De nouveaux temples du bien-être dorlotent le corps et délassent l’esprit. Conjuguant soins, massages et décor raffiné.

L e Amak, Cinq Mondes, le 32 Montorgueil, Kallista à Paris, La Réserve à Genève, l’Espace Vitao à Bruxelles… Depuis deux ans, des lieux d’un genre nouveau, les spas, investissent les capitales, voire même les provinces françaises, de Mougins (Shiseido) à Bordeaux (Caudalie) en passant par Megève (Les Fermes de Marie). Leur particularité ? Une approche globale de la beauté : soins du visage, du corps, des mains, massages, balnéothérapie sont prodigués dans un cadre sophistiqué. Alors que nous le découvrons avec délice, les Américains pratiquent l’art du spa depuis longtemps. D’ailleurs, le concept arrive tout droit du Maine, où la pionnière, Elizabeth Arden, a ouvert, en 1934, un ranch baptisé  » Maine Chance  » utilisant la première le terme de spa pour désigner cet endroit singulier offrant des soins inédits. Spa, en référence à la ville belge célèbre depuis des siècles pour ses sources d’eau ferrugineuse, ou à la locution latine  » Sanitas per aqua  » (la santé par l’eau) ? Entre ces deux hypothèses, nul ne peut trancher.  » Il n’existe pas de définition précise, remarque Catherine Voisembert, directrice de la formation chez Decléor. Même si les spas sont associés à l’idée d’eau, leur première prestation demeure le massage – jusqu’à 80 % du chiffre d’affaires des établissements aux Etats-Unis.  »

Comment expliquer un tel essor ? Par une surdose de stress : accusés, nos villes polluées et bruyantes, nos modes de vie agités, le développement des nouvelles technologies qui bouleversent le rythme de travail.  » Nous vivons dans un monde symboliquement corrosif, où la société, telle de l’eau de Javel, agresse l’individu, explique le sociologue Robert Ebguy. Dès lors, le besoin de se retrouver se fait sentir. Une vraie régression : d’ailleurs, les Américains, pionniers en la matière, emploient pour cette activité le verbe  » to pamper  » (choyer, dorloter), en général réservé aux bébés !  » Le mythe du  » golden boy  » et de l' » executive woman  » a vécu.  » Alors que, jusqu’à présent, le stress était considéré comme un mal nécessaire, aujourd’hui il est devenu socialement acceptable de dire que l’on s’occupe de soi, et pas seulement du point de vue de la performance, explique Jean-Louis Poiroux, fondateur du très tendance spa parisien Cinq Mondes. Certains de nos petits complexes sont probablement aussi en train de se dissoudre.  » Désormais, on passe ses loisirs à s’occuper de soi sans culpabilité aucune. Jusqu’à devenir une  » véritable reine des abeilles entourée de ses travailleuses, s’amuse Robert Ebguy. On vous masse, on vous nourrit la peau… On est, le temps d’un soin, le nombril du monde. En fait, plus que le corps, c’est l’ego que l’on soigne et que l’on alimente « .

Pour adoucir notre monde cruel et aussi allécher les nouveaux venus, ces nouveaux temples de l’hédonisme (lire pages 22 à 28) rivalisent de créativité afin d’offrir un service complet : hammam, sauna, bains, enveloppements, drainages, salle de relaxation, tisanerie, musique douce. Une attention toute particulière est accordée au cadre,  » parce que les femmes qui ont envie d’autre chose que de la sempiternelle cabine d’esthétique veulent couper avec leur quotidien « , affirme Aliza Jabès, PDG de Nuxe. L’atmosphère et le décor jouent donc un rôle capital dans l' » esprit spa « . Le 32 Montorgueil à Paris, ouvert en mai 2002, réunissant le salon du fameux coiffeur John Nollet et le premier spa de Nuxe, est un modèle du genre : aménagé dans un ancien chai, il associe aux pierres apparentes la douceur du bois, la fraîcheur de petites rivières tapissées de galets. Au rez-de-chaussée, des verrières laissent filtrer la lumière, de longs rideaux séparent les intimes cabines de coiffure, où, comble du raffinement, on se fait laver les cheveux allongé sur des coussins.  » Dans la décoration d’un spa, rien n’est gratuit, tout est signifiant, professe Brigitte Dumont de Chassart, conceptrice des spas Shiseido en Europe et à l’île Maurice. L’architecture de celui du Mas Candille, à Mougins, reflète la méthode de soins japonaise, le qi, qui se propose d’harmoniser les forces vitales. Dans tout le bâtiment une ligne court le long du plafond, plus ou moins visible, parfois matérialisée par une fibre optique, afin de symboliser l’équilibre en le yin et le yang.

Mais, plus qu’une ambiance, les spas empruntent à l’Orient ses rituels (massage shiatsu, taoïste ou ayurvédique), car  » à part l’hydrothérapie remontant aux Romains, nous n’avons pas en Europe de culture du  » toucher « , comme en Inde, par exemple, où, lorsqu’un enfant naît, il est massé tous les jours par sa mère « , argumente Daniel Jouvance, fondateur de l’Espace Mer, à Paris. Cette riche panoplie de douceurs a permis d’attirer une clientèle toujours plus large : Cinq Mondes, à Paris, atteint presque la parité avec 45 % d’hommes. Des cadres sup qui se montrent moins réticents à s’accorder aussi un soin du visage ou une manucure. Un engouement qui n’étonne pas Valérie Ronchin, responsable du spa de l’hôtel parisien George V. Depuis l’ouverture de ce lieu de détente au sein du palace, il y a trois ans, une gamme de soins est destinée aux messieurs stressés :  » Il était impensable de ne pas proposer ce service à notre clientèle américaine. Outre-Atlantique, le spa est une institution « , souligne la jeune femme. Plébiscité par les hommes d’affaires surmenés, le massage aux pierres chaudes ou le Margarita Body Scrub (exfoliation à base de sel et de citron vert suivi d’un massage à la tequila) est, depuis le mois de septembre dernier, accessible aux personnes ne résidant pas à l’hôtel… Et prêtes à patienter sur une longue liste d’attente. Aujourd’hui, ce marché est en train de concurrencer celui de la croisière : des clients choisissent un hôtel de vacances en fonction de la qualité du spa et suivent toute une semaine de  » cure « . Comme, jadis, on allait en thalasso, mais le plaisir en plus. D’autant que les promoteurs de spas ne manquent pas d’idées. Ils ont inventé le  » concept spa « . Les Sources de Caudalie, dans le Bordelais, séduisent parce qu’elles  » racontent une histoire « , affirme Alice Cathiard, dont la famille a lancé, en 1998, ce centre de vinothérapie au milieu des vignobles. Redécouverte du toucher ; recours à des boues, à des extraits de vins ou à des décoctions de fleurs… Et si, sous des aspects très sophistiqués, le spa n’était qu’une manière de renouer notre rapport sensuel au monde ?

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