Cette jeune photographe belge s’est immiscée trois mois durant dans l’intimité de foyers égarés le long du Transsibérien. Un périple au plus près de la mélancolie slave d’où elle a ramené la série Ou Menya (chez moi), petit bijou de chaleur humaine serti dans un camaïeu de pastels délavés.

Envers la  » grande Russie blanche « ,  » son atmosphère « , dit-elle, Bieke Depoorter (1986) nourrissait un fantasme flou, une  » attirance inexplicable « . Parce que  » c’est toujours préférable de ne pas savoir exactement à quoi s’attendre « , cette jeune photographe belge alors en passe d’être diplômée de l’Académie des beaux- arts de Gand suit son intuition et embarque, à 22 ans, à bord du mythique Transsibérien. Sous le bras : un sac de couchage et un boîtier. Plus un bout de papier, sur lequel sont traduits ces quelques mots :  » Je cherche un endroit pour la nuit. Connaissez-vous des gens qui ont un lit ou un fauteuil ? Je n’ai besoin de rien en particulier. Je ne souhaite pas loger à l’hôtel car je n’ai pas beaucoup d’argent et je voudrais voir comment on vit ici. Un grand merci !  » Un dispositif simple, connu de tous les routards aspirants photographes depuis l’invention des magazines de voyage. Mais qui peut rapporter gros si l’on allie au goût de l’aventure un regard oblique doublé d’une empathie qu’on devine ici d’une grande délicatesse. Au gré des arrêts du train, Bieke Depoorter va pénétrer dans la plus stricte intimité de quelques familles perdues à la marge du monde occidental. Afin de saisir cette authenticité à c£ur, elle sort son appareil avec parcimonie, laisse la vie fleurir sur ces rencontres aussi brèves qu’aléatoires avant de les immortaliser, quand elles ont trouvé leur rythme propre. L’£il embusqué dans les cuisines de la mélancolie slave, Bieke Depoorter zoome sur une réalité sans fards, comme chopée au saut du lit, littéralement dénudée. Grâce à un traitement purement naturel de la lumière qui donne à ses images un grain sonore et pictural, elle laisse doucement s’échapper la poésie qui sommeille sous le papier peint décati de ces maisons de peu. Par-delà la barrière de la langue, la photographe donne une épaisseur aux bouts d’existence qu’on a bien voulu lui donner. À l’arrivée, une série plombée et festive, blafarde et chaleureuse. Un nuancier sibérien à la portée des mofflés en cyrillique.

PAR BAUDOUIN GALLER

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