Elle a du corps et ne manque pas de classe, la minijupe. Sous ses airs évaporés, elle cache un pouvoir de séduction redoutable. Gros plan sur un petit morceau d’étoffe qui a toujours eu de grandes ambitions.

(1) et (2) Spécial Mode du 13 mars.

L’été sera court, très court même. Et il ne s’agit pas là d’hypothèses météorologiques maussades. Non, c’est plutôt un coup de chaleur qu’il faudra prévoir, car la jupe modèle  » mini-minissimo  » a juré de jouer son va-tout (et ses atouts) durant la plus  » hot  » des saisons. Quand le thermomètre s’emballe, les cuisses se dévoilent et les jambes prennent le large… Il reste de glace ? Qu’importe, la minijupe compte, parmi ses nombreux alliés, les collants et les bottes. Là où, au fil des époques, des tendances et des crises, d’autres vêtements ont dû baisser le col, la jupette a toujours su tirer son épingle du jeu. Insouciante, ingénue, impertinente, imprévisible voire impudique, miss mini a décidé d' » assurer  » un maximum en cette saison 2003. Avec un régiment de sandales haut perchées, de bottines punky et d’escarpins vertigineux, elle envoie promener tout signe d’austérité.

 » La mode met le corps en scène (…) Exposé, exhibé, il a pour mission d’être le message de notre intimité que nous cherchons à valider auprès des autres « , note l’hebdomadaire  » l’ExpressMag  » (1). Une intimité sur laquelle les créateurs lèvent quasi l’entièreté du voile : jadis plus  » mimi  » que mini, ledit morceau d’étoffe mute maintenant en ceinture améliorée. Si la dame ainsi vêtue choisit de s’asseoir, gare aux incidents diplomatiques… Mus, donc, par la politique volontiers scabreuse du  » plus court que ça, tu meurs « , les créateurs, transalpins surtout, optent pour des minirobes moulantes à motifs extrême-orientaux (Gucci) ou très hauts en couleur (Roberto Cavalli), des jupes qu’il faudrait plutôt qualifier de  » bandeaux  » (Versace et sa ligne cadette Versus), des tuniques de vestales dévergondées (Sportmax, Fendi, Versace, Fendi), des  » cache-fesses « , lacés de préférence, (Dolce & Gabbana)… Tout aussi fripons, les Français ne tirent pas la chose en longueur : Marc Jacobs chez Louis Vuitton, Karl Lagerfeld chez Chanel, John Galliano chez Dior, Giambatista Valli chez Ungaro – à noter, les superbes micro-robes volantées en mousseline de soie -, Nicolas Ghesquière chez Balenciaga et même l’inoxydable Paco Rabanne – ses minis façon  » cotte de maille  » valent le détour -, ont décidé de se la jouer  » rétrécie « .

Plus sages, Cacharel, animé par le duo Clements-Ribeiro, ainsi que nos compatriotes Bruno Pieters et Olivier Strelli allongent un brin la sauce. Ils proposent des minis (la soie, le coton et le jersey font des miracles avec ce genre de vêtement) tantôt flashy et tantôt sobres, mais qui, avec leur côté années 1980, passent plus facilement du podium à la portabilité quotidienne. Et puis, ce qui chiffonne parfois à la ville est, en revanche, bien toléré en vacances, à la plage, par exemple. C’est ce que semble nous dire le label scandinave Sand à travers sa ligne jeans dont l’atmosphère s’inspire directement des Golden Sixties ou de l’Ibiza d’il y a trente-cinq ans.

Longue vie au court

Lancées en 1965 par l’Anglaise Mary Quant suivie de peu par André Courrèges et Pierre Cardin en France, les premières minijupes n’ont strictement rien de commun avec les  » cache-cache-culottes  » de cet été. Elles provoquent, cependant, un fameux raz-de-marée sur la planète mode d’abord, sur la planète tout court ensuite. Véritable carte de visite de l’émancipation féminine, pied de nez ironique à la mode  » bourge « , la mini prêche la libération du corps – la femme est un sujet sexué, pas un objet sexuel -, quand elle n’invite pas au  » corps à corps « .

A la fin des années 1980, la mini attaque à nouveau (Mugler, Alaïa, Lagerfeld pour Chanel…) via des silhouettes musclées-bronzées de carriéristes en tailleurs sexy. Après l’ère minimaliste des années 1990, l’avènement du IIIe millénaire et l’optimisme quasi benêt qui l’accompagne sacrifient sans remords ni regrets au culte de la créature aux jambes nues. Aujourd’hui, l’optimisme  » modo-socio-économique  » arbore plutôt une figure longue d’une aune. Pourquoi, dès lors, cette abondance de minijupes et de micro-tenues au lieu d’ourlets chutant telles les actions en Bourse ?  » Par défi ou comme volonté un tantinet naïve de croire que la situation finira par s’arranger « , déclarent certains sociologues. Mouais. Ou parce que la majorité des créateurs vivent sous une bulle de bonheur avec ciel éternellement bleu et fleurs à foison, à la façon des Télétubbies. Et que les cahiers de tendances, établis par les gourous du style jusqu’à trois ans à l’avance (!), prônaient le retour du court, point à la ligne. Bon, puisqu’elle est là, la p’tite mini, on ne va pas lui faire la guerre, à elle. L’essayer, c’est l’adopter. Ne pas l’aimer, c’est l’oublier.

Evoquant ce bout d’étoffe, Hussein Chalayan, styliste à la précision chirurgicale, déclare :  » C’est un cliché éculé de penser qu’une femme adopte la minijupe pour séduire. Elle la porte d’abord parce qu’elle aime le vêtement  » (2). Etant donné que le très court reste de mise l’hiver prochain (NDLR : les mini-kilts et les maxi-pulls sans rien dessous ont particulièrement la cote) comme chez Strenesse et Exté, par exemple, on finit aussi par se dire que, à l’instar du tailleur-pantalon, du trench-coat et de la chemise blanche, la mini représente un excellent fond de garde-robe.

Marianne Hublet

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