GErald Watelet, Jean Paul Knott, Mademoiselle Lucien et Marina Yee… Tous ces talents de la mode made in Belgium ont relevé le défi lancé par le Royal Windsor Grand-Place à Bruxelles : aménager une chambre en métissant les mondes de la couture, de la déco et de l’hôtellerie de prestige. Zoom sur les quatre premières Fashion Rooms et leurs créateurs.

Carnet d’adresses en page 162.

A vec la  » plus belle grand-place du monde  » pour voisine et sa cotation dans l’univers des hôtels 5 étoiles, le Royal Windsor, à Bruxelles, peut s’enorgueillir d’accueillir les plus grandes stars internationales. Ce dernier week-end d’août, Leonardo DiCaprio lui-même, venu dans le plus strict anonymat, accompagné de son amie et de sa grand-mère, était l’hôte de l’établissement. Couvert par la discrétion légendaire des concierges, le héros de  » Titanic  » s’en est allé sans attirer le moindre regard d’admirateur surpris, tandis qu’une certaine fièvre animait les quatre créateurs de mode belges tout occupés à mettre la dernière main à la décoration de  » leur  » chambre.

Transformer des créateurs de mode belges en décorateurs : un pari osé, mais aujourd’hui brillamment relevé. Habitué à agencer formes, textures, couleurs, un couturier dispose certes du talent et du goût qui s’impose. Mais le challenge n’en demeurait pas moins entier. Avec un objectif déclaré de 12 chambres décorées au premier semestre 2005, le Royal Windsor a donc inauguré cet automne les 4 premières d’entre elles. Signées Jean Paul Knott, Mademoiselle Lucien, Gerald Watelet et Marina Yee, elles s’inscrivent dans la plus grande cohérence par rapport aux objectifs déclarés et enthousiasment, par le contraste des genres. Chacune d’elles illustre parfaitement le style du créateur qui la signe mais révèle aussi ses aspirations de voyageur.

Gerald Watelet a conçu et aménagé la chambre 245 à son image, et à celle de sa maison bruxelloise. Il suffit de l’écouter expliquer le rapport entre le vert des tissus d’ameublement et le tête-de-nègre de la moquette, souligner le confort du canapé ou encore noter la présence de la cheminée, même factice, pour comprendre illico le sentiment qui l’habitait : se sentir bien, comme chez soi.

Jean Paul Knott, le plus intercontinental des créateurs, a calqué la chambre 146 sur son mode de vie personnel et ses désirs nomades, qu’il soit à New York, Shanghai ou Tokyo.  » Je vis par terre, je lis, je regarde un film allongé sur le sol « , confie-t-il. C’est pour cela que j’ai demandé à Delvaux de concevoir cette couverture, piquée dans leurs plus beaux cuirs. Il suffit de la faire glisser sur le sol pour qu’elle devienne descente de lit. Comme s’il pouvait d’un coup de baguette magique déplacer la chambre de ses rêves dans tous les hôtels de la terre, Jean Paul Knott y a réuni ses musiques préférées, ses magazines de prédilection ainsi que quelques DVD à projeter, là où on veut sur un des murs immaculés. A noter aussi, dans cet univers minimaliste et zen : un bureau, sa longue banquette éclairée, son mobilier (dont un fauteuil bas de Marc Newson). Elle semble alors immense. En un mot, zen.

Les chambres de Mademoiselle Lucien et de Marina Yee, elles, font davantage penser à un exercice de style. Dans la chambre 346, Pascal Di Pietro Martinelli et Laurent Uyttersprot (Mademoiselle Lucien) sont restés fidèles à leurs thèmes de travail… et aux poupées Barbie. Leur passion pour l’Orient est bien présente elle aussi : la chambre séduit assurément par cette longue banquette marocaine qui fait face au lit. Dans l’esprit de la tradition maghrébine, elle a la taille de deux lits sur lesquels des invités venus à l’improviste peuvent s’allonger. Mais cette évocation est de loin surpassée par la dédicace faite à la célèbre danseuse bruxelloise Akarova. Récemment disparue, cette artiste aux talents multiformes a elle aussi marqué de son empreinte le monde de la décoration. Directement inspirés de son £uvre, les textiles employés renforcent le sentiment de confort qu’inspire d’emblée les lieux. Cinq mini-vitrines sont suspendues face au lit, garnies de Barbie habillées dans le style Akarova.  » Notre idée, expliquent les deux protagonistes de Mademoiselle Lucien, est de les changer au fil des thèmes que nous aborderons. La chambre sera donc régulièrement actualisée pour suivre au plus près nos thèmes de travail.  »

Marina Yee a pu, elle, exercer ses talents dans le grand espace, celui de la suite 140, idéalement située sur un angle, avec vue imprenable sur la flèche de l’hôtel de ville. Un idéogramme peint sur le mur rouge du hall d’entrée introduit sans ménagement le visiteur dans l’univers de la créatrice, revendiquant pêle-mêle ses origines chinoises et son goût avéré pour la provocation. Anecdote parmi d’autres, la télévision a été bannie des plans. La suite de Marina Yee séduit aussi par ses demi-teintes. Ainsi la lasure aubergine appliquée au sol est-elle très délicate, rappelant les teintes délavées de malles de voyage dans l’Orient lointain. Dans un bleu flirtant avec le mauve, un sofa s’est niché dans une sorte d’alcôve. Le traditionnel couvre-lit est remplacé par quatre grands cercles indépendants, des coussins plats qu’on a envie de serrer dans les bras. Petit plus : leur couleur jaune fluo se diffuse sur le blanc des murs. La pièce maîtresse ? Ce meuble  » transformiste « , se muant de banquette en bureau d’où, assis, on peut admirer… la flèche de l’hôtel de ville.

C’est ainsi, en mettant en scène les émotions des créateurs, que toutes les Fashion Rooms ont dépassé le simple buzz de la mode ou du design.

Jean-Pierre Gabriel

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content