Au regard des conditions d’élevage et d’abattage des animaux domestiques, est-il encore raisonnable de manger de la viande ? Deux auteurs tentent par tous les moyens de nous en dissuader.

Faut-il manger les animaux ? , par Jonathan Safran Foer, Éditions

de l’Olivier, 363 pages.

Confessions d’une mangeuse de viande , par Marcela Iacub, Fayard,

150 pages.

JONATHAN SAFRAN FOER

L’auteur. Avant d’être un essayiste engagé, Jonathan Safran Foer est d’abord un romancier. Pourtant, ici, peu de mise en scène. Mais beaucoup de faits. C’est en se livrant à une enquête minutieuse – 32 pages de références viennent attester de ses recherches – que l’on dévore comme un thriller qu’il cherche à nous convaincre d’abandonner définitivement la côte à l’os et la dinde de Noël.

Le point de départ. L’adoption d’une petite chienne, qu’il baptise George, force Foer à s’interroger sur la définition même de l’animal domestique. Il la regarde sans angélisme – de son propre aveu, c’est une belle  » emmerdeuse  » -, mais reconnaît qu’elle a, comme lui,  » une façon intrinsèque et unique de traiter et d’éprouver le monde « . Pourquoi, dans ces conditions, n’en serait-il pas de même du b£uf, du porc et même du saumon ?

Le sujet qui choque. Si, comme ses défenseurs le prétendent, la consommation de viande est  » culturelle  » et de ce fait presque inhérente à la nature humaine, qu’est-ce qui nous empêche, comme le font sans états d’âme les Chinois ou les Philippins, de manger les chiens errants de toute façon voués à être euthanasiés ?

La plaidoirie. Une fois lancé le pavé canin dans la marre, difficile de ne pas suivre le raisonnement somme toute modéré de l’auteur qui prend soin d’instruire à charge et à décharge en rencontrant aussi des petits éleveurs soucieux du bien-être animal. À défaut de virer 100 % végétarien, on risque en tout cas d’exiger des informations sur les conditions de vie… et de mise à mort de son steak.

MARCELA IACUB

L’auteur. Juriste, Marcela Iacub est directrice de recherches au CNRS. Sa démonstration, intuitive, se fonde avant tout sur son ressenti et sur son expérience personnelle de mangeuse de viande et de… séductrice de bouchers.

Le point de départ. Propriétaire elle aussi d’une petite chienne, Marcela Iacub en arrive à réfuter l’hypothèse communément admise qui veut que l’espèce humaine carnivore ait un droit universel de vie et de mort sur les autres êtres vivants qui peuplent la planète. Sa chienne, assure-t-elle, lui est bien supérieure si l’on prend l’odorat et non l’intelligence comme critère d’évaluation.

Le sujet qui choque. Pour étayer sa démonstration, la juriste va jusqu’à s’étonner du fait que l’on punisse un homme accusé d’avoir sodomisé son poney. Pour elle, cette  » pénétration  » infligée à l’animal contre son gré ne serait en rien comparable aux souffrances endurées de la naissance à l’abattage par tous les animaux d’élevage.

La plaidoirie. Pas toujours rationnelle, la chercheuse a au moins le mérite de nous forcer à remettre en cause l’idée que tant que les lions tueront des gazelles – et que nous les laisseront faire -, nous aurons le droit de mettre à mort nous aussi des animaux domestiques. L’homme n’est pas un prédateur comme les autres. Il est le seul à faire naître et à élever ses victimes. Les tuer – pour se défendre ou se nourrir – n’est plus une nécessité. C’est un choix de société. À méditer avant de s’enfiler une brochette de merguez.

ISABELLE WILLOT

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