Les défilés haute couture 06-07, présentés début juillet à Paris, furent l’occasion pour les créateurs de nous raconter de bien belles histoires… Weekend n’a pas perdu une ligne de ces contes d’hiver.

A l’heure où la mode est aux leggings, l’idée de génie vient de Karl Lagerfeld qui, pour le défilé haute couture hiver 06-07 de Chanel, a osé imaginer des cuissardes en jeans qui recouvrent la jambe sous de somptueuses robes rebrodées de fil d’or ou de pierres précieuses. Cette association inattendue du luxe et du casual traduit à la perfection l’essence d’une certaine modernité chic que Chanel capture à merveille depuis quelques saisons déjà. Karl Lagerfeld aime nous faire porter des robes ou des tailleurs sur des pantalons et on en redemande. Car son audace est admirablement maîtrisée et ne tombe jamais dans la vulgarité. Pour apprécier ses minirobes taillées pour des silhouettes à la Twiggy, accessoirisées de longues mitaines en jeans, de talons bijoux et de barrettes en perles posées sagement dans les cheveux, le port de lunettes solaires était, en ce 6 juillet dernier, deuxième jour des défilés haute couture parisiens, obligatoire. En effet, la lumière intense diffusée dans le chapiteau installé au bois de Boulogne, qui faisait même cligner des yeux les mannequins, a obligé les journalistes de mode à adopter illico un look à l’image du maître. En arborant des lunettes noires, griffées de préférence. Le public ébloui, disposé en arc de cercle autour du catwalk, s’est vu, en guise de final, tourner autour des modèles comme s’il était installé sur un manège. Une manière originale de voir, une à une, chacune des filles apparaître par une porte de ce carrousel blanc. Une apothéose magistrale à laquelle ont assisté des people triés sur le volet : le chanteur Elton John, les actrices françaises Anna Mouglalis, égérie de Chanel, Audrey Tautou mais aussi Vanessa Paradis, accompagnée de sa s£ur Alysson, et que l’on apercevait un peu plus tard dans la journée, au bras de son mari Johnny Depp sur les Champs-Elysées à l’occasion de l’avant-première du film  » Pirates des Caraïbes 2 « . Chez Chanel, le défilé de stars s’apparente toujours à un vrai conte de fées des temps modernes.

Opéra baroque

Le conteur par excellence, c’est John Galliano, même s’il se place toujours au centre de ses histoires. Telle une rock star, le créateur britannique, directeur artistique de Dior, est désormais attendu à la fin de chacun des défilés de la griffe française . La question est de savoir dans quelle tenue la vedette va apparaître. Cette fois, sous l’£il amusé des journalistes de mode du monde entier, c’est en combinaison de cosmonaute qu’il est venu clôturer le défilé haute couture Dior hiver 06-07. Un spectacle divisé en sept sections que l’on a suivi religieusement sur le dossier de presse faisant office de livret d’opéra. Prenant tour à tour des allures d’opéra rock ou d’opéra baroque, le show avait lieu dans un décor de jardin Renaissance. Les pelouses vertes recouvrant le catwalk du Club de polo du bois de Boulogne ont d’ailleurs accueilli une palette de célébrités dont Cécile de France et Liv Tyler.

Un voyage en Toscane a inspiré ce spectacle mais aussi le film  » Les Visiteurs du soir « , de Marcel Carné (1942), explique le maître de cérémonie John Galliano. Soit, mais on retrouve aussi dans cette collection du Galliano pur jus, du Galliano

un brin punk et

gothique, du

Galliano rouge sang. Du Galliano qui n’hésite pas à vêtir ses modèles de leggings (décidément la grande tendance de la saison !) pour immédiatement après les parer de robes sculptures en crin vert qui se confondent avec le paysage toscan et dans lesquelles les modèles ont peine à se mouvoir. D’autres tableaux s’inspirent du Moyen Age, évoquent Jeanne d’Arc, des armures médiévales sont portées sur des robes à la ligne ciseau, tandis que le créateur revendique aussi, à travers des écrevisses portées sur le sommet du crâne des mannequins, une référence au peintre surréaliste Dalí. Bref, les citations foisonnent, les époques se mélangent dans une savante alchimie baroque où l’éclectisme triomphe sans jamais perdre le sens de l’histoire. John Galliano manie les concepts, les ambiances et les époques tel un magicien. Avec, en filigrane, la question qu’il avoue ne jamais cesser de se poser :  » Comment Kate Moss porterait-elle tous ces modèles ?  » Preuve qu’il ne s’agit pas uniquement de grand spectacle…

Les amateurs de classicisme ont trouvé davantage leur bonheur au défilé Armani Privé qui réserve à sa clientèle une haute couture plus fidèle à l’idée d’élégance que l’on s’en fait généralement. Toujours irréprochables, les robes du soir se portent en bustiers, les jupes drapées se glissent sous des manteaux de fourrure en renard. Le plissé est le leitmotiv de cette collection : manches, revers des vestes, jupes, tout y passe, essentiellement sur une palette à dominante noir et blanc. Les tailleurs à la coupe impeccable sont accessoirisés de rangées de perles, les robes longues sont dotées de fines bretelles incrustées de cristaux Swarovski… Chez Armani Privé, le luxe est dans le détail. Comme toujours, on croise Claudia Cardinale. En ambassadrice de charme.

 » La Belle et la Bête  »

Le conte se poursuit chez Jean Paul Gaultier qui signe une réinterprétation costumée de  » La Belle et la Bête « . Le créateur aime faire baigner sa maison de la rue Saint-Martin, dans le iiie arrondissement de Paris, d’une ambiance fantastique.  » M’entendez-vous, la Bête ? Je vous parle « , implore une voix féminine.  » Il ne faut pas me regarder dans les yeux « , répond, d’un ton inquiétant, la Bête. C’est par ces répliques tirées du film de Jean Cocteau  » La Belle et la Bête  » (1946) et martelées de manière lancinante, que Jean Paul Gaultier ponctue son défilé. Une bien belle façon de nous ramener vers l’enfance, jamais très loin chez JPG…

Si, pour son show haute couture de la saison dernière, la princesse Madonna s’était fait attendre pendant près d’une heure, cette fois-ci, c’est la reine Deneuve qui a fait trépigner d’impatience dans les rangées. Impossible pourtant de commencer sans la star puisque une silhouette intitulée  » La Belle, de jour « , en référence au film que l’actrice tourna avec Luis Buñuel en 1966, lui est consacrée : une robe trench à effet de cape en mousseline merle. Comme toujours avec Jean Paul Gaultier, le défilé réserve de belles surprises : des chapeaux réalisés à l’aide de véritables cheveux, des robes qui jouent sur l’asymétrie dévoilant une seule jambe, un boutonnage dans le dos qui dessine une colonne vertébrale. Ou encore cette robe ébouriffante dont la manche en plumes représente un coq plus vrai que nature. Jean Paul Gaultier aime puiser dans le registre animalier. Comme il nous l’avait déjà démontré lors de son défilé prêt-à-porter hiver 06-07 présenté à Paris en mars dernier, avec une galerie de portraits d’animaux rares. Depuis, on est sous le charme.

Conte plus hispanisant chez Christian Lacroix, qui, au sein de l’école des Beaux-Arts, nous fait entrer dans l’arène de sa haute couture. Dans les rangs, on agite les éventails, les £illets blancs distribués aux invités s’accrochent à la boutonnière. La collection Lacroix est lumineuse comme il se doit. Les coiffures courtes en forme de casque, s’inspirent, selon les interprétations, de Jeanne d’Arc (un personnage récurrent de ces défilés haute couture !) ou, plus près de nous, de la chanteuse Mireille Mathieu dont on sait qu’elle est une

Agnès Trémoulet

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