Plantations et mouvements de terrains conjugués en parfaite harmonie… Le paysagiste belge Bernard Capelle dessine des jardins tout en courbes sensuelles. L’hiver, c’est le givre qui en exalte toute la poésie.

Quand l’hiver se fait magicien… Dans ce jardin, dessiné avec maestria par le paysagiste Bernard Capelle, le givre crée une véritable féerie. Tout en courbes sensuelles, ce petit joyau est ainsi magnifié par le froid qui le nimbe d’un halo de poésie.

Diplômé de l’école d’architecture du paysage de Gembloux, Bernard Capelle peut se prévaloir d’une expérience peu banale. Ses études à peine achevées, on le retrouve au Mexique, un pays où les échelles de grandeur sont incomparables aux nôtres. « Le plus important projet auquel j’ai participé se trouvait dans le sud du pays, en bord de mer. Il se déployait sur 19 km de côtes. En respectant l’environnement existant, nous avons aménagé 22 plages et 17 parcs sauvages sur 50 000 ha. » Ce globe-trotteur des parcs et jardins a aussi vécu en Tunisie, au Portugal, à San Francisco et a travaillé au Kenya, en Finlande et en Chine. Le bureau californien qui l’emploie lui confie notamment l’aménagement de terrains de golf. Il en supervisera ainsi deux douzaines. « Un terrain de golf consiste en une succession de regards et de promenades. Il faut proposer au joueur des ouvertures, des perspectives. Mais l’intrigue consiste à le tromper sur les véritables dimensions de celles-ci. C’est là que le paysagiste intervient, en créant des mouvements de terrain, des masses de végétaux, en accentuant les différences de couleurs. Une telle spécialisation vous amène forcément à perfectionner votre connaissance de la technique, notamment les terrassements. »

Les terrassements: c’est précisément le souci des propriétaires de cette très grande parcelle de trois hectares lorsqu’ils font appel à Bernard Capelle. « Le paysage originel était essentiellement caractérisé par une très grande déclivité naturelle. Il fallait rendre cet espace accessible partout, en donnant la possibilité et l’envie de s’y promener sans efforts. A la différence de certains projets, je suis intervenu après la construction de la maison. J’ai eu donc peu d’interaction avec le travail de l’architecte. Outre le relief naturel, je devais aussi prendre en compte la construction: une bâtisse de 120 mètres de longueur, une double habitation réunissant sur un même site deux familles parentes. »

La découverte de ce jardin révèle un univers d’une grande délicatesse. Le terrain a été sculpté, pour offrir, comme dans les meilleurs parcs anglais, de légères ondulations sensuelles. Coquetterie du créateur, il a même aménagé un petit creux rempli de gros blocs de pierre naturelle et de graminées (des Stipa gigantea), comme s’il s’agissait d’une réminiscence du relief originel.

« Par le jeu des terrasses courbes et des plantations, j’ai surtout veillé à ménager l’intimité de chaque famille, tout en maintenant les vues sur l’ensemble du jardin. En fait, chacun jouit de perspectives transversales. » L’essentiel de cet « écran séparateur » est composé d’une petite mer de graminées, essentiellement des Miscanthus sinensis. De ces flots émergent quelques arbres à l’aspect indigène: des Quercus rubra au superbe feuillage d’automne.

« Avec Philippe Renac qui m’a assisté pour la sélection des plantes, nous avons aussi décidé de planter un certain nombre d’arbustes, des Cornus – kousa et florida – qui fleurissent blanc crème au printemps et ont de très beaux feuillages d’automne. Pour l’arrière-saison encore, nous avons planté des massifs de Sedum spectabile « Autumn Glory ». Comme les graminées, ces vivaces sèchent sur pied et laissent de jolies structures durant l’hiver. »

C’est à l’ouest du terrain, alors que le corps de logis s’interrompt, que Bernard Capelle a décidé d’inscrire laplus grande différence de niveau. Cette rupture est cependant elle aussi atténuée par un double effet. La ligne de démarcation n’est pas droite, elle sinue langoureusement. Quant à la différence de hauteur, elle est masquée par la plantation d’un massif de rhododendron ponticum, l’espèce la mieux naturalisée dans nos régions.

« Au moment de la floraison, vous avez une masse de fleurs rose lilas à pourpre. J’aime utiliser des couleurs que l’on peut considérer comme primaires. C’est ainsi que vous avez dans ce jardin quantité de fleurs jaunes, des Telekia et des Rudbeckia. Ce sont ces choses simples qui facilitent la réconciliation de l’homme avec la nature. » Mais pour l’instant, au coeur de l’hiver, savourons le spectacle féerique engendré par le givre…

Texte et photos: Jean-Pierre Gabriel [{ssquf}], Carnet d’adresses en page 63.

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