En plein cour de la Suisse alémanique, les thermes de Vals sont une extraordinaire oasis de ressourcement et de bien-être. Tout autour, de la beauté calme pour se perdre et se reposer.

Guide pratique en page 90.

C’ est un royaume de pierre, d’eau et de silence. On y pénètre par un long couloir sombre en béton teinté noir, avec l’impression de s’enfoncer au c£ur de la montagne. L’ambiance est solennelle et singulière. Pas de guide. Chaque visiteur vit cette expérience étrange en solitaire. Dans le couloir suivant, plus haut, plus ample et toujours aussi sombre, on dialogue réellement avec les entrailles de la montagne. On marche sur des pierres, à gauche, à droite, au plafond, ce ne sont que des strates de pierres. Ici, le silence est discrètement troublé par le bruit de l’eau. De petites ouvertures rondes dans le mur laissent s’écouler l’eau de source. Très riche en fer, elle colore de pourpre la pierre de Vals, cette pierre fameuse qui sculpte toute la montagne des environs. Ses teintes varient du gris très doux au noir mystérieux et profond, illuminés, toujours, par des milliards de minuscules éclats dorés. Spontanément, les mains touchent les surfaces, parfois polies et lisses comme des miroirs, parfois brisées ou sablées, parfois rugueuses et reliefées. Les arêtes sont nettes et affirmées. Malgré l’ambiance relativement sombre, on devine des perspectives magnifiques, on assiste à des jeux d’ombre et de lumière pleins de mystère. Les immenses monolithes, composés de strates soigneusement superposées, ressemblent à la montagne, mais retaillée, resculptée, disciplinée et humanisée par le génie de la main de l’homme. Progressivement se dévoilent les différentes piscines, conçues selon le principe des thermes romains (piscine d’eau chaude à 32° ou 42°, piscine d’eau froide à 14°, une petite piscine chaude à 35°, cachée dans une  » grotte  » et, enfin, une piscine à 33°, agrémentée de pétales odo-rants). La piscine extérieure est chauffée, en été, à 32° et, en hiver, à 36°. Les salles de repos, minimalistes et superbes, invitent vraiment au repos. La plus spectaculaire, placée face à une immense baie vitrée, est un régal pour les yeux. On ne voit que la montagne, intacte, sauvage et très verte. Ici et là se détachent des silhouettes de vaches. La deuxième salle, plus petite, est entièrement noire et meublée de lits de repos en laque rouge. Devant chaque lit, une ouverture carrée offre une vision plus réduite, plus personnelle, de la montagne. On change complètement d’ambiance dans la troisième salle de repos, la plus petite. Tout est noir et, en apparence, silencieux. Une fois allongé, des bruits discrets se font entendre. Ce sont des bruits de marteaux des tailleurs de pierre,  » mis en musique  » de façon très sophistiquée par le compositeur Fritz Hauser. Ce voyage à l’intérieur de la montagne est une expérience esthétique et spirituelle unique, un peu mystique. On passe d’une piscine à l’autre, on jouit de l’eau pour se relaxer, se purifier, revivre les rituels les plus anciens. Les jeux de l’ombre et de la lumière sont magnifiques. On sent la pierre et l’eau sur la peau, on écoute l’eau couler sur la pierre. Le temps est comme suspendu. On oublie tout.

Un paradis au bout du monde

Vals est situé à 1 200 mètres sur le versant est de la vallée. Sa richesse ? L’eau de source (29,8°) des Grisons, riche en fer, en sulfate et en hydrogène. Une eau qui fait un bien fou au corps et à l’esprit. Le premier hôtel, avec un spa modeste, a vu le jour en 1893. Un hôtel plus important lui a succédé en 1960. Son destin a été sérieusement compromis, au début des années 1990, suite à un imbroglio immobilier et financier. L’histoire s’est terminée par un happy end : l’ensemble a été racheté par… les 1 000 habitants de Vals. Il a été décidé de moderniser l’hôtel et de construire un vrai centre thermal, élégant, moderne et attrayant. Car Vals se trouve au bout du monde. On ne  » passe  » pas par Vals, on doit le trouver, y aller, puis faire demi-tour. Pour attirer du monde, les habitants ont donc décidé de faire aboutir un projet vraiment exceptionnel, sortant des sentiers battus. Après une compétition réunissant quatre architectes suisses, le projet de Peter Zumthor, originaire de la région, s’est imposé d’emblée. Discret et peu médiatisé, Peter Zumthor est connu des initiés pour ses créations extraordinaires (maisons particulières, musées, églises et chapelles), hors modes et tendances, empreintes d’une grande simplicité et d’une étonnante justesse. Exigeant et perfectionniste, l’architecte a admirablement relevé le défi de créer des thermes  » exceptionnelles « . Il a superbement traduit, dans un langage architectural simple, évident et plein de sens, l’esprit de la montagne environnante. Les thermes forment un grand cube en pierres, recouvert d’herbe qui s’enchâsse dans la montagne. La pierre du pays s’est imposée tout naturellement. Elle se marie admirablement avec des matériaux les plus nobles, triés sur le volet : le béton, aujourd’hui incontournable, que Peter Zumthor traite avec beaucoup de sensualité, le bronze et un superbe verre bleuté, appelé  » verre de Murano « , provenant d’Espagne. Le bois d’acajou a été choisi pour les vestiaires, le cuir habille les banquettes.

La prochaine étape ? La rénovation de l’hôtel (290 lits) et du restaurant, confiée également à Peter Zumthor. Certaines chambres ont déjà subi le lifting. Dans une ambiance blanche, très lumineuse, se détachent les couleurs chatoyantes des tapis marocains. Les tentures en soie, doublées de soie de couleur contrastée, ont un tomber riche et opulent. Le linge de lit est en lin blanc immaculé. Le mobilier réunit les plus belles valeurs sûres du design du xxe siècle : Le Corbusier, Mario Bellini, Arne Jacobsen, etc. Il n’y pas de télé dans les chambres, mais à travers les vitres on jouit d’un spectacle extraordinaire, vert en été, blanc en hiver.

Un village plein de charme

En cinq minutes de belle promenade, on arrive aux portes du village. Il faut juste traverser une toute petite rivière au courant rapide. C’est… le Rhin qui prend sa source dans la montagne proche. Vals ? Un village à la beauté tranquille, avec son plateau ensoleillé, son église à la pointe effilée, ses maisons en bois de carte postale, ses balcons aux géraniums multicolores. La beauté des demeures est admirablement entretenue. Les deux musées locaux racontent une histoire qui dure. La maison Ganda (Gandahaus) s’ouvre aux flâneurs et témoigne de la vie quotidienne, simple, saine et laborieuse, des paysans d’autrefois. On les imagine, fabriquant du fromage avec des ustensiles sommaires, filant la laine pendant de longues soirées d’hiver, riant et devisant autour d’un vaste poêle en bois, se préparant pour la messe. Jadis, cette maison se trouvait tout en haut de la montagne et était habitée jusqu’en 1946. Plus tard, Vals s’est mis à protéger son patrimoine. Pierre par pierre, planche par planche, les habitants ont descendu la maison dans la vallée. Tout a été reconstruit et remeublé dans les règles de l’art d’antan. Objets, outils et ustensiles ont été remis à leur place. Y compris les anciens plats en céramique cassés, réparés avec du fil de fer, qui témoignent d’une autre époque, révolue à jamais. Puis on pousse la porte de la maison de Joseph Anton Peng, cordonnier du village, disparu il y a deux ans. Ses enfants ont laissé son atelier intact, laissant voir une collection unique de machines à coudre, de chaussures de montagne et d’outils.

Bien que déambuler dans le village soit un délicieux plaisir, on aurait tort de se satisfaire d’une seule carte postale. Les randonnées (130 km de pistes balisées) serpentent parmi des paysages d’une beauté à couper le souffle, parfois romantiques, parfois mystérieux, toujours grandioses. Par un chemin tout en lacets, on atteint, au milieu de nulle part, Zerfreila avec son barrage et son lac artificiel. On s’assoit sur un banc, face à ces sommets en dents de scie et ces vallées moelleuses, pour un moment de méditation très appréciable.

L’été, Norbert Gartmann, qui dirige les activités sportives de Vals, emmène ses hôtes arpenter les sommets, goûter les fromages locaux, faire un tour en VTT (uniquement pour confirmés). Le lendemain, il leur propose une randonnée  » sportive « , dont 20 % se déroulent dans l’eau, une séance de pêche avec des pêcheurs professionnels ou encore une randonnée nocturne pour admirer le lever du soleil (départ à 5 heures du matin).

L’hiver, toute la montagne offre ses pistes de 3 000 mètres, ses dénivelés et ses pentes douces à des skieurs parfaitement détendus, car on ne fait pas la file devant le téléphérique (Vals n’est pas encore très connu comme station de sports d’hiver).

Vals ? C’est une merveille de village au bout du monde qui fait la nique au temps et aux modes avec superbe.

Barbara Witkowska n

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