Keira Knightley so private

Plus que jamais, le cinéma aime nous raconter des  » histoires vraies « . Comme celle de Georgiana Spencer, parente de Lady Di et people avant l’heure. Keira Knightley incarne La Duchesse jusqu’au bout des ongles. Rencontre avec une jeune femme secrète et déterminée.

Bien souvent, on l’apprend trop tard, à ses dépens :savoir dire non est tout un art. A 23 ans à peine, Keira Knightley manie le refus à la perfection. Qu’il s’agisse de décliner un script qui ne lui plaît guère. Ou d’esquiver, avec élégance mais fermeté, la question inopportune d’un journaliste en quête de  » juicy details  » tellement chers à la presse people. C’est qu’en interview Keira est là pour parler boulot. Un point c’est tout. Et elle sait vous le faire comprendre. D’ailleurs, si elle se méfie, ce n’est pas de vous, personnellement.  » C’est toujours comme cela quand vous rencontrez quelqu’un pour la première fois, justifie-t-elle. Vous ne cherchez pas à ce qu’il ou elle découvre en quelques instants tout ce qui se passe dans votre vie privée. Vous, par exemple, votre petit ami aurait pu vous quitter ce matin, vous avez peut-être pleuré toute la matinée. Mais je n’en saurais jamais rien. Car si c’est le cas, vous n’allez sûrement pas me le dire. Dans le cadre professionnel, tout le monde porte un masque. Les acteurs comme les autres. Ce n’est pas de la gestion d’image. Mais de l’autoprotection. « 

C’est sans doute aussi pour éviter de se faire du mal que la jeune femme – qui fit ses débuts devant la caméra à l’âge de 3 ans en tournant dans un spot publicitaire – refuse obstinément de prêter attention à ce qui se dit ou s’écrit sur elle. Les sites de fans comme les ragots des tabloïdes, elle les multiplie par zéro. Pour elle, ils  » n’existent pas  » et n’ont donc pas de prise sur sa vie qu’elle s’abstient aussi de comparer au destin tragique de Georgiana Spencer, duchesse de Devonshire, héroïne du nouveau film de Saul Dibb.

People avant l’heure, cette icône de mode pistée par les dessinateurs – ancêtres des paparazzis – faisait pourtant vendre les journaux comme les stars d’aujourd’hui.  » Je ne recherche en aucun cas des rôles qui se rapprochent de ce que je vis sur un plan personnel, réfute Keira Knightley. C’est certes surprenant de découvrir que ce culte de la célébrité tel que nous le connaissons aujourd’hui existait déjà il y a 300 ans. Mais plus que tout, ce qui me passionne dans ce rôle, c’est la double personnalité de Georgiana. Vous avez d’un côté un personnage public, gigantesque au sens littéral du terme, avec ses perruques surdimensionnées, ce besoin compulsif d’être le centre de l’attention, d’être aimé de tous. Et de l’autre, une femme peu sûre d’elle, enfermée dans son univers et désespérément triste. « 

Un mauvais conte de fées

Tiré du best-seller d’Amanda Foreman, Georgiana, Duchesse de Devonshire (Flammarion), le biopic – sans aucun doute le film en costumes le plus attendu depuis le brillant Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola – évoque avec justesse et émotion l’histoire d’une jeune femme enfermée dans le rôle que la haute société anglaise du xviiie siècle avait forgé pour elle. Mariée à 17 ans au riche et puissant duc de Devonshire, Georgiana Spencer n’a qu’un seul devoir : donner un fils à son mari et vivre dans l’ombre d’un homme taciturne et glacial qui lui préfère très vite sa meilleure amie, Elizabeth Forster, allant même jusqu’à imposer à son épouse un  » ménage à trois  » qu’elle ne peut quitter sous peine de perdre la garde de ses enfants. Un mariage de convenance déguisé en conte de fées qui rappellera à plus d’un les amours malheureuses de l’arrière-arrière-arrière-petite-nièce de Georgiana, Lady Diana Spencer.

 » Georgiana et Diana étaient toutes deux des femmes intelligentes et puissantes, analyse Amanda Foreman. Elles ont été mises en pièces par la presse, se sont battues pour se reconstruire et devenir au final les femmes qu’elles voulaient être. A présent, je vois Keira jouer Georgiana et je m’émerveille de sa capacité à garder son calme en dépit de l’attention constante des médias, cette attention dont Georgiana a tant souffert. « 

Victime des photographes de presse

Si elle reconnaît être victime parfois elle aussi de l’acharnement de certains photographes de presse –  » Je n’accompagne plus toujours mes amis proches au restaurant car ils ont du mal à gérer ce qu’ils considèrent comme une agression  » -, Keira se sent pourtant bien plus libre que Georgiana.  » Cette carrière, c’est mon choix personnel, insiste-t-elle. Georgiana était la propriété de son père avant de devenir celle de son mari. Moi, j’aime être comédienne. Mais j’arrête ce métier demain, si je veux. Un personnage comme celui-ci, c’est une vraie chance pour une actrice. Il y a trop peu de bons rôles pour les femmes. Alors quand vous en voyez passer un, vous l’attrapez. C’est une forte personnalité, mais elle n’est heureusement pas faite d’un bloc. C’est plus crédible. On n’admire pas les gens parfaits, mais ceux qui ont des faiblesses, des défauts et qui arrivent à faire quelque chose de leur vie. Nous, les Britanniques, nous sommes connus pour la capacité que nous avons à réprimer nos sentiments en public, ce qui ne veut pas dire qu’en dedans, on ne ressent rien. « 

Une grande responsabilité

Comme les personnages qu’elle aime incarner, Keira se dédouble, composant comme elle peut avec l’image publique que les autres se font d’elle.  » Vous savez, les gens comme Keira, vous avez tout entendu à leur sujet avant même de les avoir rencontrés, souligne le réalisateur Saul Dibb. Et puis, ils sont en face de vous. Et l’on découvre ce que l’on ne vous dit pas. Keira, personne ne vous parle de son humour, sa détermination, son intelligence aussi. La manière dont elle se dédie totalement à un projet comme celui-ci. Elle est de presque toutes les scènes et s’expose beaucoup. C’est sans doute excitant pour une jeune actrice mais c’est aussi une grande responsabilité. « 

Celle de porter le film à chaque plan en laissant la caméra s’emparer de votre visage, traquant la moindre ébauche d’émotion.  » Keira est fascinante, quel que soit l’angle que vous prenez pour la regarder, ajoute Hayley Hatwell, qui prête ses traits à Elizabeth Forster dans le biopic. Alors vous avez le choix : rester figée la bouche ouverte à la contempler ou vous dire, c’est un être humain comme un autre.  » Et découvrir une fille de 23 ans passionnée par la vie qui sait ce qu’elle aime et ce qu’elle n’aime pas.  » Pas une star mais une actrice qui bosse « , poursuit Hayley Hatwell.  » Dans mes films, je vends du rêve, conclut Keira Knightley. Les articles que l’on trouve sur moi, les photos de presse, c’est une autre forme de fiction. Cette Keira-là n’existe pas plus que les personnages que j’interprète. Tout cela, c’est du cinémaà « 

En salle actuellement.

Isabelle Willot

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