Avec elle, rien n’est ordinaire. Ni sa collection de photos anonymes, ni son parcours de productrice-photographe, ni son amour de la vie. Tchin.

Toi qui entres dans son antre, te voilà prévenu(e) : avec Véronique Marit, tu n’auras droit qu’à une seule question. En cas de non-respect de la consigne, elle se verrait obligée de passer la nuit à expliquer ses collections, ses 20 000 photos, du noir et blanc, de 1872 à 1960,  » au-delà, ça ne m’intéresse pas « , ses 300 paires de chaussures rangées dans le couloir, à portée de main,  » de très belle qualité toujours « , ses draps et ses nappes anciennes en fil de lin, ses couverts en argent, ses vêtements vintage rangés dans sa galerie photo, on y accède par la cave, ou par l’extérieur, selon le degré d’intimité, elle a pour nom Un quai sur Meuse, plus besoin de vous filer l’adresse. Le fleuve est bien là, on ne voit que lui, encadré par le chambranle de la fenêtre du salon, suffit de se laisser choir dans l’un des divans que Véronique Marit semble également collectionner et sur lesquels elle a jeté des couvertures berbères avec sequins faites main. Au plafond, elle a tendu un voile rouge, pendu un lampadaire théâtral, dans les verres en cristal, le Marsala se pare d’éclats sanguins.

Elle a dû être libanaise dans une autre vie, ou syrienne, voire tunisienne. Quand elle regarde les tirages albuminés de Lehnert et Landrock, elle s’y reconnaît, d’ailleurs l’arrière-grand-mère de son homme fut la compagne de Landrock, il n’y a pas de hasard. Pourtant, elle est née à Namur, a vécu en Corse, parce que son père, photographe d’aviation, y travailla, atterri à Liège à 12 ans, elle en a l’accent, on ne s’y trompe pas,  » il n’y a pas pire Liégeoise que moi  » – le 15 août, c’est pas la Sainte Marit ? Laquelle est un peu princesse au petit pois, un peu fée, un peu sorcière, tout ça à la fois.

Avec elle, c’est plus belle la vie, pas la saga marseillaise, quoique si on lui avait confié la production de cette série, sûr qu’on y aurait vu autre chose. Car pendant trente ans, Véronique Marit a travaillé de l’autre côté de la Meuse, avec les frères Dardenne, comme directrice de production, fidèle au poste, gardienne du temple et même maman sur tous les tournages. Mais elle est à l’aube d’une autre vie : elle qui fut formée à la photo (via son paternel chéri et ses études à Saint-Luc où Hubert Grooteclaes fut son prof), elle s’en donne désormais à coeur joie. Avec sa galerie nouvellement ouverte où elle expose ses collections d’anonymes et où elle exposera bientôt les siennes. Avec un premier livre aussi, qui rend heureux, s’intitule Avoir un bon copain et rassemble la crème de ses clichés, répertoriés sur le thème t’aime. Car sauver les photos de famille d’une mort certaine, quand plus personne n’en veut, avant qu’elles ne finissent à la poubelle, au feu, au pilon, voilà sa mission. Depuis qu’elle a 16 ans, elle adopte les inconnus de papier, mais seulement ceux qui l’émeuvent – à cause d’un sourire, d’une froissure, d’un mauvais cadrage, d’un bébé  » laid, mais alors très laid « , à quoi ça tient. Un seul critère : que tout cela lui raconte  » quelque chose « , Véronique est une conteuse qui s’en laisse conter. Ce qui ne l’empêche pas de goûter les voyages : Samarcande, Achgabat, Shanghai, Bujumbura, elle est allée partout. Bien sûr, elle porte des tas de beaux bracelets qui s’entrechoquent et Shalimar de Guerlain. Parfois aussi Pour un homme de Caron, elle pourrait en boire, eu égard aux effluves d’un ancien amour, l’excès ne nuit pas toujours en tout.  » Pour être aimé, faut être aimable et pour recevoir du bonheur, faut en donner « , telle est sa devise.

Avoir un bon copain, Collection Véronique Marit, Yellow Now / Côté Photo et Un quai sur Meuse. Expo Avoir un bon copain, La réconciliation, Un quai sur Meuse, 1, Quai sur Meuse, à 4000 Liège. Tél. : 0478 24 93 01. Ces 16, 22, 23, 29 et 30 juin.

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

 » IL N’Y A PAS PIRE LIÉGEOISE QUE MOI.  »

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