Gwyneth Paltrow » Le bonheur doit venir de soi «
A l’affiche du beau et mélancolique Two Lovers, de James Gray, l’actrice, de plus en plus rare, nous parle de ses enfants, de Hollywood, de ses secrets de forme, et de bon et mauvais karma… Confidences, entre deux sourires.
La première fois qu’on l’a rencontrée, c’était en 1996, au moment de la sortie de Emma, gentillette adaptation par Douglas McGrath, du roman de Jane Austen. Gwyneth Paltrow était alors une ravissante nouvelle venue au prénom bizarre et au boyfriend » über » célèbre, Brad Pitt. Son débit était rapide, ses joues de porcelaine s’empourpraient facilement, sous l’effet de cette gloire naissante et de sa venue à Paris, où elle avait déjà tourné sous la direction de James Ivory, avec sa copine Elsa Zylberstein. Douze ans après, l’ambiance est tout autre. Gwyneth Paltrow, qui reçoit dans le salon d’un palace parisien, est séparée de Brad Pitt mais mariée à Chris Martin, le leader de Coldplay, qui lui a donné deux enfants, et ses copines s’appellent désormais Madonna et Stella McCartney. Elle ne vit plus à New York mais à Londres, où son agenda oscille entre sorties d’école, fourneaux (c’est d’ailleurs en échangeant une recette de sauce tomate avec James Gray qu’elle a reçu le rôle de Michelle dans Two Lovers) et – très modérément – tournages.
Une chose n’a pas changé : à 36 ans, l’actrice est toujours aussi séduisante. Belle, plus que ravissante, et intimidante aussi, surtout lorsqu’elle se dresse sur d’invraisemblablement hauts talons aiguilles comme aujourd’hui. Pas de poignée de main, un sourire poli mais sans plus… Il est 16 heures, une longue et visiblement ennuyeuse journée d’interviews s’achève pour l’héroïne de Two Lovers et cela se sent. Une demi-heure plus tard, après avoir évoqué avec des mots touchants le décès de son père, le producteur et réalisateur Bruce Paltrow, emporté par un cancer en 2002, affiché sa parfaite indifférence au milieu et une mine accablée lorsqu’on s’est lancé dans un rapprochement (totalement suicidaire, il faut bien le dire) entre l’instinct du comédien et la pratique de la bicyclette, elle nous quittera pour rejoindre une autre très ennuyeuse interview. Toujours avec le sourire, et toujours sans poignée de main.
Weekend Le Vif/L’Express : Vous avez milité activement en faveur de Barack Obama durant la campagne présidentielle. Ce moment historique que vivent les Etats-Unis ne vous donne-t-il pas un peu le mal du pays ?
Gwyneth Paltrow : Non. J’y vais régulièrement. Je passe la moitié de l’année en Europe, l’autre en Amérique, et cet équilibre me convient tout à fait. J’ai l’impression d’avoir le meilleur des deux continents comme ça. Je n’ai jamais été une personne très concernée par la politique, mais j’ai senti que le moment était venu de m’engager. Pour mon pays, pour le monde, pour mes enfants, c’est une très bonne chose que cet homme ait été élu.
A Cannes, en mai dernier, vous avez confié votre inquiétude à l’idée que Hollywood ait pu vous oublier. Le cinéma vous a-t-il réellement manqué durant vos deux années loin des plateaux ?
J’étais si loin du métier que je ne peux pas dire qu’il m’ait vraiment manqué, non. J’étais très heureuse à l’idée de me consacrer à mon rôle d’épouse, de mère, de rester chez moi. C’est mon agent qui a fini par me tirer les oreilles quand il a reçu le scénario d’ Iron Man. Il m’a dit qu’il allait quand même falloir que je m’y remette, sinon, c’était fichu ! Même si cela m’a fait un peu bizarre au début, Iron Man était le film idéal pour revenir : j’ai collaboré avec Robert ( NDLR : Downey Jr,), je n’avais pas à travailler tous les jours.
Two Lovers est-il votre façon de dire : » Cette fois, je suis vraiment de retour » ?
Je ne sais pas. Je pratique ce métier de manière différente maintenant. J’ai fait ce film il y a un an et je n’ai rien tourné depuis. Alors que je pouvais enchaîner cinq films par an auparavant.
Devenez-vous paresseuse ?
Non, je suis très occupée par ma famille. Certaines de mes copines pensent que je suis folle, mais mes enfants n’auront plus jamais 2 et 4 ans. J’ai toujours voulu être mère, depuis toute petite. J’aurai d’ailleurs peut-être un troisième enfant. J’aimerais bien en tout cas. Voilà qui ne va pas faire plaisir à Hollywood. (Elle lève les mains avant de les laisser retomber.) Tant pis.
Le rôle de Michelle a été écrit pour vous. On imagine cette jeune femme sophistiquée et noctambule assez proche de la Gwyneth d’autrefois. Vous êtes d’accord ?
Non, j’ai toujours été d’un tempérament assez sage. Je n’ai jamais pris de drogue ni rien d’excessif. Quand je sortais, c’était pour mon boulot. Mais je comprends l’obsession, la douleur, que Michelle peut ressentir (NDLR : Two Lovers raconte l’histoire d’un homme (Joaquin Phoenix) qui hésite entre suivre son destin et épouser Sandra (Vinessa Shaw), la femme que ses parents ont choisie pour lui, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour Michelle, sa nouvelle voisine, belle et volage, dont il est tombé éperdument amoureux).
La presse britannique s’amuse parfois de votre hygiène de vie très saine. Cela vous embête-t-il ?
A part le Financial Times, je ne lis plus la presse depuis des années. J’y trouvais trop de bêtises sur moi, sur mes amis. Je ne me reconnais pas dans leur façon souvent négative de tourner les événements. Cela démontre un très mauvais karma d’écrire du mal sur les autres, je pense, et je ne veux rien avoir à faire avec ça. De toute façon, à part celle de mes proches et des gens que j’aime, l’opinion des autres n’a aucune prise sur moi. Ce qui m’intéresse, c’est d’avancer, d’être une bonne personne, de bien grandir.
Sur la page d’accueil de Goop, la newsletter que vous venez de lancer sur le bien-être, vous écrivez vous être souvent trompée. Vous pouvez citer quelques-unes de vos erreurs ?
Pourquoi ? J’ai fait des tonnes d’erreurs. C’est grâce à elles que l’on devient meilleur. Je me suis déjà trompée dans mes choix de vacances, de films, de petits copains.
Le choix de prénom de vos enfants, Apple et Moses (NDLR : Pomme et Moïse en français,) a, lui, fait couler beaucoup d’encre…
(Froidement. ) J’en suis très contente. C’est mon mari qui a trouvé les deux prénoms et ils m’ont semblé parfaits tout de suite.
Vous aviez 27 ans lorsque vous avez reçu l’oscar de la meilleure actrice (NDLR : pour Shakespeare in love, de John Madden). Etre consacrée aussi jeune peut-il constituer, d’une certaine façon, un mauvais karma ?
Au contraire, c’est une chance fantastique ! Cela a totalement démythifié ce business à mes yeux. Certains pensent qu’il faut courir après l’argent, le succès, les récompenses, pour être heureux, mais c’est n’importe quoi. Le bonheur doit venir de vous. Si on dépend du regard des autres pour exister, on n’arrive jamais à grand-chose, je crois.
Mais n’est-il pas un peu facile de mépriser les récompenses quand on a reçu celle qui compte le plus dans ce métier ?
Bien sûr ! Et je ne rendrais le mien pour rien au monde ! L’oscar a correspondu à une période très intense, dans le bon et mauvais sens, de ma vie. Mon père était déjà très malade, mon grand-père mourant. Je n’ai pas pu quitter mon lit pendant deux semaines après l’avoir reçu… Simplement, la plus belle leçon qu’il m’ait donné, c’est de voir qu’il n’était pas tout, et certainement pas un but en soi.
Propos recueillis par Géraldine Catalano
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