Jadis ville lugubre et délaissée, Valence rivalise aujourd’hui avec Barcelone en termes d’atouts touristiques. La belle Espagnole est particulièrement accueillante envers les femmes… qui ont du caractère.

Difficile d’imaginer, en déambulant dans les rues animées, larges et bordées d’orangers (symboles du cru) de la lumineuse Valence, que la ville était jadis considérée comme une zone sinistrée.  » Avant, elle était sale et abandonnée, se rappelle Violetta, notre guide. Elle est une destination touristique depuis dix ans à peine. En fait, elle est devenue propre et agréable depuis qu’elle a installé une femme à la mairie.  » Rita Barberá (PP – droite) concourt pour un sixième mandat à la tête de la capitale régionale. Sous son impulsion, Valence a vu les hôtels pousser comme des champignons (une trentaine en dix ans), le métro s’agrandir, la futuriste Cité des arts et des sciences sortir de terre, le Jardin del Turia s’achever, la Coupe de l’America (régate) s’organiser, et son circuit urbain s’inscrire au calendrier des grands événements de F1. Notamment.

Son office du tourisme a amorcé, il y a quelques années, une stratégie offensive pour faire découvrir ses attraits à la presse internationale. Après avoir mené l’opération séduction auprès des États-Unis (le guide Lonely Planet a consacré Valence cinquième ville à visiter dans le monde en 2011) et du Japon, elle se lance à l’assaut de la Belgique.  » On compte 7 000 touristes belges par an à Valence, souligne Pepa Jorda, de l’office du tourisme. C’est peu.  » Surtout quand on sait qu’on y est en deux heures, et qu’en novembre le mercure peut encore chatouiller les 25 degrés. Et que la cité natale de l’architecte superstar Santiago Calatrava propose des plages, une vie nocturne, un bouillonnement culturel et une renommée gastronomique qui n’ont rien à envier à Barcelone. Glaçage sur le farton (spécialité pâtissière à tremper dans un lait sucré appelé horchata), la troisième ville d’Espagne en termes de population (800 000 habitants environ) est faite par et pour les femmes.

DES REINES DE LA FÊTE

Un million de touristes d’Espagne et du monde entier rallient Valence à la mi-mars pour assister à la plus exubérante fête du pays : les Fallas. Une sorte de feu de la Saint-Jean où l’on brûle des géants en bois et en papier, vestige d’un temps où les artisans locaux s’éclairaient à la lampe à huile qu’ils suspendaient à des structures en bois. L’hiver derrière eux, ils n’avaient plus besoin de tels échafaudages et les brûlaient. Au fil des années, ceux-ci se sont transformés en véritables £uvres d’art. Tous les habitants de Valence ou presque participent aux réjouissances. Chaque quartier a ses poupées et élit ses falleras – ses plus jolies et charmantes jeunes filles, qui paradent en tenue traditionnelle dès qu’elles en ont l’occasion, toute l’année durant. Une petite et une grande reine sont couronnées le 17 mars, lors d’une cérémonie attendue là-bas comme une finale de coupe du monde de football.

Valence, c’est aussi deux Fashion Weeks par an, en août et en février. Des boutiques de fringues à chaque coin de rue, des  » malls  » gigantesques aux quatre points cardinaux de la ville, et des citadines pour qui s’habiller revêt une grande importance.  » Ici, le style est quelque chose d’essentiel « , souligne la styliste Presen Rodriguez.  » La Valencienne est beaucoup plus à la pointe de la mode que les autres Espagnoles, c’est ancré dans sa culture. Elle est tournée vers le monde, voyage énormément – aujourd’hui, c’est normal d’aller faire une partie de ses études à l’étranger -, s’inspire de ce qui se fait ailleurs, et forme son £il à un certain esthétisme. Et même si elle est d’une grande modernité, elle porte des robes tout le temps, même dans la vie de tous les jours. « 

UNE CATHÉDRALE PRISÉE DES FUTURES MÈRES

Elles étouffent un fou rire, entre s£urs ou copines, tandis que leurs hommes les attendent sur un banc. C’est la tradition, dans la cathédrale métropolitaine Santa Maria, que les femmes enceintes s’adonnent à des processions autour d’une représentation de la Vierge. Il paraît qu’après neuf tours cette dernière leur promet un accouchement facile et sans douleur – et en tout cas, souvent immédiat à cause de la violence de l’effort ! C’est l’occasion pour elles de déambuler dans les travées de cette immense bâtisse chrétienne érigée sur les fondations d’une mosquée, elle-même construite sur les restes d’un temple romain.  » Un jour, il y aura ici une pagode chinoise « , sourit notre guide Violetta. Melting-pot de styles, d’architecture gothique mais affichant un décorum baroque, la cathédrale Santa Maria dévoile, parmi ses joyaux (dont un calice en agathe considéré comme le Saint-Graal et quelques Goya), une coupole ornée de fresques du XVe siècle commanditées par les Borgia, et qui n’ont été découvertes sous une couche de chaux qu’il y a six ans. Une protection qui a conservé à ces scènes religieuses des couleurs d’une intensité magnétique.

DES PÊCHEUSES QUI PRENNENT LEUR DESTIN EN MAIN

Dans le parc naturel de l’Albufera, on vit de la récolte du riz et de la pêche. Les 350 pêcheurs qui résident autour du lac de 2 000 ha ont le droit d’y extraire leur gagne-pain. Conditions : ils doivent être nés ici, être mariés, et avoir un père pêcheur. Il y a une dizaine d’années, un groupe de femmes a réclamé le droit de pêcher dans l’Albufera : elles ont obtenu gain de cause, et on compte désormais une demi-douzaine de pêcheuses dans ce terrain de chasse du roi. Le touriste, lui, y trouvera une faune et une flore bien éloignée de l’idée qu’il se fait généralement de l’Espagne, avec des hérons qui viennent lui picorer dans la main et des paysages mélancoliques où une barque orpheline dérive au rythme des clapotis de la lagune. Le parc est surtout l’occasion de découvrir, chez Mateu (le meilleur restaurant des environs), une vraie paella valencienne. C’est-à-dire sans fruits de mer mais avec du lapin, du poulet et des escargots. Un délice – parmi tant d’autres – qui vaut bien le déplacement.

PAR MYRIAM LEROY

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