Pour sortir des sentiers battus, on prend la direction du nord. Dans la région de la Garfagnana et des Alpes apuanes, la Toscane se dévoile en version plus intimiste. Montagneuse et sauvage, égrenant villages pittoresques et chemins de randonnée récemment réhabilités, elle se découvre de préférence à pied, à vélo et à cheval.

Florence, Pise ou Sienne : les belles Toscanes déploient un charme éternel. Mais peut-être aussi trop couru. Il existe pourtant une autre Toscane. Verdoyante, très gourmande, façonnée par une nature accidentée et qui recèle aussi – Italie oblige – de superbes bâtisses et monuments. Cap sur la Garfagnana. La région du fameux marbre de Carrare, que l’on extrait des flancs montagneux, depuis toujours, pour habiller les palaces du monde entier.

Point de repère et porte d’entrée de notre périple : Lucques. Un joyau célèbre pour sa piazza dell’Anfiteatro, place de forme circulaire où les hautes maisons colorées se mirent dans un face à face théâtral. Comme d’autres petites cités de la région, telle San Gimignano, cette ville fortifiée fut le témoin des luttes de pouvoir entre les riches commerçants locaux, qui arboraient leur réussite en érigeant des tours plus hautes que celles de leurs voisins. Une histoire de vanité qui s’évanouit dès que l’on pénètre au c£ur de la nature.

À une quarantaine de kilomètres au nord, la Garfagnana accueille des villages pittoresques, construits en pierres du pays et souvent établis sur des promontoires. Leur rusticité dégage une séduction brute et authentique. Si cette région verdoyante est si bien conservée, c’est notamment grâce à ses nombreux parcs nationaux et à ses réserves naturelles protégées. Créé en 1985, le parc régional des Alpes apuanes se distingue par ses impressionnants volumes et ses formations géologiques particulières, déchiquetées par les vents. Séparant la vallée du Serchio de la Riviera della Versilia, il abrite un biotope qui fut quelque peu perturbé par la présence humaine, notamment par l’extraction massive du marbre. Conséquence : les ours, lynx, loups et daims qui peuplaient le massif ont disparu. Mais on y trouve encore des chèvres et des mouflons, ainsi que des oiseaux rares, comme le crave à bec rouge, emblème du parc.

À CHEVAL SUR LES CIMES

Pour atteindre les cimes qui culminent à 2 000 mètres, rien ne vaut le courage et l’agilité des chevaux de montagne, qui constituent le mode de transport le plus indiqué pour emprunter ces chemins sinuant parmi les bois. Costaux et rustiques, ces animaux sont  » formatés  » pour attaquer un terrain escarpé. Ils permettent aussi de communier avec la nature qui se laisse découvrir sous un autre angle, grâce à l’accès privilégié à des points de vue difficilement accessibles autrement. Pour goûter à ce  » wild west toscan « , le temps d’une journée ou d’un séjour plus long, optez pour le Monte Brugiana, un confortable refuge équestre, blotti au milieu de vieux châtaigniers, sur un versant de la chaîne montagneuse. Outre ses prestations touristiques et ses randonnées à cheval, ce centre d’agritourisme propose une table riche en produits du terroir d’une qualité extraordinaire. Au menu : pecorino, un fromage à base de lait entier de brebis, et salamis divers, accompagnés de pain préparé à base de farine de châtaignes, de soupe d’épeautre et d’autres spécialités du terroir. En face se dresse le plateau de l’Orecchiella et ses trois parcs naturels, lovés au c£ur de la zone des Apennines. Un sanctuaire sauvage qui héberge mouflons, marmottes, renards et aigles. Quelques loups y sont aussi réapparus, attestant d’un écosystème qui retrouve lentement son équilibre.

Noyers, noisetiers, chênes centenaires, vignes, citronniers et oliviers enrichissent cette nature qui gâte les gastronomes de ses délicieux produits, disponibles à portée de main. Pour en apprécier toute la diversité, rien ne vaut le marché du jeudi matin à Castelnuovo, le chef-lieu de cette Toscane verte et montagneuse, où la charcuterie artisanale, les fromages du coin, les fruits et les légumes gorgés de soleil, abondent. Flanquée d’un clocher roman qui surgit au milieu des maisons en pierre du pays, cette petite localité rurale témoigne d’un art de vivre axé sur la bonne chère et l’amour de l’authenticité.

Plus loin, le château de Castiglione reflète lui aussi le passé fabuleux de la Garfagnana, de même que l’impérieuse forteresse de Verrucole, qui semble tout droit sortie d’un film de chevaliers. Les fortifications, ce n’est en effet pas ce qui manque dans cette zone autrefois disputée par différentes puissances. Autre merveille médiévale : Sillico, un village haut perché au c£ur d’un bois, qui se prête parfaitement au ressourcement.

À VÉLO OU À PIED SUR LA VIA FRANCIGENA

Les chemins de randonnée mènent finalement presque tous à de pittoresques villages qui se laissent notamment sillonner à vélo. Quoique parfois accidenté, le terrain procure différentes alternatives aux amateurs de cyclotourisme. Au printemps, les fleurs sauvages bordent les sentiers campagnards et cabossés, situés autour de Castelnuovo. C’est à la sueur du front, et en évitant les Fiat 500 et autres petits bolides favoris des Italiens, que l’on rejoint le village de Barga. Son Duomo et son panorama exceptionnel font partie des autres incontournables, de même que Borgo a Mozzano et son célèbre pont en forme de grande arche coudée du XVe siècle.

Ces dernières années, la Garfagnana s’est aussi dotée de nouveaux itinéraires grâce à la réhabilitation de la Via Francigena. Cette route de pèlerinage, également nommée Via Romea car elle avait pour but le tombeau de saint Pierre à Rome, peut se parcourir sur des centaines de kilomètres, jusqu’au Val d’Aoste, pour ceux qui le désirent. De retour de Rome, en 900, l’archevêque de Canterbury aurait rédigé une note sur ce trajet, déjà appelé à devenir l’une des routes de pèlerinage majeures. La Via était d’ailleurs parsemée de monastères, d’églises et d’auberges qui offraient le gîte et le couvert aux chrétiens, un peu à l’instar des chemins de Saint-Jacques de Compostelle, même si elle n’atteint jamais la célébrité de ces derniers. Sa restauration résulte d’une prise de conscience européenne de la valeur tant historique que touristique des anciennes routes culturelles et spirituelles qui quadrillent le Vieux Continent.

La Via Francigena est en fait composée de différents tronçons. Dans la Garfagnana, l’un d’entre eux débute au lieu-dit Dal Passo della Cisa pour rejoindre la ravissante bourgade aux maisons de schiste de Pontremoli. Fleurs sauvages à travers prés et forêts de châtaigniers ponctuent ici encore cet itinéraire de près de deux heures. Tandis que les sources d’eau chaude de Bagnaccio, situées près de Viterbo, et les thermes médiévaux de Bagno Vignoni se prêtent volontiers à un séjour bien-être.

Sur d’autres tronçons, la route fait aussi écho à l’histoire et à la culture. On songe à la jolie cathédrale de Fidenza ou à la chapelle romane de Bardone. Reliques et petits autels datant de plusieurs siècles attiraient également les pèlerins sur la route de Lucques où l’on s’arrêtait pour contempler le Volto Santo ( » la sainte face « ), un crucifix byzantin en bois, caché dans la cathédrale Saint-Martin. De bien modestes choses face à l’exubérance florentine ou au faste siennois, mais si touchantes, et tel est précisément le magnétisme de la Garfagnana.

PAR SANDRA EVRARD

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