Au cour du vignoble de Pauillac, dans le Médoc bordelais, le chef Thierry Marx élabore une cuisine à son image : moderne et aux goûts vrais. Ses plats, qui allient les délices du terroir aux saveurs d’Asie, comblent les gourmets gourmands de nouvelles sensations.

Recettes en page 30. Carnet d’adresses en page 114.

« Sole petit bateau, pointes d’asperges et vinaigrette de thé matcha « ,  » Risotto de soja, jus d’huîtres et truffes « ,  » Lait de coco au clou de girofle légèrement parfumé, granité de thé vert et crème glacée  » : ces trois énoncés de recettes sont extraits d’une des cartes saisonnières de Thierry Marx, chef de Cordeillan-Bages, le restaurant 2-étoiles de ce Relais & Châteaux situé au c£ur du vignoble de Pauillac, dans le Médoc bordelais. Thierry Marx n’est pas un chef ordinaire. Son caractère bien trempé s’affiche d’emblée lorsqu’il parle de sa cuisine :  » Une histoire de saveurs qui unit la puissance du lieu et l’appel de l’imaginaire.  »

Son terroir : le Médoc. Il aime à souligner le contraste qui existe ici entre la terre û celle des vignes entrecoupées de prairies humides quasi sauvages û et l’estuaire de la Gironde, ce fleuve immensément large qui semble charrier la terre vers la mer. Son imaginaire : l’assiette qu’il propose et qui voyage sur les routes des thés et des épices ramenés d’Orient. Lorsque Cordeillan-Bages prend ses quartiers d’hiver, pendant deux mois au moins, on retrouve notre chef en Chine, en Indochine, au Japon… C’est le judo de compétition, son sport préféré, qui a d’abord amené Thierry Marx en Extrême-Orient. Il a ensuite pris le temps de voyager musclé.  » L’Asie, je m’y sens bien, confie-t-il. Le dernier trek que j’ai fait c’était en Thaïlande : 17 jours dans la jungle avec l’armée, jusqu’à la frontière birmane. Chemin faisant, on croise forcément des marchés. Je les fais systématiquement, pas forcément pour les produits, qu’on peut aujourd’hui trouver presque partout dans le monde. Je préfère regarder les gens cuisiner, voir par exemple cuire du riz dans du bambou, goûter des cuissons fumées ou à l’étouffée. Je ramène des idées que je fais ensuite évoluer dans notre cuisine à nous.  »

En Asie, Thierry Marx a développé plusieurs collaborations. Au Japon ou en Thaïlande, il propose de nouveaux concepts de restaurant. A Hongkong, il est consultant pour l’Oyster Wine Bar, qui compte notamment un bar à huîtres offrant une sélection de 160 huîtres différentes, venues du monde entier.  » Les Chinois adorent les huîtres, ils sont capables de dépenser une fortune pour une Belon, par exemple.  »

Riche de ces aventures, Thierry Marx rentre, dès le printemps venu, à Cordeillan-Bages où il réaffirme une cuisine qui, quelles que soient ses influences, est caractérisée par un point commun : la franchise de chaque goût, de chaque plat. En d’autres termes, les saveurs ne sont pas cachées, mélangées dans un ensemble. Tout est, au contraire, fait pour les affirmer, les individualiser. Lorsqu’il vous sert son  » Aubergine cristallisée au sucre, crème de badiane et sorbet basilic « , le sorbet offre pleinement le goût frais et mentholé du basilic et la crème exhale l’anis.

Les ingrédients des plats du Château Cordeillan-Bages reflètent aussi le terroir du Médoc, où le chef voyageur a plongé ses racines. Il est fidèle à son pêcheur  » qui va deux fois par semaine en mer et deux fois dans l’estuaire ». Les légumes sont produits en bio par une maraîchère qui travaille en étroite collaboration avec lui. Non content de mettre à la carte le célèbre agneau de Pauillac, Thierry Marx fut un des principaux soutiens à l’éleveur Domingo Reyes lorsque celui-ci a remonté une vraie bergerie sur le territoire de la commune. Quant aux délicieux pains servis à table, ils ne sont plus confectionnés au restaurant : ils viennent de la boulangerie de Bages, un projet flambant neuf que Thierry Marx, toujours lui, a mis sur pied et développé avec Jean-Michel Cazes, le propriétaire, entre autres, du Château Lynch Bages et de Cordeillan-Bages.  » Le Hameau de Bages se meurt, explique Thierry Marx. Jean-Michel Cazes a le projet de le faire revivre en développant une série d’initiatives nouvelles. Il pensait au départ à une sorte de bistrot. J’ai préféré la boulangerie, car c’est un métier que je maîtrise. Le pain est une manière de faire partager notre démarche de qualité û celle d’un restaurant étoilé donc cher û à un plus grand nombre. On compte maintenant 300 clients par jour, qui font parfois de longs trajets pour venir jusque chez nous, dans ce minuscule hameau.  »

Avec le pain, Thierry Marx renoue avec ses débuts en cuisine, au poste de pâtissier. Il a ensuite évolué dans le métier, en travaillant dans de grandes maisons françaises : Chapel, Taillevent et Joël Robuchon. Toutes ces étapes font partie d’un parcours initiatique au sens vrai du terme : celui des compagnons du devoir. Ce qui explique sans doute et pour partie le caractère bien trempé de Thierry Marx et de sa savoureuse cuisine.

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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