Rien n’est trop beau pour les jus de légende des grandes maisons. Pour Dior, Guerlain et Armani, les meilleurs artisans verriers d’aujourd’hui signent des flacons bijoux merveilleux.

Tatouage invisible de la personnalité, le parfum vous signe une présence mieux que n’importe quel accessoire ne pourrait le faire. L’addiction à laquelle il soumet la femme qui le porte rend d’autant plus précieux le rendez-vous quotidien qu’elle fixe à son flacon. De la prise en main à l’acte délicat du parfumage, la manipulation du contenant est source de plaisir. Le regard qu’elle pose sur lui aussi. Pour leurs jus d’exception, qui souvent font rêver depuis des années, de grandes maisons comme Dior, Guerlain ou Armani proposent désormais des éditions collector en cristal. Des pièces d’artisanat d’art d’une fragilité frisant le sublime, fabriquées par les plus grands maîtres verriers d’aujourd’hui.

À l’occasion de la sortie d’une nouvelle version de J’Adore L’Absolu (photo ci-dessus), Dior a choisi l’artiste Jean-Michel Othoniel pour revisiter l’amphore mythique imaginée en 1999 par le designer et joaillier Hervé Van der Straeten.  » Le flacon qui existait déjà me paraissait si parfait que cela m’intéressait d’autant plus, explique le plasticien français. Qu’y avait-il encore à dire ? J’aimais l’idée de partir de cet objet pour en faire une oeuvre qui « entre », littéralement, chez les gens. C’est un rêve d’artiste, entrer dans l’intimité des gens. Je souhaitais aussi créer un véritable objet fétiche, que l’on manipule en prenant en compte l’idée du fragile. Je voulais de l’abandon. Je voulais quelque chose de vivant, intemporel. Voué à être transmis. Ce qui me fascine dans le parfum, c’est son abstraction sensuelle. Il est abstrait et pourtant complètement lié au corps. Mon travail va dans cette direction : une certaine idée de l’abstraction où le corps est présent.  » Pour donner forme à son fantasme, le verrier, célèbre, entre autres, pour son Kiosque des Noctambules qui surplombe depuis 2000 la station de métro Palais-Royal, à Paris, s’est tourné vers les souffleurs de Murano. Aucune des quelque mille pièces produites n’est identique à sa voisine.  » Amener dans ce projet une « larme » de verre dorée qui coule autour du flacon m’a permis d’y apporter une signature très personnelle, poursuit Jean-Michel Othoniel. À Murano, le savoir-faire est répété et unique à la fois. J’aime le réel merveilleux.  »

Chez Giorgio Armani, lorsqu’il s’est agi de réinventer les lignes Art déco d’Armani, premier féminin de la griffe, dessiné il y a tout juste trente ans par Pierre Dinand, c’est aux maîtres cristalliers de Saint-Louis que fut confié le soin de souffler cent écrins numérotés – dont deux seulement réservés pour la Belgique – abritant une bulle dont la teinte ambrée a été tout spécialement conçue pour ce projet. Selon la tradition de la parfumerie classique, une tige de cristal noir trempée dans le précieux nectar permet de prélever la fragrance goutte à goutte pour mieux la poser ensuite sur les points de pulsation – la saignée des poignets, le creux du décolleté, le pli du coude… – qui exacerbent sa diffusion.

Pour rendre hommage à l’un de ses piliers, Guerlain a tout naturellement choisi de se tourner vers les ateliers Baccarat avec lesquels la maison collabore depuis toujours. L’Heure Bleue, qui célèbre cette année son premier siècle d’existence, retrouve ici l’un des emblèmes du parfumeur parisien, le flacon dit  » quadrilobé  » créé à l’origine pour une autre fragrance, Rue de la Paix, baptisée en référence à l’une des adresses emblématiques de la marque. Soufflé à la bouche et teinté dans la masse d’un bleu profond et magnétique, ce modèle XXL de 490 ml, édité seulement à 43 exemplaires, se pare d’un collier de violettes en pâte de verre cristalline ciselé à l’or fin et imaginé par la Maison Gripoix, créatrice de bijoux pour les plus grands couturiers parisiens.

En guise de premier cadeau de Noël pour La Petite Robe Noire, Guerlain ne s’est pas contenté de demander à son nez in house, Thierry Wasser, de lui concocter un extrait qui affirme encore davantage son sillage de thé noir, de patchouli et de cerise noire. Ayant retrouvé dans son usine d’Orphin quelques flacons vintage en cristal Baccarat, la maison les a confiés au duo de graphistes Kuntzel + Deygas qui signe déjà toute la communication visuelle du jus. Sur trois faces du flacon, la jolie Parisienne espiègle se défait pas à pas de sa tenue, laissant derrière elle comme une longue traîne sombre. Un croquis retranscrit en déposant à la main sur le cristal des pigments d’émail cuits au four avant d’être polis. Pour 37 silhouettes graciles gambadant sur mesure.

J’Adore L’Absolu, de Dior, flacon de Jean-Michel Othoniel, prix sur demande, disponible au Printemps Haussmann et à la boutique Dior de l’avenue Montaigne, à Paris.

L’Heure Bleue Centième Anniversaire, de Guerlain, 11 000 euros, sur commande chez Place Vendôme, à Wevelgem.

Armani Edition Cristal, de Giorgio Armani, 4 300 euros, sur commande chez Parfuma, à Anvers.

La Petite Robe Noire, L’Extrait, de Guerlain, flacon par Kuntzel + Deygas, 6 500 euros, sur commande chez Place Vendôme, à Wevelgem.

PAR ISABELLE WILLOT

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