De la chevelure dorée à la crinière presque rousse, cette teinte singulière séduit et intrigue depuis des siècles. Aujourd’hui plus que jamais…

 » A Venise, aux heures où le soleil tape le plus fort, les femmes se forcent à brûler sous ses rayons, enduisant leurs cheveux d’un certain élixir de jeunesse… Elles portent des chapeaux en paille dont elles ne gardent que la visière, pour protéger la pâleur de leur visage tout en exposant leurs chevelures.  » Ainsi le peintre Cesare Vecellio, cousin de Titien et célèbre illustrateur de mode à l’époque, décrit-il le rituel que les Vénitiennes accomplissent au XVIe siècle afin d’éclaircir leurs cheveux. Tout au long de la Renaissance, la coloration artificielle est en vogue, au grand désespoir de l’Eglise, qui voit les teintures comme une insulte à l’ordre naturel des choses, et les élégantes n’hésitent pas à essayer toutes les nuances de blond – miel, cendré ou doré. Pourtant, rien n’égale le succès du blond vénitien. Cette couleur, extrêmement rare dans la nature et qui se compose d’une base rousse aux reflets blonds, est obtenue par l’application d’un mélange de safran et de citron, suivie d’une exposition au soleil. Les femmes de la haute société en raffolent. Botticelli et Titien la représentent à foison dans leurs tableaux.

Comment expliquer un tel succès ? Selon Christian Bromberger, anthropologue et auteur de Trichologiques. Une anthropologie des cheveux et des poils (Bayard), c’est l’alliance du blond et du roux qui rend la tonalité intéressante.  » Depuis l’Antiquité, le blond est perçu comme synonyme de beauté, de féminité et associé à la pureté. Il est donc préféré par les hommes. Au contraire, on croit par superstition que les rousses ont un excès de sang ; elles sont donc portées vers le sexe, la bagarre et associées à la débauche et à la luxure. Le vénitien est un juste milieu entre le blond et le roux, qui explore les limites entre la vertu de la Vierge et l’incitation de Marie Madeleine. Une couleur aguicheuse tout en restant honorable. Selon l’écrivain américain Mark Twain :  » Lorsqu’elles accèdent à un certain niveau social, les rousses virent à l’auburn. On parle alors, avec des trémolos dans la voix, de châtain cuivré, voire de blond vénitien. ».  »

Ces connotations du roux et du blond ont changé avec le temps, notamment à partir du XXe siècle.  » On a alors vu les blondes devenir de plus en plus platine, en grande partie grâce à Hollywood, explique Christian Bromberger, et… de plus en plus bêtes ! Au même moment, le roux se revalorisait avec des actrices comme Maureen O’Hara et Rita Hayworth, qui a d’ailleurs été blond vénitien pendant quelques mois. Mais même si la couleur est aujourd’hui dépourvue de son sens original, elle reste un clin d’oeil discret mais coquin à la provocation.  »

Pas étonnant qu’il s’agisse d’une tendance qui va et vient, particulièrement dès qu’une star l’adopte.  » Le blond vénitien a été très en vogue dans les années 90, lorsqu’une jeune Nicole Kidman commençait à faire parler d’elle. Il est revenu en 2006 avec le succès de Julianne Moore. Maintenant, grâce à Jessica Chastain, les teintes cuivrées sont à nouveau le dernier cri « , explique Delphine Courteille, coiffeuse et coloriste au Studio 34, une célèbre adresse parisienne dédiée au cheveu.

Elle recommande la couleur aux femmes blondes qui, sans forcément avoir envie de se teindre, veulent pourtant réchauffer une tonalité un peu fade et une peau un peu terne.  » La nuance est facile à obtenir pour celles qui ont naturellement des cheveux très clairs. Je leur conseille une coloration à base de plantes ou de henné naturel, qui évite l’apparition de racines et s’estompe au fur et à mesure que le temps passe. De cette façon, il est possible de tester la couleur sans peur qu’elle soit vraiment permanente ou qu’elle tourne à l’oxydation.  »

Pour les brunes, en revanche, l’option naturelle n’est pas envisageable :  » Du moment qu’il faut éclaircir ou décolorer une chevelure foncée, le processus devient plus compliqué.  » Tout comme l’entretien, qui peut se révéler laborieux.  » Sur les cheveux poreux, le roux a tendance à jaunir. Le remède ? Les soins repigmentants comme Chroma Care de L’Oréal ou, pour les accros au bio, un mélange fait maison avec deux cuillerées de henné naturel, de l’eau et du shampooing à texture plutôt liquide. L’effort en vaut la peine. Réussi, le blond vénitien reste remarquable !  »

PAR MARTA REPRESA

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