Kate Winslet a la pêche

Complice du marquis de Sade dans  » Quills, la plume et le sang « , la rescapée de  » Titanic  » affiche son bonheur d’être mère. Rencontre avec une Kate Winslet en pleine forme.

Rayonnante! Il n’y a pas de meilleur mot pour décrire Kate Winslet en cet après-midi berlinois, hivernal et brumeux. S’il fait sinistre dehors, l’actrice anglaise resplendit, toute de blondeur gouailleuse, avec ce sourire coquin qu’elle décoche volontiers, et qui donne quelque crédit aux rumeurs faisant d’elle une remarquable raconteuse de plaisanteries salaces… Le film qu’elle est venue présenter au prestigieux Festival de Berlin n’est pas non plus du genre puritain, puisqu’il évoque le très sulfureux marquis de Sade! Face à un Geoffrey Rush inspiré dans le rôle principal, Kate Winslet joue dans  » Quills  » une jeune lingère prénommée Madeleine et qui aide l’écrivain – enfermé à l’asile de Charenton – à faire passer ses manuscrits scandaleux à l’extérieur où ils sont édités clandestinement, remportant un succès qui indispose jusqu’à Napoléon lui-même. Complice de Sade mais résistant à ses avances, Madeleine sera également cible des désirs amoureux du jeune curé (Joaquin Phoenix) dirigeant l’asile! Un rôle en or pour une actrice que les clameurs de  » Titanic  » n’ont pas fait dévier de sa logique: préférer le risque et la qualité aux spectacles commerciaux faciles. Une exigence que ne va certes pas diminuer le statut tout neuf de mère auquel Kate accorde la priorité. Oubliées les menaces qu’une soi-disant fan, signant ses messages Dina, fit planer méchamment, via l’Internet sur la grossesse de la jeune comédienne. La petite Mia est venue couronner le bonheur que Winslet vit avec son réalisateur d’époux, Jim Threapleton. Ces deux-là ne sont d’ailleurs qu’à quelques chambres de la pièce où Kate nous rejoint, dans le luxe douillet d’un palace presque neuf, bâti dans l’ex-Berlin-Est. Toute de noir vêtue, les cheveux relevés en chignon par-dessus le col de son blouson de cuir, l’actrice est restée fidèle à sa simplicité: un seul bijou (une belle pierre bleue au doigt), un maquillage discret et des cigarettes qu’elle roule elle-même. Dès son entrée, avec un clin d’oeil, elle fait observer la sveltesse retrouvée d’une silhouette une fois de plus malmenée tout récemment encore par une certaine presse populaire britannique…

Weekend Le Vif/L’Express: Vous êtes en pleine forme!

Kate Winslet: Merci. Et comme vous le voyez, je ne suis pas grosse du tout (rire)! Je ne suis pas filiforme non plus, je suis simplement redevenue ma petite moi-même bien roulée. Contrairement aux ragots… Tout a commencé avec cette interview au  » Times  » où je disais (entre autres) que je m’attelais à perdre mes fichus kilos de grossesse, parce que sinon personne dans l’industrie du film ne me donnerait le moindre rôle! J’avais pris une petite trentaine de kilos en attendant Mia ( NDLR: qui en pesait plus de quatre à la naissance), et, après l’accouchement, j’étais dans un sale état, professionnellement parlant. Qui va engager une actrice dont le ventre pend jusqu’aux genoux et dont le dos doit être soutenu par un échafaudage? J’étais énorme, j’avais gonflé comme une baudruche. Mais je me suis vite et facilement débarrassé de cet excès de bagage, contrairement aux rumeurs de certains journaux, qui m’ont étés rapportées.

Vous ne les avez pas lues vous-même?

Non. Je ne lis jamais rien de ce qui s’écrit sur moi. Je ne lirai pas cette interview-ci non plus! Ne le prenez pas mal personnellement (rire). C’est simplement que je ne lis pas tout ça. Si vous lisez les trucs favorables, vous vous laissez emporter et vous vous dites:  » Eh, je suis bonne!  » Et si vous lisez les mauvaises, vous vous retrouvez déprimée avec l’envie de vous tirer une balle dans la tête… Alors, j’évite.

Comment s’est passée votre rencontre avec le marquis de Sade?

Le projet m’a attirée par son audace, sa dangerosité. J’adore le film terminé. Geoffrey Rush est formidable en Sade. Nous avions sur le plateau le même rapport que nos personnages dans le film: une complicité ludique alimentée (de sa part) de flirts insistants (rire)… Il essayait sans cesse de m’embrasser. Nous avons eu comme une sorte de liaison, au sens  » acteuriste  » du terme. Une chouette expérience, et un très bon film à l’arrivée. Le seul reproche que je puisse faire, c’est… moi! Quelle stupide erreur de casting!

Vous plaisantez, bien sûr?

Pas tout à fait, non (rire). Je ne peux pas m’empêcher de voir ce qui ne va pas dans ce que je fais. Je pousse l’autocritique très loin, je sais, mais cela m’aide à travailler plus, et mieux. Je suis très exigeante dans mes choix, je prends toujours beaucoup de temps entre deux films. Tout ça dans le même esprit, de pousser les choses plus loin, de faire de chaque film un nouveau départ. Une page blanche devant laquelle je peux me dire:  » Cette fois, va falloir que tu sois bonne!  »

Y a-t-il un moment où l’actrice que vous êtes peut se déclarer satisfaite?

Oui. C’est quand je regarde un film terminé et que je n’ai aucune idée de la personne que je vois sur l’écran. Cela m’est arrivé avec  » Holy Smoke « , de Jane Campion. C’était génial à vivre, pas parce que j’avais été brillante, mais parce qu’à force de dur travail, j’avais créé un personnage tellement particulier qu’il ne me semblait avoir aucun rapport avec quoi que ce soit de connu pour moi. J’ai formidablement apprécié, parce que sinon, d’ordinaire, mon seul sentiment au sortir de la vision d’un film est de me dire que j’ai une fois de plus été mauvaise, épouvantable même, et que, cette fois, les gens vont voir que je suis une usurpatrice, qu’en fait je ne sais pas jouer…

Auriez-vous aimé rencontrer Sade pour de vrai?

Evidemment. Tout comme Shakespeare et Jane Austen. Ah, pouvoir être une mouche sur le mur de leur séjour, et observer tout un après-midi de tels personnages!

Vous n’avez jamais fui les scènes érotiques dans vos films….

Il y en avait de belles, il est vrai, dans  » Jude  » et  » Holy Smoke « . Dans  » Quills, la plume et le sang « , le sexe est surtout dans les mots, qui ont un grand pouvoir érotique. Globalement, je n’ai en effet aucun complexe vis-à-vis de la sexualité, y compris à l’écran. Il y en aura encore dans  » Thérèse Raquin « , le film que je vais tourner prochainement, d’après le roman d’Emile Zola. Une histoire d’adultère et de crime extraordinairement passionnée.

L’art a-t-il pour vous valeur thérapeutique?

Je dirais le travail, plus que l’art. Rien ne me va mieux qu’une bonne journée de dur travail, où je me suis donnée à fond, où je rentre chez moi vraiment fourbue mais fière, avec l’impression d’avoir mérité ma paie. J’ai toujours particulièrement aimé ces retours, le plaisir du bain chaud qu’on s’octroie ensuite, avec un bon verre de vin en prime… Mais, même thérapeutique, je trouve souvent ce travail fichtrement dur et je râle encore parfois à haute voix:  » Mais pourquoi donc est-ce que je m’entête à faire ce fichu métier, à me torturer alors que je suis nulle? Pourquoi ne pas arrêter tout ce non-sens et devenir quelqu’un de gentiment normal?  » Et puis, une fois un film fini, je dors une semaine et je commence à avoir envie du suivant (rire)

Avez-vous été suprise par le te triomphe planétaire de  » Titanic « ?

Ma première réaction fut l’incrédulité. Comment était-ce possible, et d’abord comment était-il concevable que quelqu’un comme moi soit dans ce film? Jim Cameron avait pris un vrai risque en me choisissant. J’avais certes été nominée aux oscars pour  » Raison et sentiment « , mais je n’étais pas le genre d’actrice qui amène la foule… Le plus important, pour moi, a été de gérer l’après- » Titanic « . Il fallait que je trouve un film dont moi seule avais envie, que personne d’autre n’approuverait et qui irait à l’encontre de mon statut tout neuf de vedette. Je suis partie au Maroc tourner  » Hideous Kinky « , puis en Inde et en Australie pour  » Holy Smoke « . Au Maroc et en Inde, pour préparer les films, j’ai bourlingué sac au dos, toute seule… Beaucoup m’ont crue folle. Ils ont dit que j’aurais dû faire un de ces grands films qu’on me proposait (notamment  » Anna et le roi  » et  » Shakespeare in Love « ), pour rester au sommet de la vague. Mais je ne suis pas faite ainsi. Je préfère contempler l’horizon plutôt que de courir tout le temps vers lui. Et je ne veux pas ennuyer les spectateurs en faisant tout le temps la même chose. Je veux continuer à apprendre.

Devenir mère est-ce encore une façon d’apprendre?

Si apprendre c’est aimer, et réciproquement, alors oui, c’est une merveilleuse façon d’apprendre.

Propos recueillis par Louis Danvers

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