L’été sera brésilien ou ne sera pas ! Le plus grand pays d’Amérique du Sud est au top de la mode. Cap sur São Paulo… pour découvrir ces créateurs passionnément optimistes avec lesquels la planète hype doit désormais compter.

Internet : www.inbev.com ; www.trama.com ; www.tramavirtual.com ; www.saopaulofashionweek.com.br; www.brahma.com

Demandez à un Brésilien ce qu’est la ginga, et, riant de toutes ses dents, il vous dessinera de la main une ligne ondulée imaginaire… Sur un air de samba, ginga rime avec Brahma, la bière brésilienne qui débarque û aujourd’hui même û dans notre petit royaume. Si les Belges et les Brésiliens ont bien un point commun, c’est celui d’aimer apaiser leur soif avec de la bière. En Belgique, cette pratique a cours depuis plus longtemps sans doute qu’au Brésil : l’ex-Interbrew prétend que son origine remonte à 1366 tandis que Brahma, devenue plus tard Companhia de Bebidas das Americas, a, quant à elle, été fondée en 1888. L’an dernier, ces deux brasseries de tradition ont fusionné sous le nom de Inbev pour se hisser ainsi à la tête de l’industrie brassicole mondiale et lancer, ce printemps, la Brahma dans pas moins de 15 pays.

Cette opération d’envergure s’accompagne d’une campagne axée sur l’image de la marque. Inbev aurait pu jouer la carte de la facilité et se contenter de mettre en bouteille, en même temps que la Brahma, le rêve brésilien tel que nous le connaissons par les brochures de voyage : Copacabana, les beautés qui se déhanchent en tanga, les maracas, les tongs fleuries et les tee-shirts jaune et vert de l’équipe de foot brésilienne. Mais le géant brassicole sait pertinemment que le groupe cible de la Brahma û les urban professionals créatifs et branchés û ne se laissera pas uniquement séduire par quelques palmiers bercés par la brise. D’autant qu’il se passe actuellement beaucoup de choses au Brésil et que le pays suscite actuellement un engouement planétaire.

Dans son numéro du 21 mars dernier,  » L’Express  » proposait un dossier de 75 pages titré  » Brésil, le grand boum  » tandis que son supplément  » L’ExpressMag  » s’attachait, lui, aux  » Passions brésiliennes  » (mode, design, musique, cuisine, danse, photo…). Ce n’est pas un hasard non plus si le magasin parisien La Samaritaine organise un événement de mode brésilienne entre avril et juin, si le tout prochain Salon du meuble de Milan (du 13 au 18 avril) exposera des créations des frères Fernano et Humberto Campana, si un film tel que  » Cidade de Deus  » rafle de nombreux prix, si des magazines branchés tels  » iD  » et  » Mojo  » mettent en vedette des musiciens brésiliens comme Max de Castro et Fernanda Porto, si  » Le Monde  » consacre un article à Trama, le plus grand label de musique indépendant du Brésil… Le lancement de la Brahma sur le Vieux Continent n’aurait donc pas pu mieux tomber. Inbev a précisément choisi Trama ainsi que l’artiste d’avant-garde Speto et la grande prêtresse de la mode Emanuela Carvalho pour être les  » ambassadeurs  » de la bière aux saveurs brésiliennes.

L’art du détour

Retour à la ginga, ce concept clé de la mentalité latino par lequel les Brésiliens expliquent d’un geste de la main leur flair naturel et leur optimisme inventif face à l’existence :  » Si tu n’y arrives pas par la voie directe, fais un détour… La ginga : une attitude, un mode de vie. Et où peut-on le mieux étudier la ginga qu’à la source, à savoir à São Paulo, berceau de la Brahma et de Trama ? São Paulo n’a pas le charme fulgurant de la  » cidade maravilhosa « , Rio de Janeiro. Mais avec ses 17 millions d’habitants, elle est la plus grande ville d’Amérique du Sud et le plus important centre d’affaires du Brésil. Des gratte-ciel, rien que des gratte-ciel… on se croirait presque à Chicago. La circulation est un véritable enfer. Pas étonnant que les riches hommes d’affaires préfèrent se déplacer en hélicoptère, ne serait-ce que pour faire la nique aux kidnappeurs professionnels. São Paulo, ville de contrastes : de lugubres favelas dans les banlieues, de riants quartiers jardins aux abords du magnifique parc Ibirapuera, où les plus beaux hommes du monde font leur jogging.

La diversité culturelle se traduit par une palette impressionnante de musées, de galeries d’art, de magasins de mode branchés, de magasins de décoration, de restaurants et de clubs ultrasophistiqués. São Paulo a aussi sa propre Rodeo Drive, la Rua Oscar Freire, où les grandes griffes du luxe français û Chanel, Dior et autres Louis Vuitton… û sont représentées et côtoient ce concept store haut en couleur annexé au célèbre restaurant Clube Chocolate, où l’on trouve du designer wear tant international qu’indigène, mais aussi des fleurs, du chocolat, des gadgets spirituels, des bijoux et de la lingerie frivole. A l’ombre du parc Ibirapuera, l’architecte Ruy Ohtake qui, à l’instar du père spirituel de l’architecture brésilienne Oscar Niemeyer, est un amateur de lignes courbes, a dessiné l’Unique, un hôtel conçu comme un paquebot échoué, doté d’énormes hublots et, sur le toit, d’une piscine rouge sang avec vue imprenable sur la métropole. Tout ici est placé sous le signe du design : des sculptures ethniques qui ornent le monumental lobby aux tuniques postmodernes à boucles et lacets des serveurs du restaurant, en passant par les traits modelés du barman.

La croisade de la mode

Taille mince, peau couleur caramel, la styliste et journaliste de mode Emanuela Carvalho est une véritable femme orchestre : elle écrit des articles sur les styles et dernières tendances dans le  » Vogue  » brésilien, enseigne dans des écoles de mode et s’occupe du look des acteurs pour le cinéma et les campagnes publicitaires (notamment pour la version brésilienne du spot Lux, le savon des stars). C’est elle qui, pour le lancement de la Brahma, a dessiné les tenues de l’équipe promotionnelle. La São Paulo Fashion Week, qui se tient deux fois par an dans le Pavilhão da Bienal, n’a certes pas le même impact que les défilés de Paris, Milan et New York, mais attire néanmoins de plus en plus de journalistes de mode venus du monde entier. La supertop Naomi Campbell a déjà plus d’une fois foulé ce podium, aux côtés de l’immensément populaire Gisèle Bundchen, qui défile ici devant son propre public. Parallèlement à la semaine de la mode, une exposition photos lui était consacrée cette année, tandis que le magazine  » Vogue  » diffusait un numéro spécial  » Gisèle « . Sans compter le bourdonnant palais des congrès qui fourmille de sosies de Gisèle : d’athlétiques et longilignes jeunes filles aux longs cheveux couleur de miel, en jeans et top lingerie û la tenue de prédilection du jeune top model brésilien.

Les créateurs brésiliens sont de plus en plus nombreux à occuper le devant de la scène. Carlos Miele, rendu célèbre par les tenues déshabillées qu’il a dessinées pour Britney Spears et Madonna, possède depuis plusieurs années déjà un magasin dans le très cool meatpackers district new-yorkais. Parmi les autres célébrités, citons Reinaldo Lourenço et Gloria Coelho. Mais la plus jeune étoile au firmament de la mode brésilienne n’est autre que leur fils de 14 ans, Pedro Lourenço, à qui le supplément féminin du  » New York Times  » a consacré un article en automne dernier. L’enfant prodige n’avait que 9 ans lorsqu’il a dessiné sa première collection, avec, notamment, des chemises en plastique particulièrement drôles.

La collection Femme du styliste Fause Haten, dont l’inspiration respire la nostalgie des années 1940 est très séduisante.  » Cette diversité est une conséquence de la mondialisation, commente Emanuela Carvalho. La mode brésilienne part à la conquête du monde… et le monde vient à la mode brésilienne. Résultat : un brassage intéressant qui débouche sur une créativité et une différenciation renouvelées. Aujourd’hui, la mode brésilienne va beaucoup plus loin que les seuls bikinis et jupettes de plage. Avec une tendance prononcée à la personnalisation :  » customizar, individualizar, personalizar « . Et si l’on voit beaucoup de jeans, il n’en demeure pas moins que chaque femme les porte différemment et agrémentés d’accessoires sympas et originaux.  »

La literatura cordel à l’avant-garde

La notoriété de Speto, alias Paulo Cesar Silva (33 ans), due à ses graffitis, ses computers graphics et ses spectacles live, commence à dépasser les frontières du Brésil. Cet adepte du hip-hop se targue d’avoir été élevé dans la rue. Il est issu d’une famille d’artistes, mais n’a trouvé sa voie que dans les années 1980, quand arriva la culture du skate-board et du hip-hop. Ses graffitis de l’Avenida Paulhista, le plus grand boulevard de São Paulo, ont notamment été remarqués par le chanteur Alice Cooper, qui lui a demandé de travailler en direct, durant ses concerts au Brésil.

Pour Speto, l’art est un style de vie comme les autres. Son £uvre puise dans de nombreuses sources d’inspiration, à commencer par la literatura cordel, littéralement la  » littérature de corde  » : des ballades et des épopées en vers qui étaient autrefois imprimées sur des pamphlets ou folhetos û avec à l’origine une gravure sur bois ou, à tout le moins, une polycopie de gravure sur bois, en guise de couverture. Ces vers, destinés à être lus à voix haute, étaient accrochés dans les marchés et autres lieux publics au moyen de pinces à linge en attendant d’être vendus. La literatura de cordel compte parmi les expressions les plus appréciées de l’art populaire brésilien et se pratique encore activement, même si, grâce aux nouvelles techniques de l’illustration, elle a davantage pris des allures de bande dessinée. Speto est un grand amateur de cette discipline, mais il s’inspire également des calebasses peintes, des matriochkas russes, des techniques chinoises de la découpe du papier ou des mangas japonais. Et si l’envie lui prend, il ajoute encore icônes chrétiennes, symboles hindous, totems polynésiens ou magie noire brésilienne.

La success story Trama

Trama est davantage un laboratoire de musique qu’une maison de disques. Ses fondateurs, João Marcello Bôscoli (33 ans) et André Szajman (34 ans), sont deux entrepreneurs qui se promènent en baskets et se révèlent aussi irrésistibles en duo que pris séparément. João doit avoir le pedigree musical le plus impressionnant de tout le Brésil. Son père, Ronaldo, fut l’un des pionniers de la bossa-nova et c’est à l’un de ses oncles û le célèbre Antonio Carlos Jobim û que l’on doit  » The Girl from Ipanema « . Sa mère, Elis Regina, fut, elle, jusqu’à son décès prématuré, par overdose, en 1982, la chanteuse la plus aimée de tout le Brésil. Son nom ne vous évoque peut-être rien de prime abord, mais s’il vous est arrivé d’entendre une femme interpréter  » Aguas de Marco  » ou quelque autre titre mélancolique d’Antonio Carlos Jobim, il y a de fortes chances que la voix sensible et cristalline que vous avez écoutée était celle de Regina.

João Bôscoli est lui-même un musicien et un producteur bourré de talent. En 1997, il a quitté Sony pour s’associer à André Szajman et fonder Trama, ce qui signifie  » tissu  » ou  » toile « . André, lui, est né dans l’une des familles les plus influentes du monde financier brésilien.  » Ce type possède une banque, vous ne trouvez pas ça ridicule ? » s’esclaffe João. Voilà le genre de remarques illustrant parfaitement les rapports qui existent entre les deux complices et avec leurs collaborateurs (moyenne d’âge : 24 ans), ponctués de nombreux body hugs et practical jokes. On dirait presque deux potaches attardés dans une plaine de jeux… mais une plaine de jeux dont le chiffre d’affaires atteint les 6 millions de dollars.

Leur QG, dans le quartier populaire de Santo Amaro, est un ancien dépôt automobile, peint d’un blanc monochrome et entouré d’un terrain de football, d’un héliport et d’un espace dévolu aux spectacles et aux fiestas. Leur seconde base est un studio d’enregistrement installé dans une ancienne maison de planteurs de caféiers dans le quartier chic de Jardins, où toutes les pointures brésiliennes (Jobim, Regina, Gilberto Gil, Bebel Gilberto, Caetano Veloso) ont un jour travaillé. Il y règne une ambiance très spéciale et un mini-concert improvisé de la chanteuse de jazzy nova, Patricia Marx, soutenue par l’arrivée impromptue du chanteur/compositeur Jair Oliveira, procure de grandes émotions. Tout ici respire la musique dans tous ses états : drum’n’bass, lounge, rap, post-Jorge Ben funk, mais aussi des styles plus traditionnels, tels que le tropicalismo (le tropicalisme).  » Nous travaillons essentiellement avec nos tripes, explique João Bôscoli. Il faut en premier lieu que cela « colle » avec un artiste. Lorsque nous décidons de travailler avec quelqu’un, cela correspond presque à une sorte de mariage qui a un énorme impact sur la vie de l’artiste et sur la nôtre. Nous sommes à la fois agents, producteurs, distributeurs. 80 % de nos artistes sont des jeunes avant-gardistes ; les 20 % restants sont des valeurs sûres, telles que Baden Powell. Nous ne pouvons accueillir plus de 16, voire 18 artistes. Il nous faut donc parfois nous résoudre à des choix difficiles. Nous avons déjà 5 musiciens fous… Financièrement, nous ne pouvons nous permettre d’en prendre un sixième.  »

Jusqu’il y a peu, Trama recevait entre 80 et 100 démos par jour. C’est ainsi qu’André Szajman a eu l’idée de créer Trama Virtual, un site portail où quelque 9 000 artistes et groupes sans label peuvent présenter leurs chansons sur leur propre page Web, lesquelles sont ensuite écoutées et jugées par quelque 300 000 utilisateurs. Parallèlement, la maison de disques a lancé le site Trama Universitário comportant trois rubriques : musique, carrière et informations générales. L’objectif étant de regrouper les étudiants brésiliens, d’élargir leurs horizons et de les mettre en contact avec des employeurs potentiels.  » Les grands labels de musique se plaignent sans cesse du fait qu’ils perdent de l’argent à cause du piratage, souligne André Szajman. Mais à côté de cela, leurs archives regorgent de matériel de qualité avec lequel ils ne font rien. Nous achetons massivement des brevets pour insuffler une nouvelle vie à cette musique via les remix. Avec une telle diversité de produits et de services, nous pouvons nous permettre de diffuser de la musique gratuitement. Prenez par exemple le double CD « Jogos de armar » de Tom Zé, consacré par le magazine « Rolling Stone » en 2003 comme l’un des artistes les plus marquants de la décennie. Le deuxième CD est exempt de droits û petit cadeau à l’intention des amateurs de sampling. La nouvelle technologie du digital représente une révolution dans la distribution de la musique. Il serait stupide de ne pas en faire pleinement usage. La technologie doit toujours être au service de la musique, et non l’inverse.  »

L’équipe de Trama perçoit la collaboration avec la Brahma comme une aubaine pour partir à la conquête de contrées lointaines avec leur musique. Décrite comme  » légère et désaltérante, avec un soupçon de papaye en note finale « , la bière û qui titre 4,8 % d’alcool û est conditionnée dans une bouteille  » galbée, aux lignes et aux courbes originales et esthétiques « , gage de  » modernité, élégance, créativité « . La couleur  » Rio-Flash  » de la marque traduit, elle,  » le caractère passionné et enflammé du Brésil « . L’essence même de la ginga…

Linda Asselbergs – Photos : Cristina Villares et Jacques Dequeker n

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