Son métier ? Deviner quelles seront les tendances, les formes et les couleurs qui plairont dans les années futures. Le grand public ne connaît peut-être pas Li Edelkoort, mais les industriels du monde entier, eux, sont nombreux à la consulter, à s’imprégner du contenu de ses publications û  » View on colour « ,  » Bloom « ,  » Interior View  » : des bibles, assurent les stylistes û, ou à assister, chaque semestre, à la présentation de ses musts de la mode des mois à venir.

Les lignes et les idées que Li Edelkoort met en avant inspirent aussi bien les fabricants de montres que les restaurateurs, les industriels de l’automobile que ceux des cosmétiques, sans parler des professionnels du textile, dont la vie est liée au renouvellement permanent des matières et des couleurs. Pareille à un chercheur en son laboratoire, cette Néerlandaise installée à Paris prévoit nos choix et nos comportements de demain : ce que nous allons porter, regarder, utiliser ou manger. Son arme principale pour être si sûre de ses prédictions ? Son intuition.  » Chacun a de l’intuition, explique-t-elle. Mais la plupart des gens la négligent, et en perdent l’usage. Or l’intuition ressemble à un muscle : si on ne l’entretient pas, il fond et devient inutile… Il ne s’agit pas d’une expérience mystique. Les idées que je développe, ce sont mes propres idées. Du moins sont-elles dans l’air du temps. Je les capte. L’idée, en elle-même, n’est pas le fruit d’un processus créatif, c’est au moment de lui donner forme, corps et matière, que la création commence.  »

Son studio, basé près de Montparnasse, est une tour de Babel û une  » ONU du design « , préfère-t-elle dire û peuplée de jeunes gens venus des cinq continents qui travaillent à construire notre avenir. Ils parlent tous des langues différentes, mais n’utilisent, en réalité, qu’un seul vocabulaire… celui du design : formes, couleurs, matières. Comme Li Edelkoort, ils passent leur vie à voyager, à faire du shopping aux quatre coins du monde, à courir brocantes et marchés aux puces, à débusquer des objets, des matériaux insolites, nouveaux ou oubliés : ils les rapportent au bureau, et, à partir d’eux, racontent des histoires, imaginent, rêvent… Le futur naît là, d’une observation du monde ou d’une plongée dans le passé.  » Il faut en permanence rester ouvert à tout, souligne Li Edelkoort. Notre travail est de découvrir des choses cachées, ignorées, abandonnées, et de les mettre en lumière pour nos clients.  » Cette philosophie séduit depuis des années Nissan, MaxMara, Missoni ou, par exemple, Mark & Spencer. Tous ces industriels sont sensibles à la capacité de leur conseillère à interpréter l’évolution de la société et les signes avant-coureurs des goûts à venir du consommateur… Et à son aptitude, également, à tenir compte des réalités économiques.  » Il ne peut y avoir de création sans une connaissance avancée, et sans design un produit ne peut pas exister.  »

La papesse des tendances a élu domicile à côté de Paris, dans une ancienne maison de ville. Deux bâtiments, de deux niveaux chacun, créent une adorable petite cour pavée.  » Comme n’importe qui, je déploie d’immenses efforts pour rendre ma maison confortable, confie Li Edelkoort. Tout ce que je sais, c’est que j’y apporte des objets, qu’ils prennent leur place jour après jour, et qu’au bout d’un certain temps, ils ont cessé de vivre. Je m’en sépare, et je recommence. J’essaie d’être le moins encombrée possible, mais ce n’est pas toujours simple…  »

Un des bâtiments qui borde la cour intérieure abrite les pièces de séjour, l’autre les pièces privées, chambre et salle de bains. Entre les deux, avec un flegme oriental, se promènent Adam et Eve, deux chats siamois : ils suivent leur maîtresse quand elle passe de sa chambre à son salon, obligée par la disposition des lieux, de traverser la cour.  » Même en hiver, quand il faut affronter le froid ou la neige, il est très amusant d’avoir à se retrouver en plein air quand on quitte son lit pour aller se faire un café…  » La pièce de séjour, pour sa part, est un vaste volume, unique, somptueusement éclairé par une grande verrière. Tous les murs de la maison sont blancs, immaculés, comme pour mieux mettre en valeur meubles et objets rassemblés.

Quelles leçons y a-t-il à retirer de la passion de Li Edelkoort pour l’aménagement de son home sweet home ? Par-dessus tout, probablement, ce principe fondamental qu’il faut être soi-même. Les clés û et les tendances û du futur sont sans doute là…

Robert Colonna d’Istria – Photos : Jean-François Jaussaud – Luxproductions

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