Depuis les podiums des défilés Homme jusqu’aux cosmétiques orangés, sans oublier les créations ambrées du designer Tom Dixon, la couleur fauve triomphe partout, même sur les écrans. Automne précoce.

En guise de teaser, il y avait bien eu Lily Cole. Avec sa frimousse de poupée Corolle et ses cheveux de feu, elle avait su polariser les catwalks, emballant d’un pas léger les plus grandes maisons (Chanel, Longchamp, Cacharel, Topshop et tout récemment Accessorize) prêtes à lui confier leur image sans confession. Au rayon Homme, George Alan – que l’on a pu apercevoir dans  » Lost « ,  » Friends  » et  » Ally McBeal  » – partageait avec elle le plaisir quasi solitaire de pimenter les podiums. En tout cas jusqu’aux défilés automne-hiver 07-08, présentés en janvier dernier. De Jil Sanders à Jean Paul Gaultier en passant par Louis Vuitton, Ann Demeulemeester ou Comme des garçons, ils semblaient tous s’être donné le mot pour casquer d’or rouge une concentration singulièrement élevée de modèles. Pur hasard du casting ? Un peu difficile à croire quand on sait que statistiquement, moins de 1 % des êtres humains peut s’enorgueillir d’une telle flamboyance.  » Les roux sont réputés pour beaucoup de choses, ironisait alors sur le site de www.men.style.com, le journaliste britannique Richard Dorment. On les dit drôles, un peu brut de décoffrage. Incroyablement séduisants ? Je ne le pense pas. Et je sais de quoi je parle car je suis l’un d’entre eux.  »

Alors, comment expliquer un tel succès ? Si chez Gaultier, le total look fauve semble tout indiqué pour se glisser dans les costumes de velours rouge et les vestes de cuir à la Kerouac, il faut plutôt chercher, chez Vuitton, l’hommage, teinté de revival eigthies, à la chanteuse Annie Lennox pour justifier la déferlante de  » redheads  » (NDLR : littéralement têtes rouges) à la chevelure coupée très court. Une dégaine rock’n’roll, domptée dans un costume strict…  » Jusqu’ici, les mannequins roux avaient tous un petit côté  » edgy « , parfaits pour Hedi Slimane, rappelle sur www.men.style.com le top américain George Alan. Les nouveaux, par contre, ont un look beaucoup plus classique. Vous savez, le genre de gars que l’on voit dans les publicités d’Abercrombie & Fitch ( NDLR : une marque de casual wear américain).  »

Une tendance que l’on retrouve même en Belgique où un label à l’image plutôt lisse comme Donaldson n’a pas hésité à faire appel à Olivier Langendries, le seul top roux travaillant pour l’agence Dominique Models, à Bruxelles.  » C’est vrai qu’on le demande de plus en plus, reconnaît Véronique Vermeire, en charge du casting Homme. Il a de plus en plus de travail, mais je ne parlerais pas pour autant de raz-de-marée.  »

De plus en plus de sex-appeal

Heureusement débarrassé de cette mauvaise réputation qui lui collait à la peau depuis la nuit des temps, le roux, grâce au  » Poil de carotte  » de Jules Renard, est désormais perçu comme  » malin, espiègle, rusé, touchant, en deux mots décidément sympathique, assure Valérie André dans son essai  » Réflexions sur la question rousse  » (1). Il cartonne dans la  » littérature jeunesse  » : les bandes dessinées, les cartoons, les films et même les séries télévisées font la part belle aux petits rousseaux des deux sexes, comme Boule et Bill, Spirou, Obélix le Gaulois ou Fifi Brindacier. De joyeux luron à qui l’on prête aussi de plus en plus de sex-appeal.  » On entend dire que les roux, les hommes surtout, sont laids, ajoute Valérie André. Jusqu’au jour où les canons de beauté se modifient, au hasard d’une mode ou du succès d’une star de la chanson ou de la politique.  »

Ainsi, bouclant la boucle de ce qui ressemble bel et bien à un cercle vertueux, la belle Fiona dont la vie de famille pour le moins non conformiste se dévoile dans l’hilarant  » Shrek 3 « , actuellement dans les salles, est l’une des premières rousses à décrocher haut la main un rôle de princesse dans un conte de fées.  » Une princesse, oui, mais d’abord une ogresse, mariée à Shrek « , nuance-t-on avec humour chez Paramount Pictures. Pas question donc d’occulter le côté rebelle qui, même en demi-teinte, fait partie du  » personnage « . Selon ce même profil de fille bien trempée, on n’est pas prêt à oublier non plus Miranda Hobbes – alias Cynthia Nixon – brillante avocate new-yorkaise et fidèle amie de l’héroïne de la série  » Sex & the City « , Carrie Bradshaw. Nulle trace chez elle de cette pseudo-nymphomanie que l’on prête aux rousses. Pas plus que de velléité de trahison, un autre de ces défauts qui collent à la peau des rouquins depuis le crime de… Judas.

Pourtant, si J. K. Rowling a bien doté toute la famille Weasley de cheveux cuivrés et de pouvoirs de sorciers, ce n’est en aucun cas pour les faire basculer du côté des forces du mal mais pour en faire les alliés de son héros, Harry Potter, dont le cinquième opus des aventures mouvementées  » Harry Potter et l’Ordre du Phénix  » sortira sur les écrans le 11 juillet prochain. Face à la chevelure flamboyante et aux taches de rousseur de Ron, meilleur ami d’Harry, elle dote l’ennemi Draco Malfoy de… boucles blondes. Et à y regarder de près, même les faits et gestes de Bree – l’une des quatre  » Desperate Housewives  » dont on peut suivre les péripéties de la Série 3 en ce moment su BeTv -, ne sont pas plus diaboliques que les actions pour le moins insensées de ses voisines brunes, blondes et tout aussi névrosées qu’elle…

Une beauté métallique

L’orange, anti-héros d’hier, attire désormais la lumière, dans toutes les matières. En bijouterie, l’or rose, ambré, relaie au second plan son cousin blond. Dans l’univers de la beauté, les lèvres – qu’il s’agisse de Dior, Helena Rubinstein ou Lancôme, scintillent de gloss couleur d’agrumes. M.A. C a même imaginé un total look  » Rush Metal  » aux reflets lamés. Chez Givenchy, le sérum Power Youth promet à la peau un éclat couleur d’abricot alors que le classique  » Very Irresistible « , piqué d’une note aromatique d’anis étoilé, s’illumine des reflets d’un coucher de soleil d’été. Chez Dior, le baume pour les lèvres s’encapsule dans un gri-gri de luxe cuivré qui n’est pas sans rappeler les éblouissantes créations du designer britannique Tom Dixon présentant en 2007 une collection justement baptisée  » Metallic « .  » J’aime travailler les métaux parce qu’ils sont plus précieux, plus souples à l’usage et plus solides que d’autres matériaux. Il me semble aussi que cette année est celle du métal… Les catwalks débordent d’or et d’argent, les prix du cuivre, de l’acier et de l’or atteignent des montants extrêmes sur les marchés internationaux, justifie le créateur qui est aussi directeur artistique d’Habitat, la chaîne déco distillant également dans ses boutiques vases, plateaux et bols aux reflets fauves. Je suis heureux de travailler une matière qui exprime toute la permanence et l’autorité que se devraient d’avoir les objets du xxie siècle.  »

Auréolé d’une designer touch, l’accessoire cuivré se verrait bien dans le rôle du collector précieux. Souvenir matériel d’un temps, que les tendanceurs prédisent court, où les roux et les rousses étaient en vogue. S’il y a désaffection, l’effet balancier de la mode ne serait pas seul en cause. A en croire les très sérieuses recherches de la Oxford Hair Foundation, hasard de la génétique oblige, les descendants de Poil de Carotte risquent bien d’avoir disparu de notre planète d’ici à la fin du siècle…

(1)  » Réflexions sur la question rousse « , Valérie André, éd. Tallandier, 283 pages.

Isabelle Willot

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