A Barcelone, dans le quartier du Born, Jordi Butron associe deux de ses passions : l’enseignement et la cuisine sucrée. Son restaurant, baptisé Espai Sucre (Espace sucré), propose chaque soir un menu tout desserts. Et pendant la journée, de futurs chefs découvrent de nouveaux horizons culinaires.

Recettes en page 30.

Guide pratique en page 54.

« J’ai d’abord terminé mes études de pédagogie, dans le but de devenir enseignant, pour me rendre compte à leur terme que la pâtisserie était ma voie, mon avenir.  » Aux élèves de son école de pâtisserie, Jordi Butron martèle que le meilleur résultat vient de la maîtrise des techniques, des gestes mille fois répétés.  » On ne peut pas créer des desserts contemporains, sans être capable de réussir une génoise. Les bases sont fondamentales. C’est pour cela qu’à mes débuts j’ai fait tous mes stages, non pas dans des restaurants, mais dans des pâtisseries. Là, on doit impérativement pouvoir jongler avec toutes les techniques.  »

L’exposition universelle de Séville, en 1992, constitue un formidable tremplin. Jordi Butrón est engagé comme pâtissier pour le pavillon de la Catalogne, animé chaque semaine par un chef différent. Il peut ainsi partager les styles et techniques de deux douzaines de restaurants et entrer dans le monde du dessert à l’assiette. L’argent gagné lui permet de faire des stages en France. Il y retournera à plusieurs reprises, notamment chez deux références en matière de créativité : Pierre Gagnaire et Michel Bras.

 » La pâtisserie me plaît beaucoup, explique Jordi Butron. Et l’enseignement me restait dans la tête, c’est ainsi qu’est né Espai Sucre. J’ai découvert ce local dans le Born, le quartier qui bouge à Barcelone. J’ai trouvé des associés, dont Guillem Vicente, sommelier et mon alter ego en cuisine Xano Saguer. Pour ma part, je donne les cours en journée et j’assure la partie créative des menus, avec Xano.  »

Il est bien entendu possible de suivre des cours thématiques, des formations spécifiques et de courte durée chez Espai Sucre. Mais le programme classique dure dix mois, à raison de quatre jours par semaine : deux consacrés à la théorie, deux à la pratique. Au terme de l’année scolaire, les nouveaux diplômés doivent être à même de composer et de réaliser la carte de desserts à l’assiette d’un restaurant.

Dans son enseignement, Jordi Butron revient inlassablement aux bases élémentaires, à commencer par le produit.  » Lorsque je voyage en avion, confie-t-il, je collecte les masques de repos qu’on offre pour aider à trouver le sommeil. Nous les utilisons ici pour une des étapes fondamentales du processus créatif, la connaissance et la reconnaissance des produits, à l’aveugle.  » Le tableau noir de la salle de cours donne une idée de la manière dont un plat est ensuite construit, en évaluant les apports de chaque ingrédient dans l’équilibre final et la manière dont il va être mis en £uvre.  » Aujourd’hui, il n’y a plus de vraie frontière entre cuisine salée et sucrée. Pour être un bon cuisinier, il faut être bon pâtissier et inversement.  »

Peu avant 16 heures, la seconde classe de la journée plie bagages, au moment où l’équipe des cuisiniers arrive, pour préparer les menus de desserts du soir. Le logo d’Espai Sucre représente une fourmi – l’insecte est friand de sucre – inscrite entre des parenthèses à crochets.  » Bien entendu, nous proposons quelques plats de cuisine strictement salée, souligne Jordi Butron. Mais notre originalité se présente sous la forme de deux menus sucrés, le petit et le grand, construits comme dans un restaurant habituel, c’est-à-dire en commençant par une entrée où l’on recherche la sensation rafraîchissante, avec des éléments  » acides  » qui nettoient la bouche, comme une soupe froide de fruits, pour terminer par le dessert plus farineux. Il faut aussi respecter des règles élémentaires sur les variations de texture. Un exemple : les éléments qui ont moins de goût doivent être mâchés pour que la mastication fasse justement ressortir leurs saveurs. Un autre exemple : le chocolat, fort en goût, peut être présenté dans une mousse, une glace. Dans certains cas, le froid ne convient pas pour tout, car il est très agressif, domine sur le goût. Ainsi, j’imagine mal les parfums très délicats du fenouil traités par le froid. Avec les techniques d’aujourd’hui, on peut faire tout ce que l’on veut d’un produit. Reste à savoir la ou lesquelles utiliser à bon escient.  » n

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