Dans les années 50, pas question d’accéder au statut de bourgeoise sans un manteau de vison, un diamant et un collier de perles.  » C’était le rêve de toutes les femmes ; le symbole d’une réussite sociale, la preuve que son mari gagnait bien sa vie « , raconte l’historienne française Catherine Örmen, qui vient de publier l’ouvrage L’Art de la mode, aux éditions Citadelles et Mazenod.

Mais il faut remonter bien avant les fifties, pour retrouver les premières traces de toisons. Les résultats des fouilles archéologiques l’associent à la préhistoire, lorsque des morceaux d’os servent d’aiguille et des tendons agissent comme des fils. Tout naturellement,  » les peaux étaient alors utilisées pour se protéger du froid « , poursuit la Française.

Ce n’est qu’au Moyen Age qu’elle devient synonyme de distinction sociale. L’usage est alors courant et universel, mais certains animaux à poil sont destinés à l’élite.  » La belle fourrure a longtemps été aussi précieuse que l’or, détaille ainsi l’historien et médiéviste Robert Delort dans l’ouvrage de référence Histoire des fourrures, paru aux éditions Lazarus en 1987. Les lois somptuaires, qui fleurissent dans tout l’Occident aux XIVe et XVe siècles, réservent différents types de pelages aux différents groupes sociaux en fonction de la richesse. Hermine, zibeline, castor et petit-gris (le  » vair  » de la pantoufle de Cendrillon) sont dédiés aux rois et aux princesses.  »

Après le succès rencontré au milieu du XXe siècle, la voici qui se désembourgeoise progressivement. Les goûts et besoins évoluent.  » Durant les années 60, les femmes prennent leur indépendance et souhaitent voir disparaître certains symboles, comme cette idée ridicule de porter des pelisses tellement énormes qu’il est impossible de se glisser derrière un volant « , détaille Silvia Venturini Fendi, de la maison italienne éponyme, qui a fait des fourrures et de sacs sa spécialité.

Résultat, ces manteaux très classiques sont peu à peu abandonnés, pour laisser la place à des modèles inédits.  » C’est à ce moment-là qu’un business spécialisé a vu le jour en Italie, se souvient Karl Lagerfeld, directeur artistique de Fendi depuis 1965. Ils ont accepté de sortir du cadre, en imaginant des pièces auxquelles personne n’avait encore pensé jusqu’alors.  » Ce matériau est désormais considéré comme un tissu, auquel on peut appliquer de nouvelles techniques de fabrication.

Les seventies apportent également une connotation très érotique à l’ensemble.  » Ces parures se chargent d’une tension animale et féline, poursuit l’historienne. Toute une fantasmagorie se met en place. C’est l’époque du peau contre peau, lorsque le photographe Helmut Newton immortalise des demoiselles nues sous leur pelisse.  » La bourgeoise d’antan vire séductrice, en pleine période d’émancipation de la femme et de libération sexuelle.

Enfin, dès 1980, on voit apparaître la fourrure synthétique.  » De quoi permettre aux créateurs de mode de s’amuser au jeu du chic et du toc, et de détourner tous les poncifs attribués tour à tour à cette matière « , note Catherine Örmen. De quoi, aussi, dédramatiser l’usage des vêtements à poil et semer le trouble dans l’esprit des gens, et ce au moment où les manifestations anti-fur commencent à prendre de l’ampleur et polarisent le débat sur cette question.

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