Une faune et une flore uniques au monde ! Et ce n’est pas tout… Ce département français d’outre-mer, aux frontières communes avec le Brésil et le Surinam, multiplie les séductions. On vient en Guyane française non seulement pour découvrir sa diversité naturelle, culturelle et ethnique mais aussi pour admirer le Centre national d’étude spatial.

Mais, à la tombée du jour, cette zone marécageuse est aussi un véritable paradis pour les oiseaux qui y dorment avant de reprendre leur migration. Hérons cocoï, jacana noir ou grande aigrette sont les spécimens les plus facilement identifiables pour celui qui découvre cet univers naturel fascinant. Outre sa richesse ornithologique, cette zone humide abrite aussi la loutre géante et le cabiai, un gros rongeur qui vit sur les rives du fleuve Kaw, l’un des principaux cours d’eau du marais qui se jette dans la mer. Cet univers si particulier et hors du temps se trouve seulement à 90 kilomètres de Cayenne, la  » capitale  » melting-pot de la Guyane française. Là, Amérindiens, Bushinengés – que l’on appelle aussi Noirs marrons ou Nég marrons -, Antillais, Dominicains, Haïtiens, Hmongs du Laos, Chinois, Indiens, Sud-Américains, Créoles et Français cohabitent sereinement. Les Amérindiens sont les premiers habitants de ce vaste territoire vert. Ce sont leurs lointains ancêtres qui virent débarquer, vers 1500 à Cayenne, les premiers explorateurs européens. Terre tour à tour française, britannique, néerlandaise et portugaise, c’est finalement la France qui la reprendra en 1803.

Les chaînes du pénitencier

A partir du xixe siècle l’histoire de Cayenne et de la Guyane se trouve étroitement liée à celle de l’esclavage mais aussi à celle de la transportation pénitentiaire. En 1848, l’esclavage y est aboli mais ce n’est que pour être remplacé quatre ans plus tard par le bagne. De 1852 à 1953, date du départ des derniers bagnards, l’institution pénitentiaire française a déporté ici quelque 75 000 condamnés. Meurtriers, voleurs et délinquants de tout acabit ont été transportés ici pour purger de longues et lourdes peines. Au-delà de huit années de pénitencier, les hommes étaient condamnés à rester en Guyane. Une façon peu protocolaire pour peupler un département lointain. Grâce aux articles virulents et continuels du célèbre journaliste Albert Londres comprenant de nombreux témoignages mettant à mal l’institution, les autorités françaises se verront obligées de fermer définitivement les portes du bagne après la Seconde Guerre mondiale. De cette terrible période carcérale, il reste d’impressionnants vestiges à Saint-Laurent-du-Maroni, mais également aux îles du Salut. Plus de cent cinquante ans après, on parle encore de bagnards célèbres comme Albert Dreyfus ou Papillon, immortalisé au cinéma sous les traits de Steve McQueen. D’autres laissèrent leurs empreintes artistiques, comme Francis Lagrange, un forçat qui décora l’église de l’île Royale ou encore celle de Sinamary qui signait ses £uvres d’un  » Flag 40 « .

En bordure du fleuve Maroni, le camp de la transportation de Saint-Laurent-du-Maroni se visite encore. C’est ici dans cette  » capitale du système pénitencier  » qu’arrivaient les bagnards en provenance de France. La vie effroyable de ces hommes condamnés aux travaux forcés se laisse encore deviner au travers de la visite des nombreuses cellules à ciel ouvert, fermées par des barreaux rongés par la rouille, et laissées à l’identique, depuis l’abandon du pénitencier et qui font aujourd’hui l’objet de mesures de restauration. Parmi cet ensemble, on trouve quelques témoignages, comme celle du prisonnier Papillon. Sur le sol de sa cellule, qui porte le numéro 47, on peut encore y lire son nom… A l’écart de ce lieu de mémoire à l’atmosphère pesante, la ville de Saint-Laurent-du-Maroni exhale un charme de petite ville coloniale. Ses rues et ruelles sont bordées de très jolies maisons conférant une atmosphère plaisante à la ville que l’on appelait alors le  » Petit Paris de la Guyane « . Toutes ces belles demeures font aussi actuellement l’objet de réhabilitation et sont aujourd’hui habitées par les administrations ou les entreprises qui rythment la vie de cette cité très cosmopolite. Saint-Laurent, l’une des toutes premières villes du fleuve Maroni, est aussi un lieu d’échanges entre la Guyane et le Surinam voisin. Les rives du fleuve sont habitées par les Bushinengés, des populations descendantes d’esclaves, qui peuplaient les plantations de l’ancienne Guyane néerlandaise, aujourd’hui Surinam.

Les îles  » paradisiaques  » du Salut

Elles sont distantes de seulement 200 kilomètres… Et pourtant, tout un monde sépare Saint-Laurent-du-Maroni de Kourou  » la Blanche « , comme on la nomme ici. Depuis le port de plaisance de cette ville construite pour le CNES (Centre national d’études spatiales), on rejoint aisément les îles du Salut, aujourd’hui propriétés du Centre spatial. Baignées par une eau chaude et translucide, les îles sont au nombre de trois : Royale, Saint-Joseph et l’île du Diable, toutes trois lieux de l’ancienne administration pénitentiaire. A treize kilomètres des côtes guyanaises, c’est à bord de  » Pti Punch « , l’un des quelques voiliers qui font régulièrement la navette que l’on aborde ces îles. On débarque en premier à Royale, une île où il fait bon flâner sous les cocotiers même si son sol est envahi de vestiges du bagne. En face, beaucoup plus petite, l’île de Saint-Joseph offre bien plus de charme. Les bâtiments du pénitencier ont été recouverts par la végétation qui s’est lovée autour des barreaux des cellules balayées par la brise. Une petite heure suffit pour faire le tour de Saint-Joseph et profiter, pourquoi pas, des deux piscines construites par les bagnards !

Bien avant l’installation du bagne, les Amérindiens avaient coutume de venir ici pour fuir les démons hantant la forêt. Sur le sentier circulaire construit par des bagnards, entre la cocoteraie et les récifs, une tortue gravée dans une roche témoigne encore de cette présence très ancienne. Une présence que l’on retrouve aussi à Kourou avec en lisière de la ville, des polissoirs amérindiens et des représentations humaines sculptées dans la roche. Mais Kourou, c’est aussi depuis les années 1960 une ville-phare rythmée par la saga spatiale européenne et le programme Ariane. Pourquoi ici ? Pour de nombreux avantages : nulles secousses sismiques, point de cyclones, une forêt d’un côté, et de l’autre l’océan Atlantique avec, de surcroît, une situation géostratégique unique lui offrant une  » fenêtre  » de lancement idéale. La visite du musée et des installations à Kourou permet de saisir la complexité de cette histoire technologique de pointe.

La découverte de la forêt d’émeraude

Mais la Guyane, c’est aussi un extraordinaire poumon vert rythmé par la vie des fleuves et celle de la forêt. Le réseau hydrographique très dense permet, à lui seul, de remonter vers l’intérieur du département entièrement recouvert d’une forêt épaisse. Au sud de Cayenne, en pleine forêt, un camp d’initiation à la survie amazonienne et en milieu équatorial (Cisame) offre la possibilité de découvrir en toute sécurité les mystères de la forêt. Le Cisame sert également de base arrière aux chercheurs qui viennent étudier l’extraordinaire richesse de la faune et de la flore. Ce milieu souvent décrit comme un enfer vert est surtout un univers biologique d’une incroyable richesse : les scientifiques ayant dénombré plus de 1 300 essences d’arbres différentes dans la forêt primaire. Outre les botanistes, on vient également ici en famille ou entre amis passer un week-end de détente, avec au programme des baignades, des courtes randonnées, du canoë sur l’Approuague ou encore une initiation à l’orpaillage sans utilisation de mercure.  » Profiter de la nature, en vivant en forêt est une expérience qui permet aussi de démystifier l’Amazonie « , explique Enor, un guide amérindien travaillant au Cisame depuis plus de dix ans. Pour lui, comme bien d’autres, cette terre est un véritable paradis à ciel ouvert… il suffit de prendre la peine de l’apprivoiser et de la découvrir.

François-Xavier Béchard

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