Jardin avec vue sur la meuse

Bien que très jeune, ce jardin affirme déjà une sacrée personnalité… Tout en offrant une vue généreuse sur le cours de la Meuse namuroise et les rochers majestueux qui l’encadrent.

Carnet d’adresses en page 115.

Chaque matin, lorsqu’il ouvre les yeux, Philippe Taminiaux embrasse du regard le Néviau, un pan rocheux presque nu et abrupt qui monte depuis le lit de la Meuse jusqu’aux hauteurs de Dave. Cette vue, il en a eu le coup de foudre au milieu des années 1990. Organisateur du Festival du film nature de Namur, il doit alors enregistrer un message du prince Laurent. Le fils cadet du roi souhaitait s’exprimer au c£ur de la propriété d’un de ses amis : un professeur d’université à la retraite, forestier et écologue. Le rendez-vous pris, l’enregistrement terminé, Philippe Taminiaux s’extasie devant la majesté de la vue sur la Meuse offerte par le jardin.  » Puisque cela vous plaît, sachez que nous vendons « , lui fut-il répondu.

En quelques jours, l’affaire est bouclée ! Avec leurs cinq enfants, Sabine et Philippe Taminiaux se préparent alors à vivre, au c£ur d’une nature préservée, une des aventures les plus folles et les plus enrichissantes qui soit. Outre cette perspective fabuleuse, digne des plus beaux sites des Cornouailles, le domaine compte aussi des hectares de bois où vivent renards, chevreuils, rapaces divers et même une fouine qui fit de gros ravages dans la population de pigeons et de colombes.

Les Taminiaux se séparent d’abord de leur maison… et déménagent une grande partie des plantes de leur ancien jardin, dont des centaines de vivaces.  » Les acquéreurs nous avaient signifié qu’un jardin comme le nôtre, extrêmement dessiné, planté très intensivement représentait une trop lourde tâche d’entretien, se remémorent-ils. Dès lors, nous avons transféré ce qui était possible et qui représentait des années de travail, de patiente sélection de plantes.  »

En s’installant sur les hauteurs, Philippe Taminiaux, sait qu’il change d’échelle, la superficie du jardin à entretenir passant d’une trentaine d’ares à plus de deux hectares. De plus, il faut tenir compte ici de la topographie d’une propriété tout en pentes. Le nouveau propriétaire se met alors à dessiner les principales implantations : la piscine, le potager, le grand border.  » J’ai ainsi redécouvert ce que les test PMS avaient révélé à la fin de mes humanités, confie- t-il. Des conseils d’orientation ressortait une profession : architecte paysagiste. Mais j’ai pris d’autres options et de la publicité, je suis passé ensuite à des activités purement commerciales.  »

Dès l’adolescence, toutefois, la passion de la nature anime le citadin Philippe Taminiaux. Il passe tout son temps libre à observer puis à photographier les oiseaux. L’argent gagné en effectuant de petits boulots passe dans l’achat de boîtiers photo et d’objectifs de chasseurs d’images. Mais le jeune homme a aussi du sang d’entrepreneur dans les veines. Il fonde ainsi avec quelques amis une agence d’images, puis des revues naturalistes, créant un petit groupe de presse.

Son engouement pour la nature s’est aujourd’hui focalisé sur l’art du jardin.  » Lorsque nous sommes arrivés ici, les moutons paissaient jusqu’à la maison, poursuit Philippe Taminiaux. Il a donc fallu leur créer une prairie en contrebas. Comme je ne voulais pas que des clôtures viennent interrompre et gâcher la vue, j’ai adopté le système des Ha-Ha anglais. On crée tout simplement une différence de niveau à pic, en creusant un trou ou une dénivellation d’un peu plus d’un mètre. J’ai donc fait venir une pelle mécanique qui a remodelé cette partie de la propriété.  »

Philippe Taminiaux délimite ensuite les chemins de circulation en créant l’opportunité de faire le tour de la maison avec un véhicule. A l’arrière, il plante un alignement de Catalpa au feuillage doré. Soulignés par une épaisse ligne de vivaces, ces arbres forment une sorte de haie d’honneur pour accueillir les visiteurs. Le maître des lieux a aussi créé un long mixed border à la droite de la vue vers la Meuse.  » Je ne l’ai pas dessiné, commente-t-il. Sabine et moi, nous avons positionné des banderoles à même la pelouse. Et du premier étage de la maison, nous pouvions ainsi estimer sa future ampleur, préciser la manière dont il s’incurverait légèrement.  »

En matière de couleurs, les goûts de Philippe Taminiaux sont très arrêtés. Il n’aime ni les rouges ni les oranges, et il bannit les couleurs vives, leur préférant une harmonie de pastels. Parmi ses plantes préférées, on trouvera par exemple le bleu pâle Nepeta mussinii  » Six Hills Giant  » ou la jaune Anthemis  » Sauce hollandaise « , plantées ici à des centaines d’exemplaires.  » Ne croyez surtout pas qu’un border est chez moi synonyme de plantes vivaces, souligne-t-il. Vous y trouverez des rosiers arbustes et quantité d’arbustes ou de petits arbres sélectionnés pour leur feuillage.  » Philippe Taminiaux voue effectivement une grande passion aux feuillages, les choisissant en fonction de leurs formes et de leurs couleurs. Outre le noisetier pourpre, le Cotinus rouge sang, on recense de nombreuses variétés et cultivars à feuillage jaune comme Sambucus racemosa ‘Plumosa’ , Choisya ternata ‘Sundance’, Gleditsia triacanthos…

En contrebas du border, le visiteur découvre ce que le maître des lieux considère comme un hommage au passé : un beau potager, bien ordonné, ceint d’une haie de hêtres et composé de douze parcelles régulières. Protégées en début de saison par un magnifique alignement de petites serres à l’ancienne, y poussent notamment des fraises, comme autrefois, lorsque cette partie de la propriété n’était qu’un immense champ de fraises de Wépion. Les légumes sont, quant à eux, cultivés en souvenir des jardins des grands-parents de Philippe Taminiaux. Comme il était de coutume autrefois, on trouve aussi dans le potager des alignements de fleurs à couper.

Ce jardin extraordinaire se visite au fil d’un itinéraire savamment étudié par ses propriétaires.  » Nous voulons en effet que l’on puisse aller de surprise en surprise, ressentir les choses l’une après l’autre, précise Philippe Taminiaux. L’entrée se fait donc du côté arrière de la maison, par le massif ombragé, avec ses Hydrangea, Petasites, Lamium, Gunnera… On croise ensuite les Catalpa dorés et le mélange des Nepeta et des Alchemilla (une autre variété parmi ses plantes préférées), enrichi de Campanula, Geranium, Eryngium et bien d’autres.

Avant d’aborder les petits carrés de simples et de plantes aromatiques, les amateurs de chine s’extasieront devant une collection de centaines d’arrosoirs installés dans la serre.  » Les plus beaux sont ici, s’enorgueillit Philippe Taminiaux. Les autres sont peints de la même couleur que les massifs dans lesquels nous les avons disposés. Nous avons voulu jouer la carte du mimétisme, comme la jouent les animaux dans la nature.  »

C’est alors, après avoir tourné autour de la demeure que le spectacle de la vallée peut commencer. En sortant d’un premier bosquet, vous apprécierez enfin l’amplitude de la vue. Et la promenade ne fait que commencer… Qu’importe, puisque Philippe Taminiaux a prévu des bancs pour se reposer. En naturaliste averti, il vous explique que c’est seulement quand vous vous arrêtez de bouger que les animaux commencent à vous oublier et que vous pouvez mieux les observer. Et puis, assis, on jouit encore d’un autre angle de vue.

Le mobilier de jardin (banc, gloriette ou arcade…) est ici utilisé pour la manière dont il permet d’attirer le regard, de souligner une courbe de niveau, de renforcer une perspective. Et, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles ne manquent pas ici. Et elles, elles font éclore des sentiments inoubliables.

Texte et photos :

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