Happy Happy New Year

Avant, le bonheur était simple comme un coup de fil. Aujourd’hui, ce n’est pas beaucoup plus compliqué. Il suffit d’épouser la tendance de l' » Authentic Happiness « . Démonstration.

On n’y échappe plus : la locomotive des premiers jours de l’année tire avec elle son lot de bonnes résolutions plus ou moins foireuses. Allez, hop, cette année, je vais être heureux ! Car  » le bonheur, ça devrait être obligatoire « , si l’on croit le teaser du spectacle  » Le Juste Milieu « , à l’affiche du Théâtre de la Toison d’Or, à Bruxelles (jusqu’au 3 février prochain). Délibérément grinçante, cette vraie-fausse conférence met le doigt sur une certaine dictature du bonheur, avec la complicité de quatre comédiens qui naviguent entre euphorie et déprime,  » climax et ground zero  » ( sic), pour tendre finalement vers cette fameuse théorie du juste milieu, clé de voûte, selon eux, d’une vraie zen attitude.

Une pièce de théâtre résolument dans l’air du temps. Car la recherche du bien-être, en cette époque mouvementée, est franchement tendance. Prenez le docteur Martin Seligman, par exemple. Oh, son nom ne vous dit certainement rien du tout, mais il est Américain et, surtout, directeur du  » Positive Psychology Center  » à la prestigieuse Université de Pennsylvanie. Avec ses collègues, ce pionnier de la psychologie positive – une branche de la psychologie consacrée à l’étude empirique des émotions positives – a lancé le projet  » Authentic Happiness  » ( » Le bonheur authentique « ) dans l’espoir d’améliorer la vie de tout un chacun ( www.authentichappiness.sas.upenn.edu).

Si bon nombre de chercheurs contestent sa théorie selon laquelle le bonheur des êtres humains ne serait pas figé à un certain niveau et serait donc beaucoup plus  » malléable  » qu’on ne le pense généralement, le docteur Seligman persiste et signe dans la promotion de la psychologie positive, fort des 400 000 membres inscrits sur son site, mais aussi de sa dernière étude publiée récemment dans  » The American Psychologist « , le journal de l’Association américaine de Psychologie. Accrochez-vous, la conclusion de cette étude est d’une simplicité consternante : pour vivre plus heureux, il suffirait tout bonnement de repenser chaque soir, avant de s’endormir, à trois événements agréables de la journée en essayant surtout de comprendre les raisons tacites de ces petits moments de bonheur. C’est tout. Damned, je n’y avais pas pensé !

Menée pendant six mois sur 500 cobayes complices, l’étude a livré des résultats étonnants, révélant notamment que les participants se déclaraient plus heureux qu’avant cette expérience et, surtout, présentaient moins de symptômes dépressifs. Alors, même si le bonheur est, par définition, immatériel et donc impossible à mesurer, j’ai malgré tout essayé et je me suis pris pour Amélie Poulain. J’ai commencé à sourire béatement dans la rue, à plonger la main dans un sac de grains et à casser la croûte de ma crème brûlée, oui, comme ça, juste pour écouter le  » crouaaÏc  » jubilatoire. Le soir, je repensais à ces petits plaisirs minuscules dignes de la fameuse  » Première gorgée de bière  » d’un certain Philippe Delerm et oui, c’est vrai, je m’endormais tranquille, heureux d’être dans le courant supertendance de l’  » Authentic Happiness « . Un courant américain qui se répand doucement chez nous et qui n’est, finalement, qu’un hymne aux joies simples de la vie.

Heu… et l’Irak dans tout ça ? Le chômage ? La famine ? Le sida ? Pas grave, mon garçon ! Pense d’abord à toi. Car tu vis dans une  » egonomie  » de marché où l’individu occidental passe avant la collectivité mondiale. Alors, il faut commencer petit, par le répertoire de ses mini-bonheurs à soi, quitte à ce que cette fameuse théorie du docteur Seligman soit évidemment taxée de simpliste. Et puis, se décider à voir un peu plus grand, en essayant d’élargir son champ de vision aux autres pour augmenter enfin l’impact social d’un bonheur vécu en solo, à l’instar des sites belges www.smily.be ou encore www.boodschapzondernaam.be qui enseignent discrètement l’altruisme au quotidien.

 » C’est quand le bonheur ? « , chante l’ami Cali. On y arrive, mon garçon, on y arrive. En attendant, contente-toi d’un juste milieu.

Frédéric Brébant

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