de notre envoyée spéciale

Proverbe de festivalier :  » Celui qui est venu à Hyères y retourne toujours « . Nous aussi ! Fidèle à sa réputation de dénicheur de jeunes talents, Weekend a sélectionné trois stylistes (Anthony Vaccarello, Aurore Thibout et Andrea Klüsener) lors du dernier Festival international de mode et de photographie à Hyères, pour les inviter à participer à son Fashion Weekend à Bruxelles aux côtés d’autres étudiants de prestigieuses écoles de stylisme européennes (1). Aussi, comme tous les modeux, nous sommes allés le premier week-end de mai dans le sud de la France à la recherche des perles rares…

Traditionnellement, pendant trois jours, la cité varoise est quadrillée par les festivaliers. Sur les hauteurs, la Villa Noailles, £uvre de Robert Mallet-Stevens, est assiégée. C’est là, en effet, que les stylistes exposent, chacun reclus dans la petite pièce qui lui est impartie. Et où déambulent les journalistes de la presse spécialisée. A l’heure de l’apéro, on se presse à la Tour des Templiers, au c£ur de la vieille ville, pour découvrir la commande mode passée au photographe français Thomas Mailaender, qui met en scène, avec brio, une silhouette ensablée de chaque styliste en compétition. En bas de la ville, la plage de l’Ayguade, où se déroulent les défilés sous un chapiteau signé par l’architecte Patrick Bouchain, est bondée de branchés.

La faune des festivaliers, dissimulée derrière de grandes lunettes  » mouche « , dénote avec la population locale. On croise des têtes connues, comme la journaliste de mode Mademoiselle Agnès de Canal +, décontractée en short en jeans, Maria Luisa Poumaillou, fidèle au jury du festival et propriétaire de la sélecte boutique parisienne éponyme, des journalistes et des attachés de presse parisiens et anglo-saxons ainsi que d’anciens lauréats, comme le duo britannique Swash, gagnant en 2004 et venu cette année par  » pure pleasure « , confie le couple dans les couloirs de la villa Noailles. Sous le soleil, le rendez-vous le plus hype de la planète mode récompense chaque année le travail des jeunes créateurs de mode et des photographes (2).

Sur la couverture du catalogue, édité à l’occasion de la 21e édition du festival et baptisé  » Le Book « , seule une tête dépasse du sable. Elle est coiffée d’une toque blanche en cuir tressé réalisée par Anthony Vaccarello. Ce même chapeau, assorti à une veste sanglée également tressée dans du cuir et portée sur une jupe moulante ou un pantalon ajouré, ont valu à Anthony Vaccarello, jeune créateur bruxellois, de remporter le Grand Prix du Jury. Renouant avec la tradition des Belges lauréats à Hyères (Billie Mertens en 1992, Union pour le Vêtement en 1994, Xavier Delcour en 1995, Christian Wijnants en 1999, Crstof Beaufays en 2001, Sandrina Fasoli et Laurent Edmond en 2003), ce Cambrien de 26 ans, dont le travail s’est largement démarqué de celui des dix autres candidats pour sa grande technicité, est reparti avec le palmier de Hyères, symbole du prix L’Oréal professionnel, doté d’une bourse de 15 000 euros.

Julien Vassena, Français d’origine mais également étudiant à La Cambre, a raflé, quant à lui, deux récompenses avec sa collection mixant des imprimés celtiques et des vêtements de surf : le Prix Spécial du Jury et le Prix 1.2.3. assorti d’une bourse de 15 000 euros qui lui permettra de commercialiser une ligne dans les boutiques de l’enseigne. On notait aussi la présence des Françaises Nathalie Regnault et Amandine Labidoire aux univers aussi originaux qu’opposés et venues tout droit de La Cambre. Pour couronner le tout, la présidente du jury n’était autre, cette année, que la créatrice anversoise Ann Demeulemeester, déjà membre du jury en 1993, qui exposait également dix-sept silhouettes retraçant vingt ans de mode. Sa présence discrète et furtive, aux côtés de son mari Patrick Robyn, a rappelé que la Belgique était à l’honneur pour cette 21e édition du festival de la cité varoise, initié par Jean Pierre Blanc et désormais rendez-vous incontournable de la branchitude.

Tour d’horizon, pays par pays, des jeunes créateurs qui ont marqué des points dans la planète mode ainsi que nos coups de c£ur.

Belgique : 4 points

Anthony Vaccarello : C’est un jeune homme discret, au regard posé. Au premier étage de la Villa Noailles, dans une pièce tapissée de lierre, Anthony a choisi d’ exposer ses toques en cuir tressé ainsi qu’un blouson en cuir blanc fermé par une grosse boutonnière également tressée dans du cuir. Des heures de travail ont été nécessaires pour confectionner des pièces qui font penser à du Martin Margiela de la ligne artisanale. Ce Belge de 26 ans, coup de c£ur Weekend, en cinquième année à La Cambre, a accueilli le Grand Prix du 21e Festival de Hyères avec émotion.  » C’est difficile de définir la source d’inspiration de ma collection, souffle-t-il. Cette fois, j’ai voulu m’inspirer des coiffes. Il y a, dans mes créations, quelque chose d’organique qui déstructure la forme du vêtement.  »

Julien Dossena : Etudiant en quatrième année à La Cambre, Julien Dossena, 23 ans, est un Breton exilé en Belgique. Sa collection s’inspire du folklore celtique mélangé à des tenues de surf. De ce mélange incongru sont nés des combinaisons aux imprimés psychédéliques, des manteaux zippés et transformables, des paréos revisités, des vêtements pour la pluie et pour la plage… qui lui ont valu deux prix.

Outsiders : Nathalie Regnault, 29 ans, et Amandine Labidoire, 24 ans, Françaises et Cambriennes, ont également fait partie de la sélection : Nathalie Regnault et ses femmes au visage voilé ; Amandine Labidoire et sa collection mixte, très ludique, accessoirisée de baskets lacés de grosses cordes.

France : 2 points

Aurore Thibout : Dans un univers très poétique qui cherche à capturer le temps, Aurore Thibout signe des vêtements  » mémoires « . Une nostalgie du passé se dégage de sa collection, dans laquelle ses couleurs de prédilection oscillent entre le blanc monacal et la couleur chair. Aurore Thibout, coup de c£ur Weekend, qui utilise des matières comme le feutre, aime jouer sur le flottement des vêtements. Son passage chez Martin Margiela, où cette Française de 26 ans a travaillé pour la ligne artisanale, se remarque au détail d’une fermeture éclair comme moulée sur une robe, telles une trace, une empreinte.  » J’ai eu envie de figer un vêtement qui a existé à l’image d’un procédé archéologique, explique la jeune femme. Comme un vêtement fossile ou une stèle. Je porte sur mes collections un regard très artistique, à mi-chemin entre les arts et la mode.  » Ancienne étudiante de l’école Duperey à Paris, Aurore est aussi diplômée des Arts décoratifs de Paris. Dans son défilé, le texte de la mort d’Ophélie, tiré de  » Hamlet « , est murmuré en guise de bande-son. Ce qui ajoute au charme de l’ensemble. Aurore Thibout a remporté le Prix du public de Hyères. On la suit à la trace…

Outsiders : Eric Lebon, 23 ans, autodidacte, a séduit le jeune public et de nombreux journalistes de mode par une collection pour l’homme très streetwear, inspiré du hip-hop. Ses pantalons en flanelle taille haute, ses salopettes en laine, accessoirisés de sacs en peau et de nounours en bois en guise de pendentifs, s’inspirent du vestiaire  » d’un enfant débraillé « , dixit le créateur.

Finlande : 1 point

Anna et TuomasLaitinen : Le duo finlandais Laitinen est constitué par Anna, 32 ans, l’aînée, et Tuomas, 27 ans, le frère cadet. Lui est sorti diplômé de la Central Saint Martins School de Londres en 2004, elle a étudié aux Beaux-Arts de Vienne et de Barcelone. Leur collection mixte puise dans une palette de gris et propose des vêtements casual aux finitions extrêmement travaillées. Elégante sobriété et charme discret se dégagent de cette collection de maille torsadée et de vêtements transformables qui s’est vue attribuée une mention spéciale du jury de Hyères.

Allemagne : 1 point

Andrea Klüsener : originaire de Düsseldorf, elle a fait ses études à la Central Saint Martins School de Londres et réside aujourd’hui à Paris. Andrea, 28 ans, a travaillé auprès de Bernhard Willhelm, de Felipe Oliveira Baptista ainsi que d’Ann Valérie Hash. Sa collection est une symphonie de couleur chair ponctuée de bleu marine et s’inspire de la danse butô japonaise. Andrea Klüsener, coup de c£ur Weekend, réalise ses vêtements sans patron et enroule le corps de plissés des plus seyants.  » J’aime l’idée que mes vêtements dégagent à la fois force et douceur, précise la créatrice. Tout comme la danse bûto.  »

(1) Weekend Le Vif/L’Express et Weekend Knack organisent, le 26 octobre prochain, la quatrième édition de leur Fashion Weekend, un concours de mode mettant en compétition leurs coups de c£ur issus de La Cambre, de l’Académie d’Anvers et de la Central Saint Martins School de Londres et de Hyères.

(2) Cette 21e édition a récompensé les photographes français Estelle Hanania et néerlandais Jaap Scheeren.

Agnès Trémoulet

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