A en croire le discours des tendanceurs de tous bords, les designers s’échangeront bientôt entre grandes maisons comme des joueurs de football. Une saison de mauvaise presse ? Un carnet de commandes frileux ? Quelques frictions avec l’actionnaire ? L’enfant chéri des catwalks ou des showrooms, adulé hier, peut se retrouver dans l’ombre du jour au lendemain, remplacé sans attendre par une valeur montante. Un de ces  » talents déjà éclos et dont on commence à parler mais qui ne sont pas encore des superstars « , précise Donald Potard, ancien PDG du groupe Jean Paul Gaultier, devenu agent artistique pour créateurs de mode (1). Si dans l’univers glamour des podiums, la saison des transferts suit de près la caravane bisannuelle des défilés de prêt-à-porter – ne vient-on pas d’apprendre le remplacement d’Hedi Slimane chez Dior Homme par notre compatriote Kris Van Assche ? -, en design, c’est le Salon international du meuble de Milan qui fait office de baromètre. La popularité d’un créateur s’y mesure au nombre de ses  » contrats « , se comptant par dizaines pour les superstars comme Philippe Starck, Patricia Urquiola ou Ron Arad, ou au degré d’establishment du label qui l’emploie. Dans les allées de la Fiera, où se croiseront cette semaine plus de 220 000 visiteurs (2), tout comme dans les studios plus confidentiels du centre-ville, éditeurs et journalistes traquent le  » créatif émergeant  » qui réussira à surprendre une audience de plus en plus saturée par les nouveaux objets déversés chaque année sur le marché.  » Lorsque je commence à travailler avec un jeune créateur, j’envisage d’abord si sa personnalité est bien en phase avec l’esprit de Cappellini, plutôt que de m’attarder au projet qu’il me montre « , confie Giulio Cappellini, directeur artistique de la prestigieuse marque italienne qui fut parmi les premières à employer les frères Bouroullec, Marc Newson ou Jasper Morrison. Incorrigible curieux –  » le design, c’est toute ma vie « , justifie l’élégant DA -, Giulio Cappellini a depuis longtemps déjà élargi son champ de recherche à l’Afrique et à l’Asie. Une démarche suivie aussi par les dix auteurs de  » & Fork « , le nouvel opus des éditions Phaidon ( 3) qui recense et présente 100 nouveaux talents venus des quatre coins du globe.  » Ces jeunes créateurs se demandent sans cesse comment les objets qu’ils créent affecteront demain les relations interpersonnelles, ils ont les générations futures à l’esprit « , résume Emilia Terragni, coordinatrice de l’ouvrage. L’envie de générer un design durable, en somme. A condition qu’on leur laisse, à eux, une petite chance de durer…

(1) In  » FMag « , newsletter n°254.

(2) Salon international du meuble de Milan,

du 18 au 23 avril.

(3)  » & Fork « , éd. Phaidon, 444 pages. L’ouvrage met en exergue le travail des Belges Xavier Lust et Elric Petit (du collectif Big-game).

Isabelle Willot

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