Star de la BD, Joann Sfar multiplie les cordes à son arc. Son premier roman, tragico-hilarant, nous met dans la peau d’un vampire aussi doux qu’amoureux. Mais il faut parfois plus que l’éternité pour toucher au bonheur…

Que reste-t-il de l’enfant en vous ?

La gourmandise, la candeur et la capacité à ne pas lâcher un personnage.

Quelles étaient vos peurs d’enfant ?

Ayant perdu ma mère tout petit, je redoutais le silence. J’aurais tant voulu sentir que les morts reviennent ou veillent sur nous. C’est en lisant Le Petit Prince de Saint-Exupéry que j’ai accepté la disparition des êtres chers.

Pensez-vous que  » l’immense majorité des légendes enfantines sont vraies  » ?

J’ai toujours été très attaché aux monstres et aux héros de films d’horreur. Abonné à des revues spécialisées, je découpais les images pour créer de faux romans-photos et inventer mes propres histoires.

L’enfance continue-t-elle à vous inspirer ?

Oui, puisque je suis auteur de jeunesse, de BD et de livres illustrés. Mes figures relèvent de l’horreur ou du merveilleux, mais je les transforme en personnages existentialistes qui cherchent leur place, en racontant leur quotidien.

L’écrivain est-il un vampire ?

Prenant toute la place, il n’est pas facile à supporter pour l’entourage. L’activité artistique, la littérature et le judaïsme m’ont donné des dispositions à croire que j’étais le centre du monde, mais la paternité m’a soigné.

Que feriez-vous si vous étiez un vampire ?

Voler pour échapper à l’attraction terrestre. Ou voir la nuit. Maître de quatre chats, j’adore imaginer ce qu’ils perçoivent dans le noir. Ainsi mon héros voit le ciel en vert pistache. J’aime décrire des êtres qui regardent le monde autrement.

Devenir éternel…

Ça me plairait. Même si je parle toujours de fantômes et de monstres, je ne suis pas morbide. Ma connivence avec la mort reste de l’ordre du conte de fées.

La liberté est-elle  » la meilleure des destinations  » ?

Je suis si bordélique et hyperactif que j’ai besoin de cadres. L’idéal ? Me faire gronder pour pouvoir les respecter (rires).

Qu’est-ce qui vous pousse à  » rester au monde  » ?

J’ai la chance d’avoir une épouse, deux enfants, des amis et des animaux. Ce n’est qu’à 40 ans que j’ai trouvé le truc qui me remplit : écrire un roman le matin et dessiner l’après-midi, en voulant toujours faire mieux que la veille.

Votre bonheur…

Dessiner des gens dans les cafés ou les jardins. Cela témoigne d’un amour pour d’autres humains. Le bonheur est un mouvement perpétuel. Je suis d’autant plus heureux d’être ici que j’ai la quasi-certitude qu’il n’y a rien d’autre après.

L’Eternel, par Joann Sfar, Albin Michel, 455 pages.

KERENN ELKAÏM

 » J’AIME DÉCRIRE DES ÊTRES QUI REGARDENT LE MONDE AUTREMENT. « 

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