Véritable pépinière de jeunes talents, la London Fashion Week est devenue le rendez-vous incontournable de la saison des défilés. Cinquante-deux manifestations, réparties en deux lieux, étaient prévues sur le calendrier officiel. C’était sans compter les événements spontanés organisés aux quatre coins de la capitale britannique. L’occasion de découvrir des stylistes avant-gardistes et singuliers qui s’apprêtent à conquérir le monde. Des noms à suivre absolument. Weekend Le Vif/L’Express a repéré quelques valeurs sûres qui s’inspirent des années 1920, 1940 et 1950. Une mode féminissime.

Preen, Beige, blanc (1,2,3)

Thea Bregazzi et Justin Thorton se connaissent depuis leurs 18 ans et forment un duo en vogue sous le label Preen (to preen oneself = se pomponner). Justin est diplômé en mode et textile de l’école d’art de Winchester. Thea, elle, a suivi les cours de l’Université de Lancashire. Leur carrière démarre en 1996 avec l’ouverture d’une petite boutique à Notting Hill. Quelques robes plus tard, Preen surfe sur la vague du succès. Pionnier du style victorien, avec une nuance de grunge et de glam rock à la Ziggy Stardust, le duo s’est construit un style bien à lui, inspiré par les pièces asymétriques et sportives des créateurs Rick Owens et Helmut Lang. Pourtant, entre masculin et féminin, vintage et contemporain, Stretch beige et trompe-l’£il, Preen affiche bien une mode singulière, inexplorée jusqu’ici. Sa collection printemps-été 2004, intitulée  » Venture « , multiplie les pièces à assembler selon ses goûts et ses humeurs : bustiers, mini-robes, pantalons-collants aux coupes géométriques s’imprègnent de l’esprit lingerie. Le jersey, le nylon et la viscose apportent fluidité et légèreté aux formes sculpturales en trois dimensions. Le blanc, le beige et le cuir noir se mêlent aux rubans et au satin pour illuminer une collection déjà culte.

Sophia Kokosalaki, déesse des podiums (1,2,3)

Née à Athènes, Sophia Kokosalaki a fait ses études à la Central Saint Martin’s School de Londres. Elle travaille ensuite pour la marque Joseph et pour Ruffo. Puis elle conçoit ses propres collections. Le succès est tel que, déjà, elle a enchaîné avec une ligne de chaussures et, bientôt, une collection pour hommes. La Grèce est présente dans chacune de ses créations (elle a été de plus élue comme directrice artistique des costumes des prochains Jeux olympiques à Athènes). Ses goûts musicaux, Joy Division, PJ Harvey, Sonic Youth et le post-grunge l’inspirent tout autant. Elle aime tout particulièrement le cuir, qu’elle prend un malin plaisir à décliner de toutes les façons. Sa collection printemps-été 2004 est ultraféminine. Les vêtements sont sculptés dans des matières sensuelles et modernes. Sophia Kokosalaki propose des drapés géométriques, des robes sexy et des mini-shorts. Des créations aux couleurs sable rappelant les paysages athéniens comme le rose corail, le bleu sombre et la terracota.

Frost French, l’Angleterre rétro (1,2)

L’actrice Sadie Frost et la créatrice Jemina French sont les meilleures amies du monde depuis l’âge de 15 ans. En 1999, elles s’associent pour créer leur propre marque. Frost French se positionne d’abord en lingerie et sous-vêtements avant de s’aventurer, il y trois ans, dans des collections complètes. Au c£ur de celles-ci : le glamour rehaussé d’une bonne dose d’humour. Pour le printemps-été 2004, beauté et perversion s’affrontent dans un ensemble s’inspirant de plusieurs époques : robes à manches bouffantes façon 1940, maillots de bain blancs imprimés cerises très fifties, blouses de mousseline, manches ballon sorties des années 1970. Bref, un florilège vintage pour une collection riche en style. Coton, satin brodé, Lurex rayé accompagnent dans leur périple les lolitas sûres de leur charme.

ChenPascual, sombre mais romantique (3,4)

Multidiplômée, la jeune Maria Chen a étudié à la Central Saint Martin’s School avant de faire une spécialisation au Royal College of Art en 1998. Elle vient d’ouvrir sa boutique  » The Always and Forever Store  » à Kingly Court (la galerie en vogue des jeunes créateurs à Londres). L’Asiatique dessine également une ligne pour la chaîne de magasins Top Shop. La collection printemps-été 2004 de ChenPascual offre un style sombre et gothique atténué par un soupçon de romantisme. Les robes de bal de promotion sont revisitées à la sauce rebelle et rock and roll. Sur le podium, les tee-shirts aux coupes conceptuelles succèdent aux vestes déstructurées en cuir souple. Les larges broches et accessoires sous formes de guitares donnent à l’ensemble une connotation musicale et innovante. Une collection inspirée d’une Cendrillon des temps modernes.

Emma Cook, fabuliste des temps modernes (2,3)

Diplômée de la Central Saint Martin’s School en 1999 déjà, la prodigieuse Emma Cook a aussi gagné le concours Vidal Sassoon qui récompense la jeune création talentueuse. Après avoir travaillé pour Martine Sitbon, Ghost, Liberty et Ruffo, elle se lance en solo en 2000. Ses vêtements sont imprégnés de son intérêt pour l’imagerie futuriste du passé et de l’histoire. Sa collection de ce printemps est un mélange étrange entre industrie moderne et nature printanière. Imprimés monochromes, découpes au laser de roues industrielles sur du cuir, papillons et fleurs, robes patchwork ravivent le souvenir de statues de nues des années 1920, du film  » Les Temps modernes « , des £uvres du photographe russe Alexandre Rodchenko et du constructivisme.

Boudicca, un univers en noir et blanc (1,4)

Zowie Broach et Brian Kirkby sont diplômés de la Middlesex University. Brian est également titulaire d’un master du London’s Royal College of Art. Ils se rencontrent à Rimini en 1997 et décident de former le label Boudicca, du nom d’une reine guerrière de la tribu celtique Iceni. Après avoir sponsorisé Alexander McQueen, American Express les a choisis. Grâce à cette stabilité financière, leur griffe bénéficie d’une grande liberté créative. Tailleurs expérimentaux et style avant-gardiste sont les clés du succès de ce couple dont l’indépendance est sacrée. La dernière collection :  » Performance : Long Live Dreams « , de Boudicca, regroupe robes, tailleurs, bustiers, pantalons cigarette d’inspiration biker chic et cow-girl moderne. Le noir et le blanc dominent l’ensemble structuré et sophistiqué.

Arkadius, le créateur engagé (2,3)

Polonais, Arkadius Weremczuk est connu des catwalk pour ses frasques et ses provocations. Après un bref passage à la Central Saint Martin’s School, il lance en 1997 son label et ouvre sa boutique en 2002. En 2003, il signe également une gamme de jeans baptisée  » Arkadius Anarchy Jeans « . C’est lui qui dessine aussi les costumes du Don Giovanni de Mozart pour le Los Angeles Opera et le Polish National Opera. La nouvelle collection d’Arkadius se distingue par une cinglante prise de position politique. Les mannequins défilent en bleu, rouge et blanc, les couleurs des Etats-Unis d’Amérique. Imprimés drapeau américain, dollars se mêlent aux références arabes, aux keffiehs, aux étoiles de David. Une robe de mariée portant une colombe clôt le show engagé. Un message de tolérance et de paix.

Boyd, les smiley à profusion (1,4)

Déjà illustratrice de mode à succès, Tracey Boyd continue l’aventure en créant son propre label en 1996. En 2000, elle gagne le  » New Generation Award  » aux côtés de Stella McCartney. Son style féminin et glamour sans froufrous lui permet d’ouvrir sa boutique en 2001. Parallèlement, elle dessine une gamme de vêtements de pluie pour la marque Gore-Tex et une ligne personnelle pour la maison :  » Boyd in House  » inspirée de ses broderies et illustrations. Elle a également conçu une collection pour Etam appelée :  » Love from Tracey Boyd « . C’est elle, aussi, qui fut la costumière de divers films comme  » About a Boy « ,  » Bridget Jone’s Diary  » et  » Love Actually « . Pour ce printemps-été 2004, Boyd signe une collection pleine de joie de vivre et d’imprimés joyeux : champignons, smiley, et autres inscriptions  » Love  » animent les tee-shirts, robes et maillots. Avec un soupçon de vintage et de hardcore.

House of Jazz, quand le jersey swingUe (1,2)

Après s’être rencontrés en 2000 dans une boîte de nuit londonienne, Pablo Flack et Hazel Robinson créent  » House of Jazz « . Hazzel est diplômée de la Middlesex University et Pablo de la London School of Economics. Pablo a managé plusieurs clubs de jazz. Hazel, elle, a fait un stage chez Matthew Williamson. Les créations de House of Jazz glorifient une femme moderne et indépendante qui se promène en jupe et bomber toute la journée, et enfile sa robe fluide la nuit tombée. Broderies, satin, jersey caractérisent une nouvelle collection au charme intemporel. Enrichie, cette année, d’une ligne de sacs  » House of Jazz for Baltal « .

Antoni & Alison, les slogans défilent (3,4)

Antoni Burakowski et Alison Roberts se sont réunis sous le label Antoni & Alison. Ils commencent avec une collection de tee-shirts avant de s’attaquer aux autres éléments de la garde-robe. Ils viennent d’ouvrir leur propre boutique, mais leurs créations se vendent déjà dans 15 magasins au Japon et 150 en Italie. Leur style ironique et excentrique fait d’Antoni & Alison une marque culte atypique. La nouvelle collection mélange les ambiances : l’austérité des petites robes noires et l’humour des tee-shirts aux imprimés enfantins. Un hymne à l’élégance des stars hollywoodiennes des années 1950. Mais une place de choix est réservée aux tee-shirts colorés et aux slogans désinvoltes.

Eley Kishimoto, les fleurs sauvages des podiums (1,2)

Derrière la marque Eley Kishimoto établie en 1992, se cache un couple anglo-nippon, Mark Eley et Wakano Kishimito. Spécialiste des imprimés (le duo a travaillé pour Yves Saint Laurent, Marc Jacobs et Alexander Mac Queen), le label Eley Kishimoto présente une nouvelle collection baptisée  » The Butterfly Brigade’s Nightmare « . Coupes inspirées des fleurs du jardin, robes faciles à porter, sensibilité nostalgique, rétro et amusée… un véritable petit bouquet de couleurs qui dégage aussi un exotisme exquis. La culotte bouffante et le chapeau écharpe pourraient bien devenir les musts de l’été.

Nous avons épinglé aussi…

l Elspeth Gibson pour ses créations à la fois contemporaines et intemporelles, féminines et fragiles.

l Le Danois Jen Laugesen pour son style androgyne, sophistiqué mais sportif.

l Betty Jackson pour ses collections bohèmes et pleines de contrastes.

l Le duo Blaak pour son look junkie et ses créations animales d’inspiration multiculturelle.

l Hamish Morrow pour ses coupes architecturales et urbaines.

l Jessica Ogden pour la fraîcheur et la sensibilité de ses collections.

l Le Japonais John Rocha pour le confort et les mélanges de textures de ses pièces.

l Jonathan Saunders pour ses imprimés énergiques et ses couleurs kaléidoscopiques.

l Le Malaisien Justin. Oh pour ses vêtements d’inspiration masculine remodelés au féminin.

l Temperley pour ses coupes flatteuses et son style féminin-glamour.

l Emma Cook pour ses imprimés monochromes et découpes au laser de roues industrielles sur du cuir.

Aude Gribomont

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