce petit bout de femme de 3 ans à peine pose invariablement ses doigts sur un twin-set rayé rouille et vert qui lui donne l’allure d’une Jackie Kennedy miniature. Le long d’une couture, s’affiche le logo d’un grand de la mode : Kenzo. Pour les professionnels du secteur, cette fashion victim en puissance est ce que l’on appelle un enfant  » actif « . On estime aujourd’hui que 60 % à 80 % des 4 à 10 ans ont leur mot à dire dans le choix de leurs vêtements. Ce qui explique sans peine l’intérêt croissant des marques de luxe pour ces jeunes consommateurs exigeants, influençables et… déjà prescripteurs qui seront aussi leurs clients de demain.

Chaque année, de nouveaux labels se positionnent dans l’univers de l’enfant. Ainsi, Chloé et Missoni arriveront sur le marché des filles de 0 à 14 ans à partir de l’automne 2007, promettant une collection fluide, romantique et légère pour le premier et un travail minutieux sur la maille si chère à la griffe adulte et les graphismes maison pour le second. Le duo de créateurs Marithé + François Girbaud, lui, déboulera dans les cours de récréation au printemps prochain. Présentée en juin dernier, à Florence, lors des défilés du Pitti Bimbo, le Salon international de la mode enfantine, cette première collection mixte toute en imprimés bohèmes et en denims structurés et vieillis avec soin porte bien l’ADN de ces jeanseurs branchés.

Chloé, Missoni, Girbaud, trois styles radicalement différents. Mais pourtant, ces trois noms ont confié la licence de leur ligne kids au même groupe, leader européen de ce marché si particulier. CWF (Children Worldwide Fashion) crée, produit et distribue déjà les collections enfants de Burberry, DKNY, Elle, Kenzo et Timberland. Au c£ur de la Vendée, dans la petite ville des Herbiers, son bureau de style intégrant plus d’une centaine de créatifs dessine chaque année plus de 4 000 modèles vendus dans plus de 40 pays.

 » Ici, chaque marque possède son propre studio, pour que la confidentialité soit garantie « , nous assure Laetitia Alet, chargée de communication chez CWF. Au mur, les  » concept boards  » – de grands posters couverts de photos, d’imprimés et de morceaux d’étoffes – traduisent l’esprit de la collection automne-hiver 2007 que l’équipe est en train de finaliser. Devant leurs PC, les stylistes spécialisés par tranches d’âge (du bébé couché au junior) et par sexe esquissent des croquis pour l’un des trois thèmes que comporte chaque saison. Quelques prototypes sont déjà prêts pour l’essayage : le mercredi, des enfants des environs viennent mettre ces vêtements à l’épreuve. Pendant l’enfilage et le déshabillage, tous leurs mouvements sont observés et leurs commentaires bien notés. Car un manteau aussi looké soit-il ne sera pas porté s’il gratte au cou ou se boutonne avec difficulté…

 » Il va de soit que rien ne sort d’ici avant d’avoir été validé à plusieurs reprises par les créateurs eux-mêmes, précise Véronique Allaire Spitzer, directrice marketing chez CWF. Toutes les lignes directrices viennent des maisons mères, pour garantir que l’identité de la marque soit bien préservée. Ce que les créateurs viennent chercher chez nous, c’est un savoir-faire spécialisé. Au départ, tous pensaient pouvoir faire de l’enfant eux-mêmes, mais dans la pratique, c’est extrêmement compliqué. Prenez déjà le nombre de tailles : il y en a six rien que pour le bébé couché, soit le bambin de 0 à 18 mois ! Sans parler des normes de sécurité (boutons, pressions, Zips, cordons, tailles de capuchon…) drastiques qui n’existent pas chez l’adulte…  »

Quand on crée pour l’enfant, le prix de revient des pièces est aussi déterminant.  » Les mères qui achètent des marques veulent s’offrir un nom qui les valorise, qui reflète à travers leurs enfants, l’image qu’elles se font d’elles-mêmes, détaille Véronique Allaire Spitzer. Mais elles ne sont pas prêtes à se priver pour acheter des vêtements de créateurs à leurs gamins. La limite psychologique est de 100 euros. Ce sera moins pour un tee-shirt (de 20 à 38 euros environ), ou plus pour une pièce à manches Burberry, dont les duffle-coats peuvent se vendre 350 euros.  »

Assez logiquement, les collections proposent donc davantage de petits  » hauts « .  » Seules quelques  » pièces images  » rares et très chères, surtout dans les marques très haut de gamme comme Kenzo ou Burberry, sont directement adaptées de l’adulte, ajoute Véronique Allaire Spitzer. Mais c’est anecdotique.  »

Surtout au regard des quelque 10 millions de vêtements vendus chaque année par CWF dans ses propres boutiques et dans les points de ventes les plus pointus du monde. D’expérience, on sait que la première visite sera déterminante. Portée, voire préférée par l’enfant, ce qui n’était alors qu’une petite folie, pourrait tout simplement devenir une habitude.

Isabelle Willot

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