Doenjang, gochujang, kimchi… Autant de spécialités coréennes qui enrichiront bientôt notre répertoire culinaire comme le vinaigre balsamique ou le miso l’ont fait au cours des récentes décennies. Après les voitures, les téléviseurs ou l’électroménager, la Corée du Sud a la ferme intention de promouvoir sa gastronomie à l’échelon planétaire. Décryptage.

Pour la plupart d’entre nous, la gastronomie coréenne relève du mystère. Mais certains ont peut-être déjà eu l’occasion de se retrouver autour d’un bulgogi pour apprécier la saveur d’une viande de b£uf finement émincée, marinée puis cuite au barbecue. Ou de goûter à un kimchi, ce plat traditionnel associant piments et légumes fermentés, souvent à base de chou chinois ou de navet blanc.

La cuisine du pays du Matin calme est en grande partie élaborée sur les techniques de fermentation. Sur les photos de voyage, on voit d’ailleurs souvent des alignements de grosses jarres en grès, appelées Hang ah ree (prononcez hanari). Ces récipients en terre cuite ont des propriétés similaires à celles des pots à choucroute de nos voisins alsaciens. Obtenu lui aussi sous l’effet d’une fermentation lactique provoquée par un ajout de sel aux légumes frais, le kimchi est consommé depuis l’an 1000. Conçu à l’origine comme un moyen de conserver les légumes durant l’hiver, ce mets est riche en vitamine C, en composés phénoliques, et tire aussi ses qualités nutritionnelles d’ingrédients qui jouent le rôle d’assaisonnement, comme l’ail, les crevettes fermentées ou la sauce poisson.

Évolution technologique oblige, le kimchi est aujourd’hui confectionné dans des récipients en verre. Les grandes jarres en grès ne sont pas pour autant abandonnées. On les utilise désormais pour la préparation artisanale d’autres spécialités issues, elles, de la fermentation de la fève de soja et réunies sous le suffixe  » jang  » : ganjang (sauce), doenjang (pâte) et gochujang (pâte pimentée) qui constituent l’assaisonnement de base de la cuisine coréenne. La raison ? Au cours de la fermentation, les protéines du soja sont transformées en acides aminés et en nucléotides. Mieux assimilables par l’organisme que les protéines, ceux-ci peuvent aussi être des exhausteurs naturels de goût. Leur couleur permet aisément de discerner les deux grandes familles de kimchi : le  » blanc « , dont la fermentation est réalisée sans ajout de poudre de piment gochu, et le  » rouge  » qui en comprend et qui est donc plus ou moins piquant, selon le dosage.

En Corée, tous les plats d’un menu sont servis en même temps. Dans les restaurant, les mets principaux (viande, poisson…) sont agrémentés par une multitude d’accompagnements qui ne figurent pas sur la carte. Parmi ceux-ci, on trouve du kimchi, bien entendu, des namul (légumes vapeur assaisonnés) ou des jangajji (légumes marinés). À noter : on recense pas moins de 160 types de jangajji et 336 variantes de kimchi !

Le riz, un des éléments clés de l’alimentation, entre aussi dans une recette fast-food couleur locale : le bibimbap, dont il existe un nombre infini de variantes. Il s’agit d’un bol de riz cuit accompagné d’un éventail de légumes crus, de légumes fermentés, parfois agrémentés de viande, de poisson ou d’un jaune d’£uf cru. L’assaisonnement se compose d’huile et graines de sésame, de gochujang, etc. Il suffit de mélanger le tout et… d’avaler promptement ce frichti.

Dans sa version sophistiquée, la cuisine coréenne propose la  » table royale  » : un véritable festin présenté avec un rare sens de l’esthétique. Le menu compte une douzaine de mets choisis et de saison, comme de l’abalone, le champignon matsutake ou une dégustation de fruits secs. En apothéose ? La  » casserole royale « , un bouillon de b£uf enrichi de dizaines d’ingrédients, dont de la viande et du poisson.

Mais quel que soit le repas, tout simple ou ultraraffiné, chaque composant a un rôle déterminé, souvent complémentaire. Car au pays du Matin calme, on considère que les aliments ont plus de pouvoir de guérison que la médecine. Ceux-ci sont d’ailleurs répartis selon leur yin et leur yang, le but de la cuisine étant de combiner au cours d’un même repas une variété d’ingrédients, de saveurs et de couleurs. C’est ainsi qu’on parle d’un riz aux 5 céréales, d’un assortiment de légumes de 9 couleurs… et qu’il existe des plats emblématiques servis une fois l’an seulement. On comprend dès lors aisément pourquoi chaque Coréen est si fier de son patrimoine culinaire, au point de vouloir le faire connaître et de l’exporter.

PAR JEAN-PIERRE GABRIEL

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