Elle dessine très mal, s’est improvisée créatrice, est têtue et pas très forte en langues, pourtant Vanessa Tugendhaft a tout pour elle. Elle est née sous le signe du diamant.

Des arrière-grands-parents maternels joailliers, pignon sur rue, dans la galerie de la Reine, des grands-parents diamantaires, des parents diamantaires, une soeur diamantaire. Elle, quand elle était petite, n’avait pas de  » rêve professionnel « , elle voulait  » juste être heureuse « , ce qui, en soi, est parfois  » une source de stress « , aujourd’hui ça lui sourit. Nul besoin d’aller à Paris où elle vit pour la rencontrer. Tous les mois, Vanessa Tugendhaft rentre au bercail, direction Bruxelles ou Knokke, où elle retrouve le décor de son enfance, et tout ce qui va avec. Dans ses bagages, sa petiote de presque 3 ans, son mari et quelques bijoux délicats qui ne la quittent pas – un fil rose fluo avec une rose en or rose ornée de diamants, sa bague de mariage  » basique, avec une monture très fine « , elle lui jette un regard, horreur,  » elle n’est pas propre « , les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés.

Elle a 15 ans, c’est les vacances, elle accompagne son père  » au bureau « , elle s’ennuie, il lui donne un lot de petits diamants piqués et un conseil:  » amuse-toi « . Elle les décortique à la loupe, demande si par hasard elle ne pourrait pas aussi avoir un diamant noir et imagine son premier bijou.  » Un petit pendentif assez géométrique avec barrettes. Je l’ai fait monter par l’artisan, je l’ai porté et j’ai eu un succès fou.  » D’où ce dialogue de filles, surtout avec les mamans de ses copines :  » C’est très joli, ça vient d’où ?  » –  » C’est de moi « . Et puis plus rien,  » un blanc « ,  » cela ne m’a pas traversé l’esprit, il fallait que je fasse des études « . Et pour elle, cela ressemble à une école de commerce, l’Ephec, à Bruxelles. En 2002, elle part faire un stage de fin de cursus dans le cinéma, à Paris, pour une excellente raison –  » j’avais envie de m’ouvrir au monde, non, c’est peut-être un peu trop, disons, envie de faire une expérience  » – et d’autres, plus pragmatiques –  » je n’étais pas très forte en langues et puis Paris est à une heure vingt de Bruxelles « . Sûr qu’elle trouve ça  » génial « , elle aime la vie là-bas et décide d’y rester, l’amour n’y est pas pour rien.

Elle a 23 ans, c’est l’époque où les stars affichent leurs convictions mystiques. Au poignet de Madonna, on ne voit que son petit fil rouge très kabbale et dans la rue, tout le monde s’y est aussi mis.  » J’ai eu un flash : « ce serait incroyable d’y ajouter un petit diamant et d’en faire un accessoire de mode. » J’ai mis à exécution mon flash, cela a été compliqué, il fallait trouver un fil incassable, je l’ai trouvé, avec un solitaire rond de 0,10 carat, je voulais que cela reste discret et abordable.  » Depuis, Madonna a remplacé son bracelet de coton par celui de Vanessa Tugendhaft, même en rêve, elle n’aurait pas osé y croire. Ne pas s’imaginer pour autant que toutes les portes se soient ouvertes devant la demoiselle, elle a  » démarré de zéro « , produit ses premiers bracelets (cinquante) à crédit, élaboré une charte avec un graphiste, un catalogue, elle sait comment emballer son trésor. Un guide touristique à la main, elle  » fait  » tous les concept stores  » sympas  » et les multimarques parisiens, se prend  » des claques « ,  » des portes au nez  » et puis  » ça a pris « . Elle décline son bijou en rond, cible, coeur ou carré, et avec diamant noir pour l’Homme,  » tout s’est enchaîné très vite « . Puis elle délaisse le fil pour la joaillerie fine, qui colle à la peau, presque comme un tatouage, fignole un trèfle à quatre coeurs (Love Trèfle), un masque vénitien (Marquise), un biscuit pour les enfants, à bords dentelés format petit LU (Bébé diamant), une collection Art déco (La garçonne), en hommage à l’émancipation de la femme.

Elle a 32 ans, elle ouvre sa boutique, à Saint-Germain,  » autour du diamant  » – il y a des bijoux, des parfums appelés Eaux Diamantées, des sacs Clio Goldbrenner, qui portent aussi la marque de Vanessa, des outils pour apprenti diamantaire – une loupe, une pince, un leveridge – et un bar à diamants, que l’on peut donc s’offrir pur, tel quel, sans monture, on décidera plus tard, ou pas. Ses collections mixent dorénavant le cuir, l’émail, l’argent rhodié et l’or, jaune, rose ou blanc, et toujours avec une, deux, trois… pierres précieuses, les plus brillantes et les plus dures de toutes. Cela ne s’explique pas, elle aime les diamants, il n’y a rien après le  » parce que « , juste son éclat à elle.

Vanessa Tugendhaft, 1, rue de l’Abbaye, à 75006 Paris. www.vanessatugendhaft.com

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

 » Ce serait incroyable d’y ajouter un petit diamant.  »

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