En pleine vogue des années 1950, la femme-poupée n’a pas fini de faire des vagues cet été. Témoin l’abondance de baby-dolls et autres nuisettes reconduites en vêtements de ville ou en habits de lumière.

(1) Edition du 3 février 2004.

(2) Edition du 13 février 2004.

L éger, coquin, câlin, mutin et  » modissimo « , l’esprit lingerie règne en maître sur les collections estivales, au point de remplacer des fondements du vestiaire féminin comme le chemisier, le tee-shirt, la robe, le pantalon ou la jupe. Entre les corsets apparents qui confèrent aux corsages une étoffe supplémentaire, entre les pyjamas précieux mués en tailleurs printaniers et les bodies aux motifs chamarrés, entre la couleur chair ou grain de poudre si chère, justement, à l’univers de la corsetterie et les jarretelles utilisées comme des chaussettes, entre les robes de nuit réinterprétées en tops satinés se glisse le baby-doll. Petit bout d’étoffe en forme d’amusante anecdote vestimentaire, il imprime au tissu un souffle qui n’est pas près d’expirer après un demi-siècle d’existence.

Comme une réaction épidermique aux effets du sportswear et de la mode androgyne,  » la mode axée sur les années 1950 répond à une envie de tenues plus féminines, plus glamour et plus sexy. Témoin ces baby-dolls sortis tout droit de la dolce vita, ces habits poids plume portés par des clones de B.B., Jane Fonda, Sylvie Vartan ou Marilyn Monroe, et qui, selon le quotidien  » Le Figaro « , réfèrent à  » une image très éloignée de la réalité actuelle et qui peut apparaître (…) comme une sorte de compensation esthétique, comme un repli vers un modèle rassurant  » (1). Modèle rassurant et, aussi, extrêmement sensuel parce que porté à même la peau dans un tourbillon de voile, de mousseline, de tulle ou de jersey ultrafluide, le baby-doll s’adresse à une femme-poupée, une demoiselle touchante puisque trop vite montée en graine, une jeune dame atteinte du syndrome de Peter Pan et qui s’adonne sans arrière-pensée à la régression.

 » Le style baby-doll, avec son allure de gamine aux longues jambes en socquettes, en minijupe ou en robette, la fossette affichée et la moue candide de bébé, est en train de revenir en force « , lit-on dans le  » Fashion Daily News  » qui consacre un dossier à cette Mademoiselle âge tendre incarnant, dans sa version 2004, la fraîcheur, la douceur et une certaine fragilité (2). En adoptant le baby-doll qu’ils déclinent en élément phare ou en second rôle dans leurs collections estivales, les créateurs veulent ainsi probablement rendre hommage à cette candeur dénuée d’artifices, à ce je-ne-sais-quoi de juvénile, de pudique et d’attendrissant, éloigné de toute provocation ou vulgarité.

Savoureux comme la crème fouettée sur un cappuccino chez Anne Valerie Hash, le baby-doll disparaît sous un bouillonnement de volants chez Versace et chez Alberta Ferretti. Composé de tons gourmands, il se porte ceinturé d’un large n£ud chez Louis Vuitton, et, chez John Galliano, volontiers déstructuré et mousseux. Pour Junko Shimada, il s’apparente au corsage aérien sur une jupe ample. Généreusement bordé de dentelles, il affiche des airs de mini-toge chez D&G et chez Costume National, son aspect velouté lui confère une opacité très smart. Porté sur un caleçon chez Givenchy, il a la pureté d’une robe de vestale alors que Martine Sitbon lui enjoint un petit côté sportswear en l’enfilant sous un blouson. Pour Strenesse, il prend l’allure d’une robe-foulard plutôt hippy chic et chez Just Cavalli, il mute en mini-tunique un brin rustique à porter avec une paire de jeans bien délavés. Constellé d’imprimés primesautiers chez Emporio Armani, il choisit l’option printemps en imitant les fleurs à large corolle chez Balenciaga. Vu par Roberto Cavalli, le baby-doll a, couleurs à l’appui, des ressemblances avec le royal plumage des paons alors que chez Olivier Theyskens pour Rochas et chez Prada, ses racines 1950 sont clairement exprimées.

C’est en effet vers la moitié du siècle dernier que le baby-doll, cette robe (très) courte et évasée portée généralement sur un short ou une culotte haute, prend du galon, notamment via le film  » Baby Doll  » d’Elia Kazan (1957). La nuisette, en français dans le texte, aura d’ailleurs quelques beaux rôles vaporeux au cinéma. Aujourd’hui, ce qui était à l’origine un vêtement de nuit sexy se porte dès le matin, éveillant des gestes charmants chez toutes les femmes-poupées et celles qui, de temps à autre, ont décidé d’arrêter de grandir.

Marianne Hublet

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