Dans un pavillon nomade fait de papier et de carton, le maroquinier français vient de présenter sa toute nouvelle offre maison, full options. L’événement du Salon.

Chez Hermès, on aime s’offrir le luxe de prendre son temps. Et lorsqu’on se décide, on ne fait pas les choses à moitié. Depuis quelques années déjà, le maroquinier parisien posait les jalons de son entrée par la grande porte dans l’univers de la maison. En créant en 2008 le prix Émile Hermès, il rappelait sa vocation d’éditeur d’objets. Un  » métier  » remis en avant l’an dernier avec l’ouverture du nouveau magasin, Rive Gauche, à Paris. Ce lieu unique, posé dans l’ancienne piscine de l’hôtel Lutetia, consacre une bonne partie de ses 2000 m2 à la déco, et scénographie, dans d’élégantes huttes de bois, l’univers du maître de l’Art déco Jean-Michel Frank (1895 – 1941) – dont Hermès détient désormais l’exclusivité des droits de reproduction – et les pièces nomades pliantes dessinées en 1986 déjà par l’architecte Rena Dumas. Les nouvelles lignes présentées lors du dernier Salon du meuble de Milan  » s’inscrivent résolument dans la continuité de l’élémentaire simplicité de Jean-Michel Frank « , assure-t-on chez Hermès. Denis Montel et Eric Benqué, de l’agence RDAI qui signe toutes les boutiques de la maison parisienne, ont imaginé une chaise en cuir incarnant tout le savoir-faire du sellier. En combinant presque à l’infini les couleurs et les matières, le designer italien Antonio Citterio revisite à sa manière la typologie des sièges classiques, créant ainsi – du moins l’espère-t-il –  » les antiquités de demain « . Enzo Mari, qui présida le jury du premier prix Émile Hermès, a choisi, lui, d’épurer les formes au maximum, comme pour mieux révéler la beauté des bois et des cuirs employés, magnifiés par l’expertise des artisans qui les ont travaillés. Pour raconter cette nouvelle histoire, Pierre-Alexis Dumas, directeur artistique d’Hermès, a demandé à l’architecte japonais Shigeru Ban et à son associé Jean de Gastines d’imaginer une architecture éphémère et modulable, faite de tubes en carton tissés avec du papier. Il a fallu une petite semaine pour construire ce pavillon nomade qui, en jouant sur les volumes et les hauteurs de plafonds, réussit à projeter le visiteur dans la vision intime et chaleureuse qu’Hermès se fait de  » sa  » maison.  » Un lieu tout en harmonie « , comme nous l’explique Hélène Dubrule, directeur général d’Hermès Maison et président de Puiforcat.

Hermès est une maison française, on aurait pu imaginer un grand lancement à Paris. Pourquoi avoir choisi Milan et l’effervescence du Salon du meuble pour présenter les collections ?

C’est une manière pour nous de témoigner de notre engagement, de notre envie de développer notre univers maison. Nous voulions montrer – à la presse, à la profession, aux décorateurs, aux architectes et au public dans son ensemble – nos nouvelles collections de mobilier, de tissus d’ameublement, de papier peint, de tapis aussi qui viennent compléter les lignes d’art de vivre, d’objets d’art de la table et de textiles qui existaient déjà jusqu’à présent.

Qu’est-ce qui vous a poussés à développer ce  » métier  » maintenant ?

Nous avions déjà décidé en 2010 de rééditer les collections créées par Jean-Michel Frank pour Hermès dans les années 20-30. Il nous paraissait important de revenir aux sources de notre savoir-faire mobilier puisque c’est bel et bien dans nos ateliers cuir que ces meubles avaient été gainés. C’était une formidable aventure de faire revivre l’£uvre de ce créateur, qui en plus était en accord avec les valeurs et le style d’Hermès, avec ce soin donné au choix des matières et des finitions. Notre expertise s’est construite au fil du temps : nous sommes passés des harnais aux selles et aux bagages, des carrés de soie au prêt-à-porter et aux accessoires et à l’art de vivre. Les montres et les parfums aussi se sont ajoutés. Il nous manquait l’expression contemporaine de ce que peut être le mobilier chez Hermès. Chaque décennie, chaque membre de la famille apporte sa pierre à l’édifice. Et Pierre-Alexis Dumas, l’actuel directeur artistique d’Hermès, avait très envie de déployer sa vision personnelle de la maison.

Quelle est l’importance du volet maison, justement, dans l’entreprise ?

Il représente environ 3 % de notre chiffre d’affaires. Si nous atteignons les 5 % dans les cinq ans qui viennent, ce sera très bien.

Est-ce une nécessité pour un groupe de la taille d’Hermès d’attaquer ainsi de nouveaux marchés ?

En tout cas un souhait assez naturel d’ouvrir l’entreprise à d’autres secteurs que celui de la maroquinerie qui reste notre c£ur de business et génère une part importante de notre chiffre d’affaires. Mais oui, il y a une envie stratégique de développer des relais de croissance. Je suis convaincue que dans le domaine de la maison, il y a une place à prendre. Il existe de nombreuses marques de design qui proposent des produits de très bonne qualité. Mais nous nous positionnons bien au-delà de cela. À ce niveau-là, les acteurs sont beaucoup moins nombreux.

Vous visez donc clairement une clientèle très aisée ?

Nous nous adressons à tous les amateurs de belles matières, de belles techniques… Aux gens qui aiment les objets qui sont faits pour durer. Dans certains pays comme la Chine ou les États-Unis, au Moyen-Orient aussi, tout passe nécessairement par des architectes ou des décorateurs. Mais chez Hermès, on n’impose rien. Vous pouvez très bien choisir un fauteuil et le faire vivre chez vous. Mais si vous avez envie de faire parler les objets entre eux, les collections ont été conçues avec un sens de l’harmonie qui le permet. C’est d’ailleurs ce que nous avons voulu montrer dans cette scénographie. Même si elle est signée par plusieurs designers, nous avons envie qu’un sens, un style Hermès s’en dégage.

Où et à partir de quand pourra-t-on trouver ces nouveaux objets ?

À partir de septembre prochain et uniquement dans nos magasins. Nous allons déployer dans l’année qui vient notre univers maison complet dans une vingtaine de points de vente dotés de l’espace suffisant. Une petite sélection devrait être proposée dans la boutique de Bruxelles. En revanche, les tissus d’ameublement et les papiers peints que nous coéditons avec la firme italienne Dedar seront disponibles via un réseau de revendeurs spécialisés.

Vous êtes-vous fait aider par d’autres acteurs du monde du design ?

On ne s’invente pas faiseur de meubles. Nous nous appuyons toujours sur un réseau de savoir-faire et nous allons chercher les meilleurs là où ils sont. Nous nous sommes associés à l’éditeur B&B Italia pour la mise en £uvre et le développement de nos collections contemporaines. À chaque étape, nous croisons nos expertises. Notre bureau d’études cuir sélectionne les matières premières chez nos tanneurs. On retrouve dans nos meubles la même qualité de taurillon Clémence utilisée en maroquinerie. Seule la taille des peaux diffère. C’est ce partage des savoirs qui nous permet de mettre sur le marché des objets solides qui vont se patiner avec le temps, tenir, apporter du plaisir, du confort…

Un hôtel, c’est aussi une très belle vitrine pour faire découvrir des collections…

Ce n’est pas notre métier, donc nous n’ouvrirons pas un hôtel Hermès. Mais si des architectes souhaitent créer des espaces en utilisant nos produits, nous nous ferons un plaisir de les mettre à leur disposition.

Par Isabelle Willot

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