A quoi reconnaît-on le très stoïque dessinateur de Chroniques de Jérusalem et du Guide du mauvais père ? Lorsque Hollywood achète les droits d’un de ses albums, cela ne lui fait ni chaud ni froid. Bien au contraire.

Rencontrer Guy Delisle, c’est d’abord évaluer discrètement la ressemblance avec son avatar de papier. Immanquable réflexe tant le créateur à succès de Chroniques de Jérusalem (150 000 exemplaires vendus) a pris l’habitude de se dessiner dans les cases, sur les couvertures et même sur les tranches de ses albums. Le dernier en date, Le Guide du mauvais père – qui le met en scène aux côtés de ses enfants, Louis et Alice, respectivement 9 et 6 ans dans la vraie vie -, ne déroge pas à la règle. Mais à la différence de ses lointains récits, cette irrésistible suite d’histoires courtes se passe en bas de chez lui, à Montpellier, où il réside depuis vingt-deux ans.  » Je m’y suis installé au départ pour des raisons professionnelles. Je n’ai jamais eu le sentiment d’être déraciné de Québec. Peut-être parce que je suis parti assez tôt de chez moi. Ma mère avait fait la même chose dans sa jeunesse. Il suffit que je connaisse deux voisins et trois rues pour que je me sente chez moi, où que ce soit.  » Ses inoubliables journaux de bord en témoignent. Pour Shenzhen, Pyongyang ou Chroniques birmanes, le Canadien a parcouru le monde entier. Des expériences aux longs cours initiées par sa compagne, Nadège, ancienne administratrice à MSF.  » Je suis connu comme le mec qui suit sa femme « , résume ce pince-sans-rire stoïque au physique juvénile et au caractère réservé.

A 46 ans, Guy Deslisle appartient à cette génération de dessinateurs révélés dans les années 2000 grâce au succès du roman graphique porté par Joann Sfar et Marjane Satrapi. Mais il nuance la notion de double qui accompagne ses autofictions.  » Ce côté calme, naïf, un peu dépassé du personnage, c’est vraiment moi. Les autres facettes, je ne les exploite pas car elles ne me servent pas narrativement.  » Né dans la banlieue de Québec d’une mère professeur qui  » possède un bon coup de crayon  » et d’un père dessinateur industriel dont il garde en mémoire l’odeur des  » bleus  » d’architecte  » qui sentaient l’ammoniaque « , il est le cadet d’une famille de quatre gosses. A 20 ans, il suit des études d’animation près de Toronto avant de s’envoler, jeune diplômé pour l’Europe.  » Je pense qu’il est illusoire de vouloir vivre de la bande dessinée quand on commence dans le métier. C’est pour cela que j’ai choisi la voie de l’animation. J’ai longtemps fait de la BD pour mon plaisir.  »

En 2000, Shenzhen, son troisième album, signe son premier succès. On est pourtant encore loin du carton des Chroniques de Jérusalem qui lui vaut, en 2012, le Fauve d’Or – Prix du meilleur album au festival d’Angoulême. Aujourd’hui, Hollywood s’intéresse à lui. Gore Verbinski, le réalisateur des Pirates des Caraïbes, a acquis, l’été dernier, les droits de Pyongyang. Une nouvelle qui semble lui faire ni chaud ni froid. Autant que sa progéniture qui ne se passionne que modérément pour son oeuvre.  » C’est normal, les enfants des auteurs de BD ne lisent pas trop ce que font leurs parents. Mes albums traînent à la maison, ça fait partie du patrimoine familial. Mais mon fils Louis préfère TheWalking Dead, un comic book américain de zombies.  » Cela étant dit, à voir le sort fictif réservé au gamin dans son Guide du mauvais père (globalement fictif, faut-il le préciser ?), on comprend mieux pourquoi. Quelqu’un qui décide d’en finir une bonne fois pour toutes avec les cloches, les oeufs de Pâques et les dessins pour kids qui ne ressemblent à rien n’est pas très recommandable. Quoique…

www.guydelisle.com

PAR ANTOINE MORENO

 » JE SUIS CONNU COMME LE MEC QUI SUIT SA FEMME. « 

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