Luigi Caccia Dominioni, 96 ans, est un maestro du design italien. Tout ce que cet architecte de formation a dessiné pendant soixante-deux ans pour les salons chics de Milan constitue le trésor d’Azucena, son éditeur historique où, du fauteuil à la lampe, rien n’est démodé.

Ses couverts de table en argent massif baptisés 40, leur nom actuel chez Alessi qui les fabrique depuis 1990 en acier inoxydable, étaient en 1940 le fin du fin de la Triennale de Milan. Fonctionnels et fuselés, ils ont été conçus par Caccia et les deux frères aînés du designer Achille Castiglioni, Livio et Pier Giacomo. Ils faisaient figure d’artisanat entrant dans les foyers en quantité industrielle. Aujourd’hui, ce sont des produits industriels fabriqués sous le contrôle de l’homme.

Mobilier intemporel

En 1947, Caccia fonde sa société, Azucena, Piazza Aquileia, à Milan. Ses deux nouveaux associés sont Ignazio Gardella, auteur de la lampe Alzabile (1948), graphique comme un trait de cuivre doré, et Corrado Corradi dell’Acqua dont les chaises Veneto (1968) préfigurent le design scandinave actuel. Dans l’immédiat après-guerre, le trio a plus d’architecture intérieure à faire que de bâtiments à élever. Comme il leur est impossible de trouver du mobilier moderne, ils le dessinent eux-mêmes. Avec eux, les s£urs Tosi, Maria Teresa à la fabrication et au prototypage et Franca aux relations avec la clientèle. Leurs filles dirigent aujourd’hui Azucena, Anna au management et à la production et Marta à la représentation de la maison à l’international.

Le mobilier Azucena est sans aucun doute devenu intemporel. Même le simple cale-porte (1983), composé d’une tige de cuivre accrochée à un bloc de 4,5 kg enveloppé de cuir, célèbre chez Azucena les noces de l’élégance et du pratique. Une poignée de porte comme Cristallo (1986) n’est au fond qu’une goutte de cristal sur du cuivre chromé mais elle apporte une sensation visuelle et tactile inédite. Quant à la lampe pour fauteuil (1979), c’est un réflecteur de cuivre fixé sur une lame de cuir épousant la courbe du dossier du fauteuil. Mais la lampe culte d’Azucena, c’est la Ghisa (1953), faite de deux cônes d’acier noir reliés par une tige de cuivre chromé. Même légèreté avec la Monachella (1953), une lampe au bout d’une tige terminée par un anneau qui permet de la déplacer.

Des formes et des tailles

Au rayon des petits meubles, Caccia dessine en 1972 un bar sur mesure qui est aussi un petit escalier permettant de grimper en haut de sa bibliothèque. Bois noir, acier chromé : du pur chic seventies. Pour s’asseoir, la grande icône reste le fauteuil Catilina (1958). Exposé dès 1957 à la Triennale de Milan, il étonne par son dossier en métal arrondi en pleine époque du tout rectiligne. Le fauteuil Luis (2003) est plus étrange, évoquant presque la bizarrerie du designer turinois Carlo Mollino.

Il existe aussi un côté ultrapratique chez Caccia. Son canapé Pinacoteca (1967), dessiné pour un musée, conserve le dos bien droit pour être adossé dos-à-dos au milieu d’une salle. Caccia a également dessiné des bureaux comme Sciabila (1988), nanti d’un double plateau en bois laqué. En 1998, son homologue Pipistrello apparaît avec sa base en acier multicolore qui dissimule les jambes. Les tables réservent aussi quelques surprises, telle Bordighera (1980) avec ses pieds semblables à une architecture de pont. Tandis que tout un esprit sixties exsude des montants du gracile lit Panchina, recouvert de fourrure. Curieusement, le lit Bicolore (1989) prend presque un air seventies tout en affichant une innovation proposant le parfait compromis entre lit et futon. Luigi Caccia Dominioni et sa ruche ont conçu tout cela pendant 62 ans. Le plus étonnant reste que ces objets soient toujours disponibles et sans l’ombre d’une ride.

www.azucena.it

PAR GUY-CLAUDE AGBOTON

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