Leurs looks sont décryptés, commentés, recopiés. Zoom sur ces it girls nouvelle génération qui usent de leur image et de leur filiation, pour se muer en véritables objets de marketing.

Il suffit que la chanteuse Lilly Allen porte de fausses cuissardes pour qu’on crie à la nouvelle tendance. Ou que Blake Lively arrive à la première new-yorkaise de Sherlock Holmes, pour que tout le monde décrypte sa robe Dolce & Gabbana et ses escarpins Christian Louboutin. Idem du côté de Sienna Miller, qui se fait traquer par les paparazzis lorsqu’elle promène son chien, chaussée de sa paire vintage de Pirate Boots signées Vivienne Westwood. La présentatrice télé britannique Alexa Chung, elle, vient d’être sacrée reine du style 2009 au baromètre fashion de Vogue, bien loin devantà Kate Moss (en 10e position). Et que dire de Georgia May Jagger ? Aurait-elle été élue Mannequin de l’année 2009 au British Fashion Awards et choisie pour incarner le nouveau visage de Versace, pour la saison printemps-été 2010, si elle n’avait pas été la fille de Mike ?

Elles sont célèbres, bien stylées et font l’objet de toutes les attentions des médias. Pas un magazine féminin qui ne décrypte leur look, coiffure, nouveau sac, paire de bottes, d’escarpins ou de lunettes (aucune mention inutile à biffer ici). Les it girls sont plus que jamais partout. Mais que cache finalement cette appellation, souvent galvaudée ?  » C’est une personne qui, de par son attitude, sa silhouette ou son look, exprime quelque chose de fort, voire de légèrement transgressif, lui permettant de se faire remarquer médiatiquement « , définit Vincent Grégoire, chasseur de tendances pour le bureau parisien Nelly Rodi. Des belles à la fois sexy, charmeuses età jeunes.

Le plus souvent, elles bénéficient d’une couverture médiatique bien supérieure à celle qui leur reviendrait de droit, compte tenu de leur actualité et de leurs activités.  » Elles évoluent dans un univers rock bohème. Affirment un côté urbain et déglingué, fait de sorties, frasques ou problèmes trash « , poursuit le tendanceur. Le tout sans jamais transgresser définitivement les limites de la bienséance. Un phénomène mondial, mais qui connaît surtout son paroxysme en Grande-Bretagne, dont l’attitude déjantée a toujours séduit la vieille Europe.

En 1927, déjà

Ne croyez pas que ce terme d’it girl a fait son apparition ces dernières années seulement, en même temps que les it sacs, it shoes et autres accessoires incontournables, qui se démodent plus vite que leur ombre. Loin de là. Le mot a été lancé en 1927 par la romancière et scénariste britannique Elinor Glyn. Elle dépeint ainsi Clara Bow, actrice à l’incroyable sex-appeal qui interprète le rôle-titre de son film It (tiens, tiensà) :  » Il s’agit d’une qualité que possèdent les quelques personnes qui attirent toutes les autres par leur force magnétique. Ce peut tout autant être une qualité de l’esprit qu’une attirance physique « , décrivait alors l’écrivain. Progressivement, cette dénomination est reprise pour qualifier tout phénomène artistique ou sociétal en vogue à une période donnée. Et, par extension, pour définir de jeunes artistes féminines, mais aussi de  » simples  » célébrités.

 » On a vu pas mal d’it girls autour d’Andy Warhol et de sa Factory new-yorkaise, rappelle Vincent Grégoire. Ensuite, on a scruté le look de Sylvie Vartan ou de Françoise Hardy. Dans les années 80, les jolies célébrités sortaient au Palace ( NDLR : un club parisien très en vogue dans la culture underground de 1978 à 1983), savamment lookées. Elles faisaient cela pour se marrer, mais toujours de façon sincère. Alors que les it girls actuelles sont devenues extrêmement désabusées et cyniques. Elles savent comment fonctionne le business.  » Précédemment, il suffisait d’un open bar pour qu’elles accourent et fassent de l’£il aux photographes. Les voici récupérées par la logique commerciale.  » Elles n’ont plus aucun complexe, remarque le chasseur de tendances. Il faut les payer pour qu’elles se rendent à un événement. Elles savent qu’elles ont un look, qu’elles sont incontournables dans le petit milieu, et par ici la monnaie. Elles se sont transformées en objets marketing, sponsorisés par les marques.  » Et ce jusqu’à friser parfois l’overdose. Un bureau de presse britannique faisait ainsi la promotion d’un nouveau produit, en arguant qu’il n’avait pas été repéré sur Kate Moss, Sienna Miller, Agyness Deyn ou leurs copines !

Un comportement vampirique

Si les griffes de mode insistent tant pour que leur dernier accessoire soit vu sur une it girl, c’est d’abord parce que la nouvelle génération, nourrie à la téléréalité, est friande de ces célébrités d’un genre particulier.  » Les jeunes s’identifient à quelqu’un qui leur ressemble, mais en mieux, constate Vincent Grégoire. Ils sont en demande de repères, veulent savoir ce qu’ils doivent faire, penser. De ce point de vue, ces it répondent à leurs attentes : c’est un mix entre des people et des vraies gens.  » Et qu’importe si ces belles ont pris la grosse tête et refusent de frayer avec le quidam, depuis que les projecteurs sont braqués sur elles.

Mais toute médaille a son revers. Dans un monde où tout va de plus en plus vite, l’usage que fait la société de ces stars devient boulimique, offrant à ces VIP une temporalité limitée.  » On prend, on suce le sang, puis on se lasse, on jette et on adule quelqu’un d’autre « , résume l’expert. Le côté éphémère : une autre caractéristique des it girls. Comme il s’agit d’assurer la cadence, marques et bureaux de tendances se précipitent actuellement sur les  » filles de  » : les s£urs Geldof et Jagger, Daisy Lowe, Alice Dellalà Ces dernières ont un atout de taille : elles baignent dans le milieu depuis qu’elles sont nées et bénéficient au passage des conseils de maman et papa.

Et quand ces héritières auront lassé, il faudra à nouveau passer à autre chose. Les prochaines cibles déjà en vue ?  » Nous nous intéressons de plus en plus aux it boys, comme l’acteur Robert Pattinson, informe Vincent Grégoire. Ils apportent une énergie fraîche et nouvelle, même si l’exercice risque parfois de les ennuyer. Autre option : s’essayer à un calcul de probabilité. Nous tenons à l’£il Lourdes, la fille de Madonna, mais aussi les enfants Beckham ou ceux d’Inès de la Fressange. Nous semons de petites graines, sans savoir encore si elles deviendront des haricots douteux ou de belles plantes grimpantes.  » Nul doute que dans cette récolte, la relève sera assurée. n

Par Catherine Pleeck

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content