En délaissant la table à dessin pour l’atelier de l’ébéniste, Baudouin Fettweiss, architecte de formation, a développé un style reconnaissable entre mille. Découvrez l’univers fascinant d’un autodidacte audacieux.

Carnet d’adresses en page 112.

« Je ne suis pas ébéniste. Je n’ai ni leur acquis, ni leur histoire. C’est une faiblesse dont j’ai tiré parti pour explorer des chemins différents.  » Architecte liégeois, Baudouin Fettweiss vit et travaille aujourd’hui dans une grande et haute maison bourgeoise installée rue de la Côte d’Or, toponyme évoquant les bons vignobles qui étaient plantés autrefois sur la rive gauche de la Meuse. Treize années de pratique de l’architecture forment la première partie de son curriculum vitae. Jusqu’au jour où, sans transition ni préavis, il décide de passer à autre chose.  » Tout d’abord, je ne suis pas assez organisé pour affronter les démarches administratives et les paperasseries qui en découlent. Ensuite, j’avais envie d’être seul responsable de ma production, d’être à la fois le concepteur et le réalisateur de mes pièces.  »

Baudouin Fettweiss n’a pas renoncé au dessin pour autant. Mais la latte et l’équerre ont cédé la place à la main levée.  » Je dessine sans cesse, je laisse même traîner trop de croquis sur mon passage, partout dans la maison. Les formes des meubles naissent du trait. Et si l’envie me prend d’utiliser la couleur, l’objet sera lui aussi coloré, dans les mêmes teintes.  » Parler d’esquisse à la main libre pourrait laisser accroire que les formes et contours des pièces créées à la manufacture de la Kôte d’Or (le nom de son atelier) sont libres, voire organiques. Au contraire, l’architecte ébéniste revendique haut et fort un attachement indéfectible à la géométrie.  » La seule différence c’est que là où d’autres s’expriment par le carré ou le rectangle, j’utiliserai le triangle, le trapèze, ou encore, en trois dimensions, le cône, la sphère, le cylindre… Et si cela ne saute pas directement aux yeux, il suffit de décomposer les formes pour s’apercevoir qu’elles découlent d’un assemblage ou d’une juxtaposition de figures géométriques. Leur combinaison est souvent le fruit d’une réponse à une situation existante. Il est clair, par exemple, que la courbe permet de mieux s’immiscer dans des espaces réduits.  »

Assemblage, le mot revêt aussi toute son importance lorsqu’on détaille le travail constructif de Baudouin Fettweiss. Toutes les composantes de chaque meuble sont visibles. D’ailleurs, la plupart de ses créations peuvent être vues de toutes parts, comme Kôm’X, cette haute bibliothèque en forme de X aux bras allongés, une de ses premières pièces. La chose est encore plus évidente pour le meuble de rangement Kôghol (tous les noms de sa collection commencent par les lettres k et o), une sorte de moulin à prières géant, formé de trois tambours superposés qui tournent sur un axe central.  » Les formes que je génère, les techniques que j’emploie sont nées de mes faiblesses. Comme je n’ai pas étudié l’ébénisterie, je ne possède pas les techniques d’assemblage du mobilier classique. En conséquence, cela me donne la liberté d’en imaginer d’autres. La longue table de notre salle à manger n’est pas collée, mais formée de la juxtaposition de lamelles de bois û du moutenyé û, maintenues ensemble par des tiges.  » Cette table, à l’image de tant d’autres réalisations de Baudouin Fettweiss, est une pièce unique. Lui seul peut la dater, la placer dans l’évolution de son savoir-faire.  » J’explore toujours de nouvelles combinaisons, de nouvelles formes de construction. Ainsi, j’ai eu ma période de pieds en forme de boule ou de cône. Dès que j’emprunte une voie, je la fais évoluer, au fil des nouveaux projets. Jusqu’au moment où une nouvelle technique, un autre dessin vont m’inspirer et, parfois, me faire changer de cap.  »

Pour faire découvrir son style à ses nouveaux clients, Baudouin Fettweiss leur ouvre les portes de sa maison.  » Ils expriment toujours une première surprise par un sourire. On ne peut pas rêver mieux comme entrée en matière.  » Force est de constater que son mobilier à nul autre pareil séduit, par sa forme, sa matière, sa couleur et même son langage. Chaque pièce raconte une histoire et semble dire qu’elle est là, rien que pour vous. Cette sensation est sans doute renforcée par la présence, sur nombre de ses £uvres, de motifs dessinés par Baudouin, et imprimés comme un voile transparent sur les parois, par son épouse, la sérigraphe Anne Duchesne.  » Il est important que l’on puisse voir la fleur du bois. C’est une constante chez moi, je veux que l’on ressente l’intégrité du matériau, sa couleur, son toucher. C’est notre manière de le respecter.  »

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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