kyle emerson – hiver printanier

© charlotte lamby

Les aubes se ressemblent et sont délicieuses. Elles s’égaient de café et de lumière.

Le premier fume léger, servi dans un haut mug bleu azur. La seconde rayonne pure comme un torrent caché dans les hautes-terres. Impressions fugaces : les masques et les figures sur l’écorce des arbres, les courses-poursuites fauves d’écureuils infatigables, la marque du vent d’est qui a déplacé les montagnes de feuilles mortes pendant la nuit.

On dirait des voyelles et des virgules laissées au bord du chemin.

Quand sonne la demi, je prends une marche jusqu’au studio à travers Lakewood. Il me faut descendre la 10e avenue jusque Garrisson et tourner à droite jusqu’à la 14e.

Les Rocheuses, incroyables de netteté et de présence, dessinent un arrière-plan épique. Amicales dans la distance, telles des grandes soeurs minérales bienveillantes.

Elles inspirent mes journées au studio, immobiles et hors du temps. Je partage mes notes entre une guitare jaune et une vieille basse rouge. Souvent je m’enfuis sur la terrasse pour traîner avec les chiens et le ciel bleu sombre. A la nuit tombée, je pointe la boussole électronique parlante sur l’Oriental Theatre, ancien cinéma de la West 44e ouvert en 1927, pour applaudir Kyle Emerson. Long songwriter aux boucles qui tombent comme une averse. Il égrène des cascades arpégées sur sa Fender aux couleurs d’un coup de soleil. Son groupe diffuse une énergie sereine et maîtrisée. Les mélodies pleuvent, douces-amères. A l’image de son premier album, Dorothy Alice, vendu à la sauvette sur une table en Formica tapie dans la pénombre. A l’entracte, je grille une Camel âcre dans l’air froid nocturne. Je salue Kyle, poignée de main franche, regard souriant, timbre de voix clair et amical. Conscient d’une paix suspendue. Rare. J’observe les passants.

Et le temps qui passe lui aussi.

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