Kaléidoscope de couleurs et de paysages, le Guatemala est aussi le berceau de la culture maya dont les sites anciens, isolés au cour d’une forêt dense et luxuriante, ne cessent de susciter curiosité et émerveillement. Cap sur un pays imbibé de civilisation précolombienne.

Guide pratique en page 65.

V u du ciel, le Guatemala a tout d’un puzzle verdoyant de massifs arrondis et de vallées étroites, enchevêtrés les uns dans les autres. Pour se faire une idée plus juste de la topographie générale du pays, il suffit d’en faire le tour, en une dizaine de minutes, grâce à l’impressionnante carte en relief exposée au Parc Minerva, à deux pas de l’hippodrome de la capitale Guatemala. D’une frontière à l’autre, en bordure de l’océan Pacifique, s’étire une longue chaîne montagneuse, la Sierra Madre. Elle aligne plus de trois cents volcans dont les cônes échancrés, dressés vers le ciel, évoquent un bastion de sentinelles. Toute la vie du pays se concentre dans cette zone montagneuse circonscrite au sud par la frontière avec le Honduras et le Salvador et sur ses flancs par les franges côtières pacifique et caraïbe. Tandis que la côte pacifique allonge ses trois cents kilomètres de plages de sable noir peu engageantes, d’autant plus qu’elles sont heurtées par de violents rouleaux marins qui rendent la baignade dangereuse, la côte caraïbe ne se laisse pas davantage aborder. Les rares petits ports de pêche se sont taillé leur espace au c£ur des mangroves, à l’embouchure du Río Dulce. Le fleuve creuse son chemin sur plus de quatre cents kilomètres dans la Sierra de las Minas et il est la seule porte d’accès du pays sur la mer des Caraïbes. Colons espagnols, corsaires redoutés, planteurs de café ou de bananes, marchands d’esclaves et armateurs, tous sont passés au large de Livingston et de Puerto Barrios, les deux cités qui encadrent la baie. Aujourd’hui, on associe la côte caraïbe guatémaltèque à la communauté noire des Garifunas, nom donné aux descendants d’esclaves, échappés du naufrage d’un négrier anglais et métissés avec le peuple antillais. Ici, on se sent plus proche de la Jamaïque que des seigneurs mayas qui occupaient autrefois toute la région des Basses Terres au nord du pays.

La récompense est au sommet des pyramides

Un jeune couple, assisté d’un chaman, quémande humblement mais avec ferveur la purification de son amour auprès des divinités ancestrales. A l’ombre des pyramides en gradins, il a improvisé un petit autel : un brasier d’écorces de pins entouré de fines et longues bougies de couleur, blanches pour lui, jaunes pour elle. Le sorcier, vêtu de blanc, la taille enserrée dans une large ceinture bigarrée et le front ceint d’une étonnante coiffe rouge, est agenouillé sur le sol. D’un ton monocorde, il psalmodie des prières rituelles qui épousent le silence qui règne sur les lieux. Témoin occasionnel de cette cérémonie, chacun se tait, étreint par une émotion intense face à cette énigmatique rencontre entre deux mondes, deux époques, au c£ur d’un site en ruine mais dont les dieux sont toujours vivants.

Refuge de jungles humides inaccessibles, la région du Petén abrite, enfouies sous une végétation luxuriante, un nombre impressionnant de ruines mayas. Avec sa situation exceptionnelle au c£ur de la forêt vierge, Tikal s’impose comme l’un des sites précolombiens les plus étonnants à découvrir. Cette ancienne cité, qui s’étend sur une surface de seize kilomètres carrés, s’est développée à partir d’un important centre cérémoniel autour duquel étaient regroupées les résidences des prêtres et des aristocrates. Se hisser au sommet de la haute pyramide du Mundo Perdido à l’heure du crépuscule, c’est s’offrir une expérience inoubliable. Les crêtes blanches des autres temples émergent au-dessus d’un océan d’arbres qui semblent se perdre à l’infini. Le soleil couchant pare alors tous les vestiges de couleurs rougeoyantes. Les singes hurleurs saluent cette fin de journée par des clameurs étonnamment proches des rugissements de lions. La nuit tombée, il n’en faut pas plus pour que, sous une myriade d’étoiles, chacun entende battre le c£ur des princes d’autrefois qui s’avisaient d’aligner leurs temples dans l’axe du soleil et de la lune, les maîtres de leur destin.

Le Petén, creuset de la culture maya

Difficile d’imaginer que cette jungle inextricable a autrefois été apprivoisée par des hommes qui la défrichaient à mains nues pour y cultiver la courge, le maïs et le tabac. Les femmes entretenaient sans cesse les huttes aux parois recouvertes de boue séchée. Celles-ci voisinaient des temples vertigineux dont les frontons étaient ornés de têtes de mort ou de monstres zoomorphes. Près de 60 000 personnes vivaient sur le site de Tikal. La multitude de pyramides et de palais permet aisément d’imaginer que le site était important et prestigieux. Le mystère du déclin de la civilisation maya reste cependant entier. Une population accrue, des sécheresses consécutives et de mauvaises récoltes ont sans doute amené la population à disparaître. Par ailleurs, les excès des dignitaires religieux, toujours plus assoiffés de sacrifices et de sang, ont également mené la civilisation maya à sa perte. En effet, nombreuses étaient les cérémonies religieuses durant lesquelles hommes, femmes et enfants étaient sacrifiés pour attirer les bonnes grâces des dieux. Le sang recueilli lors de ces rituels barbares servait, entre autres, à imbiber une feuille qui, par la suite, était brûlée. La fumée qui s’élevait vers les cieux était censée apaiser les dieux et permettre d’entrer en communication avec eux.

Aujourd’hui, dans cet océan de verdure, des pistes de terre battue, le plus souvent boueuses, mènent d’un hameau à l’autre, généralement peuplés par les descendants de cette ancienne et étonnante civilisation précolombienne. çà et là, des lacs ponctuent et aèrent cette jungle épaisse. Sur les bords de ces plans d’eau turquoise, des lavandières rieuses et bavardes, guère impressionnées par les alligators qui infestent le coin, frottent joyeusement leur linge souillé sur une pierre plate et lisse. Sur la petite île de Topoxhé, au milieu du lac de Yaxhá, la vie s’écoule tout aussi paisiblement. Il semblerait que, là également, un site au moins aussi important que celui de Tikal soit toujours enfoui, suggérant avec ces quelques cinq cents monticules et vingtaines de places la grandeur de ce que furent les lieux. Errant d’une acropole fantôme à un tumulus verdoyant, d’un sentier à une large avenue, on éprouve le sentiment grisant d’être un explorateur à la rencontre d’une civilisation perdue et grandiose qui préserve, à ce jour, une grande part de ses mystères.

La pleine lune découpe dans la nuit les silhouettes élancées des deux temples qui se font face sur l’esplanade principale. Au sud se dressent neuf stèles face aux neuf portes qui gardent l’accès à l’inframonde, celui des ténèbres et des royaumes souterrains. En face s’élève un majestueux ceiba, un fromager, arbre sacré dont les longues racines semblent indiquer la direction des points cardinaux. A ses pieds brûlent encore quelques braises, scintillantes dans la nuit comme le regard d’un animal de proie.

Reportage texte & photos : Christiane Goor et Charles Mahaux / Planet Pictures

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