Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre. Chaque nouveau Jardin d’Hermès, chaque Aqua Allegoria de Guerlain, chaque flacon Armani/Privé invite au voyage tout en paraissant familier. Comme pour mieux se prêter au jeu des collections. Une vraie tendance de fond.

Jean-Claude Ellena est un homme sage qui sait que  » jamais  » rime parfois avec  » quoique « . En 2011, pourtant, lorsqu’il signe Un Jardin sur le Toit, pour lui, il n’y a pas de doute, ce sera le dernier d’une jolie lignée.  » Je me suis toujours méfié de la répétition, note le parfumeur d’Hermès. J’avais peur que cela devienne un système.  » Le succès commercial des Jardins le poussera pourtant à changer d’avis. Le temps écoulé lui rend l’exercice à nouveau désirable, il faut dire aussi qu’il avait toute latitude pour choisir son terrain de jeu. Il mettra le cap sur la Chine et le nez dans ses édens – où, pour déjouer les mauvais esprits, pas un seul chemin ne file en ligne droite -, inventera le sien en créant de toutes pièces les personnages de Monsieur Li et de sa fille – on sent ici la patte du romancier qu’il est à ses heures perdues – et même l’odeur illusoire du jasmin d’eau, de la pierre mouillée des bassins, des pruniers, de la menthe, des kumquats et des bambous géants. Un jus subtil  » qui laisse des blancs dans la page  » pour mieux faire galoper l’imagination de celle qui le portera et le fera sien. Ce Jardin-là ne raconte pas le même paysage que les quatre autres fragrances qui l’ont précédé et pourtant il leur ressemble, question d’écriture sans doute, de flaconnage identique, à la nuance colorielle près de la bouteille tirant cette fois sur le vert doré. Une harmonie visuelle qui pousse à collectionner ces voyages olfactifs et à les porter au gré de l’envie du moment sans se sentir vraiment infidèle au parfum que l’on aime.

D’AUTRES DÉCLINAISONS

Hermès est loin d’être le seul à jouer la carte des rêveries sensorielles en séquences. La collection des Eaux dans la gamme Armani/Privé, reconnaissable à ses bouteilles rectangulaires et transparentes surmontées d’un bouchon galet, propose elle aussi des balades tout en fraîcheur dans des lieux mythiques dédiés au végétal, quatre à ce jour, le dernier venu, sorti au début de cette année, faisant également escale… en Chine. C’est Suzhou, une ville tout en ponts et canaux dont les jardins sont inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco, qui sert de toile de fond à cette eau de toilette cristalline où la pivoine trône en majesté, ciselée par des notes vives de mandarine, de poivre rose et de framboise teintées de rose de mai, de musc et de patchouli.

Chez Guerlain, l’arrivée du printemps rime chaque année avec le lancement d’une nouvelle Aqua Allegoria, ode récurrente aux fruits gorgés de soleil, aux pétales trempés de rosée et aux herbes tendres. Depuis le lancement en 1999 de cette collection présentée dans des flacons abeille renfermant des jus aux nuances pastel, pas moins de 32 fragrances ont vu le jour, quatre d’entre elles étant devenues des classiques semi-permanents de la maison. Le millésime 2015 allie la fraîcheur à la fois zen et tonifiante du thé vert et du jasmin avivé par une bergamote de Calabre (lire par ailleurs) zestée de yuzu et de pamplemousse.  » Tout le charme des Aqua Allegoria tient dans leur manière enjouée de réinventer, avec spontanéité, des harmonies naturellement complices, pointe le parfumeur Thierry Wasser. Cette fois, l’idée était d’imaginer le plaisir d’un thé vert savouré au bord d’un lac aux reflets d’azur.  »

Plutôt que de faire le tour du monde, Acqua di Parma s’attache avec sa gamme Acqua Nobile à explorer les charmes des jardins aristocratiques à l’italienne en magnifiant dans chaque nouvel opus une des fleurs reines de la discipline. L’iris d’abord, avant le magnolia et le jasmin et maintenant la rose mariée à d’autres senteurs frémissantes – la mandarine, le cassis, le cyclamen et le freesia – que l’on peut rencontrer au détour des buissons perlés de rosée matinale.

Fidèle à ses racines, Diptyque, dont les jus racontent tous, depuis le lancement de la première eau de toilette en 1968, une histoire d’enfance, une nature sublimée, un paysage véritable ou fantasmé, a choisi cette fois de nous emmener avec Florabellio le long d’un chemin qui va du bocage à la grève, mêlant ainsi le sel des embruns et la douceur charnelle de la fleur de pommier et de l’osmanthus, avec en arrière-plan les accents grillés du sésame et du café torréfié. Un sillage mystérieux raffiné par Fabrice Pellegrin, autour des souvenirs olfactifs de Christiane Montadre-Gautrot – l’une des cofondatrices – à Barfleur, en Normandie, et soigneusement encapsulé dans un flacon à l’ovale mythique frappé, comme à l’accoutumée, d’une gravure rétro en noir et blanc. Un autre signe de ralliement.

PAR ISABELLE WILLOT

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