Barbara Witkowska Journaliste

Symbole d’Hermès et drapeau du luxe français, le carré a 70 ans. Pour fêter l’anniversaire, la prestigieuse maison parisienne lance une nouvelle collection : les Carrés 70, élaborée sous l’égide de Bali Barret, jeune créatrice et, depuis un an, directrice artistique soie et accessoires textiles.

Ce carré  » nouveau  » est plus petit : il a 70 cm de côté au lieu des 90 cm traditionnels. Il s’enorgueillit aussi d’une nouvelle matière : la soie  » vintage « , une soie plus souple, plus fluide et plus mate. Tissée, elle aussi, à Lyon, elle est plus légère que la soie du carré classique. Son toucher est aussi différent, plus doux, plus  » arrondi « , comme si on l’avait depuis longtemps dans son armoire, en la portant et la manipulant souvent.  » Ce côté ancien et vieilli plaît beaucoup à la clientèle, explique Bali Barret. Moi-même, je possède des carrés qui ont une vingtaine d’années, ce sont mes accessoires fétiches, cultes. Alors je me suis dit que ce serait une bonne idée si nous les faisions nous-mêmes, ces carrés  » usés « , patinés par le temps. Souvent, un objet culte, on n’ose plus y toucher. Or, c’est bien de créer une rupture.  » Ce grand anniversaire est donc un moment rêvé pour ouvrir les portes, tenter de nouvelles aventures et se rapprocher des nouvelles générations. Car ce Carré 70 est pensé comme un  » bijou  » ou un doudou susceptible de plaire aussi aux hommes et aux jeunes filles.

La première collection réunit une sélection de six motifs. La plupart sont des recolorations de dessins mythiques issus du patrimoine de la maison. Le sixième est un nouvel opus inspiré de thèmes et de codes chers à Hermès. Jeux des omnibus et dames blanches est le tout premier carré, édité en 1937. Il a été dessiné par Robert Dumas, à partir du jeu de l’oie. Une équipe de jeunes graphistes lui a insufflé un petit air de modernité, comme un  » coup d’énergie « . Grand carrosse et Pani La Shar Pawnee représentent, respectivement, l’arrière d’un magnifique carrosse superbement ouvragé et un grand chef d’une tribu indienne. Ces deux motifs, conservés dans les archives, témoignent de l’attachement de la maison à ses racines. Le dessin apparaît tel qu’à son origine. En revanche la palette chromatique a été repensée et rendue plus actuelle.  » Le carré Pani La Shar Pawnee est mon préféré, souffle Bali Barret. J’ai un faible pour cet Indien, croqué par Kermit Oliver, dessinateur américain originaire de Houston, célèbre pour ses images d’Indiens, de faune, de flore et de grands espaces, que l’on peut considérer comme de véritables fresques sur l’Amérique.  » Le carré Swinging Saint-Germain met en scène un couple de danseurs derrière une fenêtre en forme de  » H « . Le dessin est l’£uvre de Jean-Louis Cler, fidèle collaborateur de la maison.  » Chez Hermès, chaque année a son thème, note Bali Barret. 2007 est dédiée à la danse. Il nous a donc paru intéressant d’intégrer ce motif à la collection.  » Le carré Fantaisie à cheval est une photo ancienne, imprimée sur la soie. Le cliché représente Emile Hermès sur son cheval à bascule. Amusant, il reflète au mieux la philosophie d’Hermès : être sérieux n’exclut pas une pointe d’humour et un brin de fantaisie. Enfin, Kelly en calèche est un clin d’£il à la tendance  » logomaniaque  » : d’une calèche tirée par un cheval s’échappe une cascade de sacs Kelly, best-seller et modèle emblématique de la maison.

Bali Barret et Hermès

Créatrice confirmée, la jeune femme a exercé ses talents pendant longtemps à la tête de sa propre griffe. La collaboration avec Hermès a démarré il y a quatre ans. Responsable d’une petite ligne  » Soie Belle « , Bali dessinait des écharpes ou des petits accessoires de cou, en respectant l’esprit Hermès, mais en l’interprétant avec  » son £il  » et son envie de mode et de modernité. Tout se passait tellement bien que Pierre-Alexis Dumas, lui a demandé de reprendre le département  » soie  » dans son ensemble.  » Le  » patron  » suit mon travail depuis longtemps, explique-t-elle. Or, dans ma vision des choses il y a beaucoup de similitudes avec l’approche et la philosophie d’Hermès. J’ai un goût pour la discrétion, j’aime un raffinement non-ostentatoire et des vêtements enracinés dans la tradition. Depuis l’âge de 16 ans, je porte des carrés Hermès, en les détournant de temps en temps en version rock et les accompagnant d’une mini-jupe et de bottes de cuir. J’ai vraiment été enchantée quand Hermès m’a demandé d’y mettre mon grain de sel.  »

Depuis un an, Bali porte donc la casquette de directrice artistique soie et accessoires textiles.  » Sa  » collection  » Soie Belle  » a été absorbée par la collection globale qui ne cesse de se moderniser, discrètement et avec subtilité. Après une longue immersion dans les archives, Bali connaît la maison de fond en comble et sent bien ses racines. Ce qui ne l’empêchera pas d’être davantage en osmose avec l’air du temps. S’il n’est pas question d’abandonner le twill de soie, les matières se diversifient. Peu à peu, le cachemire, la mousseline, le tricot ou le cuir entrent dans la ronde. La gamme s’enrichit de nouveaux formats : gavroche, losange, châle ou écharpe. Quant au carré classique 90 x 90 (20 nouveaux dessins par collection et 2 collections par an), il est plus présent que jamais, mais aura tendance à se montrer moins exubérant dans ses coloris et ses dessins. Sachez aussi que pour varier les plaisirs, il y a différentes façons, plus modernes et plus décalées, de le porter. Par exemple en bustier, comme Madonna, pour mettre en valeur sa gorge parfaite. On peut aussi le transformer en ceinture, en bonnet, en sac, en cravate ou en châle…

Barbara Witkowska

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