Depuis quelques années, un nouveau concept de jardin se dessine, directement inspiré de la nature sauvage. Le paysagiste belge Erik Dhont en trace les grandes lignes, inscrites dans une démarche durable.

Cela fait une décennie au moins que les jardiniers ont pris leurs distances avec les espaces structurés en renonçant par exemple aux haies de Taxus ou de buis, ces sévères murs végétaux qui, de plus, exigent une taille au cordeau. Même les fameux borders à l’anglaise qui requièrent à la fois une connaissance des plantes et des soins d’entretiens quasi permanents sont délaissés au profit de plates-bandes plus décontractées. Composées de grandes vivaces à fleurs et de graminées, elles ont fait la célébrité du pépiniériste et paysagiste néerlandais Piet Oudolf, à qui l’on doit, notamment, High Line Park, le parc urbain suspendu, aménagé sur une portion désaffectée des anciennes voies ferrées aériennes du Lower West Side, à New York.

Le pépiniériste belge Jan Spruyt, lui, a fait évoluer l’art du jardin en planchant sur le modèle de la prairie native américaine (lire aussi Le Vif Weekend du 17 février dernier) pour des aménagements mettant en scène des communautés de plantes – à nouveau composées de vivaces à fleurs et de graminées – qui des années durant vivent en harmonie et réclament moins de soins. Car, c’est un fait indéniable, réduire la charge d’entretien est une des préoccupations majeures du moment. Et pour être plus écologique encore, la réflexion s’accompagne d’un autre souci : recourir à moins de pesticides.

En matière de jardins durables, le paysagiste bruxellois Erik Dhont a acquis une grande expérience : plusieurs de ses projets, tant en Belgique qu’à l’étranger, ont d’ailleurs déjà atteint une certaine maturité.  » Il n’est pas rare qu’un client me demande de créer une réserve naturelle, confie-t-il. Ma première question vise à cerner ce que mon interlocuteur entend par là. Souvent ce désir témoigne d’un besoin de tranquillité, d’une recherche de simplicité. « 

Erik Dhont rappelle au préalable qu’un jardin naturel n’exclut pas l’intervention humaine. En effet, il s’agit d’obtenir un résultat tangible en quelques années là où la nature laissée à elle-même mettrait vingt à trente ans. Le propos n’est d’ailleurs pas de  » construire  » un tel espace, mais d’accompagner, de dynamiser les processus naturels de colonisation par la flore et la faune.

 » Pour un jardin dans les Polders, nous disposions du cours d’un ruisseau, explique le paysagiste. On savait qu’en creusant la pente, on encouragerait la venue des oiseaux… Et dès le lendemain de l’achèvement du chantier de terrassement, ils étaient là !  » L’eau constitue un élément important dans la création de réserves naturelles.  » On nous demande parfois de drainer une partie de jardin plus formelle. Plutôt que d’évacuer l’eau recueillie dans le réseau d’égouttage, on peut la valoriser en creusant un étang et en bordant ses rives avec des espèces indigènes. « 

Pour Erik Dhont, ces jardins doivent se fondre dans leur  » terroir « . Il n’imagine pas, en effet, de composer un biotope de toutes pièces, à grands renforts de travaux d’infrastructures. L’esprit se veut davantage en phase avec la faune et la flore locales.  » En Californie, s’enthousiasme le paysagiste, nous avons étudié la flore qui héberge les populations de papillons indigènes… afin d’augmenter leur présence par un choix judicieux de nouvelles plantations. « 

La réserve naturelle nécessite un immense savoir-faire. On ne se contente pas de semer un mélange  » prairie sauvage  » ! Et on aura de meilleurs résultats en repiquant des plantes sauvages ou des cultivars apparentés à celles-ci que l’on trouve dans des pépinières spécialisées, comme Ecoflora, à Halle.  » Nous remplaçons aussi les haies taillées par des haies vives, libres, à l’image de celles qu’on trouve dans les paysages de bocage, poursuit Erik Dhont. Elles deviennent une sorte de microcosme qui booste le développement et parfois la réapparition de la flore et de la faune sauvages. « 

Les plantations effectuées, reste à savoir comment les encadrer, les diriger. Fort heureusement, il existe des bases solides : les enseignements tirés du travail que mènent depuis des décennies les gestionnaires de réserves naturelles.  » Il faut simplement nettoyer le nécessaire, laisser s’exprimer la beauté de l’imperfection, conclut Erik Dhont. L’aboutissement ? Lorsque la nature vient effacer l’£uvre du paysagiste, lorsqu’elle est à même de faire évoluer ce que nous avons planté et semé. « 

Carnet d’adresses en page 104.

PAR JEAN-PIERRE GABRIEL

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content