Malgré la crise et un avenir peu chatoyant, la haute couture s’exhibe (beaucoup) et se vend (un peu). Mais elle fait toujours rêver surtout quand, à l’image de cette saison printemps-été 2003, elle nous invite à remonter le temps.

Les acteurs actuels de la haute couture française (Dior, Chanel, Christian Lacroix, Jean Paul Gaultier, Balmain, Givenchy, Versace, Scherrer, Ungaro, Dominique Sirop, Valentino, Hanae Mori et Torrente) étaient cinq fois plus nombreux il n’y a même pas cinquante ans. Mais le boom du prêt-à-porter – de luxe ou non -, la diminution du geste artisanal (brodeurs, plumassiers, etc.) au profit de la production de masse, la réduction de la clientèle capable de s’offrir chaque saison une dizaine de modèles à 150 000 euros minimum et le rachat de labels prestigieux par des trusts de luxe désireux de vendre de l’image ou des accessoires plutôt que les robes elles-mêmes, ont raccourci redoutablement les ourlets de la haute couture.

En 2002, Yves Saint Laurent, le « master » inconditionnel de l’allure sans esbroufe retirait définitivement ses billes du jeu. Un an plus tard Thierry Mugler, créateur de créatures à l’impeccable plastique, ferme sa maison. Il avait démarré dans la haute couture en janvier 1997 aux côtés de Jean Paul Gaultier qui, lui, après 25 ans de mode, continue à faire pétiller les podiums parisiens. Sans doute parce que, à l’instar de Karl Lagerfeld chez Chanel, il réussit à renouveler ses basiques au fil du temps sans lasser ni négliger ses racines.

Hormis ces caciques du chic, la haute couture tombe-t-elle donc en quenouille? Non. Et ce ne sont que piapiateries de chiffonniers que de déclarer que Donatella Versace n’a plus un rond vu qu’elle a présenté sa collectionAtelier Versace dans sa boutique rue du Faubourg Saint-Honoré en lieu et place d’un palace. Mieux vaut mettre en exergue l’initiative et l’audace de notre compatriote Gerald Watelet qui « remonte » à Paris, après avoir déjà, de 1993 à 1996, arpenté avec panache les podiums parisiens. Dans ses salons tout beaux tout neufs de la rue François Ier, cet inconditionnel du style Saint Laurent qui conserve toutefois sa maison de couture sise avenue Louise, à Bruxelles, a présenté 85 modèles axés sur la sobriété sans tristesse: aux formes épurées répondaient une palette de tons gourmands (crème, aubergine, corail, fuchsia, chocolat…) et des détails divinement sophistiqués. Et puis il y a le « sang frais »: la (jeune) génération des Libertin Louison (1), Anne Valérie Hash ou Elie Saab (2) qui dope sans nul doute aussi la haute couture.

L’actualité n’a pas le rose aux joues? Soyons un brin égoïstes et laissons-nous aller, l’espace de quelques pages, à l’élégance absolue, à la beauté bluffante, à la magie de la mode avec un grand « M ». Tel Marcel Proust et sa fameuse madeleine, les couturiers s’inspirent donc de souvenirs, d’époques qu’ils ont connues ou seulement rêvées, d’âges brillants comme le diamant, de pays lointains et de figures féminines mythiques… Si le génial Gaultier s’inspire de la Grèce antique – à l’instar de Scherrer -, et Christian Lacroix (3), des jolies marquises du XVIIIe siècle, la palme de l’hommage revient sans doute à Julian Macdonald chez Givenchy. Ses silhouettes très Audrey Hepburn dans « Breakfast at Tiffany’s » ont en effet l’heur de rappeler ces toilettes toniques et superbes qu’imaginait autrefois Hubert de Givenchy ( NDLR: le fondateur de la maison éponyme). Le sveltissime Karl Lagerfeld (4) a, lui, opté chez Chanel pour des robes poids plume comme ces virevoltantes tenues du temps du charleston et des Roaring Twenties. Pour Balmain, Laurent Mercier plonge à son tour dans les délices de l’Art déco via de longilignes garçonnes très années 1930 alors que la griffe Ungaro se délecte des délices allurés de la Belle Epoque. Ah, nous allions oublier le « Monsieur Loyal » de la mode, celui par qui le spectacle stylé arrive! Chez Dior, John Galliano (5) a une fois de plus mis les petits plats dans les grands avec ses silhouettes bercées par des inspirations extrême-orientales. Des vacances en Chine et au Japon ont en effet « boosté » l’imagination déjà très dynamique du sieur Galliano: vêtements surdimensionnés, couleurs ultravirulentes, tissus nobles et aristocratiquement chiffonnés… Pour Dior, Galliano fait du « potin » au pays du Soleil levant. Mais ne serait-ce pas ce genre de tintamarre qui permettra à la haute couture de garder la tête fièrement relevée?

Marianne Hublet [{ssquf}], (1)Lire aussi son portrait dans notre Spécial Mode c’est Belge du 14 mar

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