Issue des rêves d’un maharaja du XVIIIe siècle, la capitale de l’Etat indien du Rajasthan étale avec bonheur ses sublimes richesses architecturales. De remparts en palais, de bazars en musées, la Ville rose se dévoile.

Rarement une ville aura été si méticuleusement pensée. Jaipur édifiée sur l’emplacement d’un lac asséché aux portes du désert rajpoute, satisfait toutefois les imaginations les plus débridées. Il suffit de se laisser porter par l’effervescence ambiante tout au long de rues et de places baignées de couleurs. En effet, les tonalités des enduits recouvrant chacun des édifices ont donné à la capitale son surnom de  » Ville rose « .

Parmi les souverains successifs ayant présidé, au fil des siècles, à la fondation et au développement de Jaipur, un nom s’impose : Jai Singh II. Maharaja du XVIIIe siècle, guerrier, astronome et architecte à ses heures, il quitta sa forteresse d’Amber au moment du déclin de la puissance moghole pour s’installer plus bas, à quelques kilomètres dans la plaine, et y concevoir Jaipur en 1727. Il dessina les plans en s’inspirant du  » Shilpa Shastra « , traité hindou d’architecture : composée de neuf secteurs, chacun correspond à un commerce ou à une activité spécifique, la cité historique est ceinturée d’un mur crénelé. Cet ensemble fortifié, percé de huit portes, enserre de multiples édifices.

Parmi ceux-ci, curiosité majeure, l’observatoire du Jantar Mantar illustre le génie de Jai Singh II et l’intérêt passionné qu’il portait à l’astronomie. Conçu en 1728, le site ressemble plutôt à une exposition de sculptures en plein air. Pourtant, les nombreux instruments dressés sur le parvis servent bien à définir la position des étoiles et des planètes, à calculer les azimuts et à lire l’heure. Chacun de ces appareils relève, pour l’époque, d’une science très élaborée. Aujourd’hui encore, à l’occasion des fêtes religieuses ou de la mousson, les astrologues indiens continuent de les utiliser pour leurs prévisions.

A quelques pas de là, indiquant le coeur même de la cité fortifiée, le City Palace est constitué de plusieurs bâtiments, temples, pavillons, cours et jardins, résultant de l’incroyable mélange des architectures moghole et rajasthanie. Ses différentes parties sont reliées entre elles par des portes monumentales en cuivre clouté, ornées de motifs minutieux, et souvent flanquées de deux éléphants de marbre, symboles hindous de la sagesse, de la puissance et de la dignité. Ce n’est pas un hasard si Jai Singh II, entre force et beauté, a accordé une telle importance à cet animal. Porte du Rhinocéros, place de la Lune, cour du Bien-Aimé : le City Palace tout entier mérite une longue visite tant les richesses qu’il abrite sont exceptionnelles.

Dans le dédale de ce complexe, le Chandra Mahal (palais de la Lune), haut de sept étages, offre un panorama imprenable sur la cité et les jardins du palais. L’actuel maharaja et sa famille y vivent encore, mais il est naturellement impossible de visiter leurs appartements. Toutefois, le rez-de-chaussée et le premier étage hébergent le musée du maharaja Sawai Man Singh II : trois salles regorgeant de peintures, d’armes et de costumes royaux, dans un merveilleux décor orné d’arabesques bleues, de motifs floraux et de multiples miroirs.

Autre bâtiment du City Palace, le Diwan-i Am, ou salle des Audiences publiques, est aussi finement décoré et propose une belle collection de manuscrits en persan et en sanscrit. La salle des Audiences privées Diwan-i Khas, est, elle, pourvue d’une somptueuse galerie de marbre. Véritable ville dans la ville, le complexe abrite également un ancien gynécée, le Sileh Khana, et sa collection d’armes, le temple de Govind Devji, autre nom de Krishna, ainsi que le Mubarak Mahal, le palais de la Bienvenue, où sont exposés costumes et vêtements.

En sortant du City Palace, les visiteurs pourront continuer de satisfaire leur curiosité en se rendant à l’Albert Hall Museum. Consacré à l’art populaire du Rajasthan, de style indo-musulman, l’édifice est situé dans les jardins de Ram Niwas, au sud des remparts, à l’opposé du City Palace. Dans Jaipur également, comble de l’étrangeté architecturale indienne, on dit du Hawa Mahal que, dépourvu de fondements, il se soutient lui-même dans les airs. Communément surnommé le  » palais des Vents « , bien que limité à une simple façade et sans réelle profondeur, il n’en est pas moins le site le plus attrayant de la Ville rose. Chacun des cinq étages surplombant la rue est agrémenté d’une myriade de fenêtres (953 au total!) semi-octogonales, incurvées et à peine ajourées. On raconte que le palais des Vents fut construit pour que les femmes du harem puissent malgré tout prendre un peu l’air et contempler le spectacle de la rue sans se montrer.

A Jaipur, en effet, l’atmosphère et l’animation des rues justifient à elles seules qu’on y déambule, qu’on s’y perde. En effet, non loin du palais des Vents s’étendent les bazars, qui entretiennent aussi la renommée de la cité. Ils ont incarné au fil des siècles histoire, esthétique, puissance, tout en restant des lieux de vie par excellence. Haut en couleur, grouillant, joyeusement bruyant et regorgeant de trésors aussi divers que surprenants, chaque bazar est dédié à une activité ou à un commerce particulier : joaillerie, vêtements, gadgets. Dans ces enchevêtrements d’échoppes, les visiteurs n’ont que l’embarras du choix. De l’avis de tous, les bazars de Jaipur sont les meilleurs endroits de tout le pays pour faire des achats.

C’est pour défendre ces richesses que furent édifiés les forts alentour, à l’exception de celui d’Amber, qui trônait déjà au sommet d’une colline, à 10 kilomètres de Jaipur. Ses remparts épousent le relief, suivant harmonieusement les crêtes jusqu’au château proprement dit, lequel surplombe le désert d’un côté, et un lac, de l’autre, qui le reflète. Palais et suite, cours de Douceurs où sont alignés des éléphants de pierre, temple de Kali, salles des Audiences publiques et privées, musée : la forteresse illustre parfaitement l’architecture rajpoute.

Sur la route d’Amber, construits au XVIIIe siècle, les forts de Jaigarh et Nahargarh renforçaient la défense de Jaipur. Le canon géant remisé à Jaigarh, orgueil du fort, en atteste. Symboles supplémentaires de la toute-puissance royale, ces citadelles, entourées de remparts crénelés, abritent des palais dans lesquels les souverains résidaient. De là, la vue sur le Jal Mahal (palais de l’Eau), bâti à proximité, est remarquable. Mais c’est à l’est de Jaipur que l’on peut faire une halte dans le calme et la fraîcheur. Le temple de Galta, dans le village du même nom, est dédié au dieu du Soleil et considéré comme un lieu saint où les sources possèdent des vertus pour la santé de celui qui s’y baigne. Aujourd’hui, ces forteresses ne jouent plus aucun rôle militaire. Si elles continuent de symboliser la force des souverains épris de puissance, elles se rangent désormais aux côtés des plus beaux sites touristiques du Rajasthan. Entre force et beauté, nul besoin de choisir : Jaipur est une cité aux multiples visages.

Chrystel Jaubert et Jean-Claude Gerez

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