Barbara Witkowska Journaliste

Les créateurs s’emparent de ces formes essentielles et les interprètent avec maestria. Objets de décoration, mobiliers, vêtements, bijoux ou montres charment par leur beauté tout simplement irrésistible.

Une forme unique et une multitude d’objets de natures, dimensions et matières différentes. La collection  » Une forme, one shape  » de la designer française Marie-Christine Dorner réunit des bancs, des tabourets, des tables, des cache-pots, des ronds de serviette, des corbeilles à fruits, des bagues… D’emblée, le regard est frappé par la perfection des proportions et l’élégance des lignes. Le toucher est flatté par l’exquis raffinement des matériaux : la sensualité de la céramique, la douceur de la résine, la délicatesse de la porcelaine et du cristal, la noblesse du cuir et du teck, la fragilité du bambou… Riches, diversifiés et éclectiques, ces objets n’ont pourtant, à la base, qu’une seule et unique forme : un carré aux angles arrondis. Pour peaufiner le concept, la jeune femme a cherché à établir une synthèse entre trois éléments qui lui sont chers :  » le plan, comme support, la courbe, pour sa beauté naturelle et son ergonomie et, enfin, la trouée, qui par son vide crée le passage.  » De ces réflexions est né un module simple, plat sur les côtés, évidé au centre par deux lignes courbes. Une fois la forme bien maîtrisée, Marie-Christine Dorner s’est amusée à la décliner de multiples façons, en modifiant ses dimensions, pour passer de l’infiniment petit à l’infiniment grand et en variant les matériaux pour les adapter au mieux aux fonctions des objets.

Marie-Christine Dorner Mini à XXL

La première version, la plus petite, est une bague. En porcelaine ou en cristal, elle s’orne, parfois, d’un piercing, clin d’£il à la tendance en vigueur. Martelée en or ou en argent, elle se fait pendentif. Etirée, agrandie et affinée, elle est bracelet et se glisse sur le poignet en un seul ou en plusieurs exemplaires. Dans le domaine de l’art de la table, le module fait appel à la résine et se transforme en rond de serviette, net, lisse et ergonomique. Il est aussi artistiquement sculpté avec des rubans de bambou. Léger et aérien, il devient corbeille à fruits, coupe ou centre de table. Au fur et à mesure que le module s’agrandit, il prend d’autres fonctions selon les matériaux utilisés et peut servir de table en teck massif, de banc en rotin, de tabouret ou de cache-pot en céramique. Lorsque le carré s’allonge, s’étire et se rapproche du rectangle, il forme une élégante stèle. En version XXL, enfin, il s’impose en  » passage  » de 2,20 mètres de hauteur en fibre de verre jaune : une sorte de porte initiatique  » qui organise l’espace et marque le temps « . Le choix de matières les plus diverses, naturelles ou high-tech, a incité Marie-Christine Dorner à travailler avec de nombreuses entreprises artisanales aux Philippines, à Bali, au Japon, ainsi qu’avec le cristallier français Baccarat.

Diplômée de l’école de design Camondo en 1984, Marie-Christine Dorner part, avec un sac à dos, au Japon,  » pour faire une expérience « . Les hasards des rencontres lui font connaître Teruo Kurosaki. Le patron de la maison d’édition Idée l’encourage à mettre au point sa première collection de meubles et lui donne un coup de main en l’exposant. La jeune femme imagine des pièces à partir d’une feuille d’acier avec un système de pliage qui s’inspire de celui du papier.  » En travaillant la technique traditionnelle de l’origami, j’ai découvert les changements subtils liés au jeu des ombres et des lumières, confie-t-elle. D’où le désir de créer des meubles qui puissent avoir diverses apparences, donner des impressions totalement différentes selon l’angle sous lequel on les regarde.  »

De retour en France, Marie-Christine Dorner interprète les différentes facettes de son métier de designer et d’architecte d’intérieur. Elle aménage l’hôtel La Villa à Saint-Germain-des-Prés, le restaurant de la Comédie-Française au palais Royal, des magasins pour la Réunion des Musées nationaux et une boutique de mode. Installée à Londres depuis 1996, et plutôt discrète ces dernières années, elle vient d’amorcer un retour très remarqué grâce à ce projet  » Une forme, one shape « . Il a pu aboutir grâce à la complicité de la galerie parisienne Haute Définition et à l’enthousiasme de sa  » patronne « , Sabine Sautter, d’origine bruxelloise. L’exposition, qui s’est terminée en décembre dernier, a connu un beau succès. Plusieurs créations sont déjà en cours d’édition, tels les bagues en porcelaine, la corbeille à fruits en bambou, la stèle ainsi que les tabourets en céramique. Tous d’une beauté simple, évidente et intemporelle.

Le style carré de Jean-Paul Knott

 » Un garçon carré qui fait des choses carrées pour des gens carrés « , c’est ainsi que se définit Jean-Paul Knott. Le créateur bruxellois a vécu sa prime enfance à Kinshasa. Est-ce le souvenir de ces silhouettes féminines altières, sensuelles et élégantes, enroulées dans une simple pièce de tissu carrée qui a influencé son futur travail ? Sans aucun doute. Pour cet esprit cartésien, le carré est synonyme de rigueur, de droiture, de simplification des choses et de perfection. Le carré est aussi la forme dans laquelle le cercle, l’autre forme parfaite, s’inscrit idéalement. La réflexion tourne inlassablement autour d’une seule question : comment perfectionner un vêtement pour qu’il y ait le moins d’imperfections dans les coutures possible ? En travaillant sur le droit fil (la coupe le long de la trame) et en interprétant le carré à l’infini. Tel le kimono, par exemple, une source d’inspiration importante. Ce carré, fendu sur les deux côtés et équipé de deux manches est la base du vêtement. Décliné en veste, en manteau ou en peignoir, il permet de se sentir à l’aise partout. Les marcels, les blouses, les jupes, les pantalons, les robes, bref toutes les créations vestimentaires de Jean-Paul Knott se distinguent par une rigueur inouïe et une géométrie parfaitement disciplinée. Une fois posées sur le corps, elles coulent avec souplesse, sensualité et élégance.

Le concept carré, Jean-Paul Knott le décline volontiers au masculin et au féminin.  » En 1968, Yves Saint Laurent a habillé la femme en homme, explique- t-il. En 1982, Jean Paul Gaultier a habillé l’homme en femme. En 2005, l’homme et la femme partagent tout. Les vêtements sont interchangeables. Ainsi, le carré, un drap de lit, par exemple, se plie dans tous les sens et devient la base de tout vêtement.  » Récemment, Jean-Paul Knott a pu adapter sa forme préférée dans la décoration. L’hôtel Royal Windsor a confié l’aménagement de douze chambres à des créateurs bruxellois (lire aussi Weekend Le Vif/L’Express du 15 octobre dernier). Jean-Paul Knott, avec la complicité de l’architecte… Cyrille Carrée, a imaginé une chambre carrée. L’espace a été épuré, tous les volumes superflus éliminés, pour arriver à une forme nette, carrée, aux angles droits. Le lit, carré, est recouvert d’un couvre-lit, réalisé par les ateliers Delvaux. En cuir grainé, il réunit quatre carrés, reliés avec des surpiqûres sellier. Le soir, on le fait glisser par terre et on s’y installe pour regarder les DVD ou la télé sur un rétroprojecteur carré. Le mobilier et les objets sont carrés, dont ce meuble original dans l’entrée avec un vide-poches en cuir incorporé. Dans le domaine de la mode, Jean-Paul Knott nous promet, pour l’hiver 05-06, d’autres variations inédites sur sa forme  » chérie  » : le carré décliné dans une ligne de maille et des couvertures carrées en fourrure.

Des accessoires chics et carrés

Plus de cent ans et pas la moindre ride ! La célèbre toile Damier, créée par Georges Vuitton en 1888, met admirablement en scène un jeu de carrés bruns et chocolat et habille avec beaucoup de chic les sacs de ville et les bagages, pour hommes et pour femmes. Chaque saison, la toile Damier séduit par de nouvelles interprétations, modernes et épurées, comme, par exemple, Belem, ce tout nouveau modèle. Pour la première fois, le motif Damier quitte l’univers de la maroquinerie et fait une apparition discrète et confidentielle, gravée sur le dos du boîtier, dans la montre Speedy, la dernière-née de la maison. Les montres aiment en général des formes rondes, ovales ou rectangulaires. Rares sont celles qui optent pour la rigueur d’un carré aux angles nets. Tel est le cas de La Collection Matelassée de Chanel et de ses modèles à la fois sobres et précieux dont le bracelet interprète avec maestria la séduction du célèbre motif surpiqué. Altiplano, l’un des best-sellers des montres Piaget pour homme, affiche avec élégance sa version XL, avec une boîte carrée de 33 mm. Chez Versace, le modèle Character Chrono porte bien son nom, car ses lignes pures et modernes, mais incontestablement différentes, s’adressent aux hommes et aux femmes, qui ne manquent pas de caractère.

En version bijou, le carré se transforme en cube. Philippe Airaud, le créateur parisien aime ce volume minimal qui évoque la réduction d’une pierre facettée. Il l’associe volontiers à une sphère, car ces deux formes se conjuguent au mieux. Dans ce bracelet-manchette et dans l’écharpe assortie, des dizaines de mini-cubes en acier sont  » tissées  » avec autant de mini-boules, en acier également. Les parures deviennent mobiles et glissent avec souplesse sur le poignet ou sur le décolleté. Pour Swatch, Philippe Airaud a dessiné la collection Colorstair. Le cercle rigide en acier est muni, à chaque extrémité, de cubes interchangeables en résine bleue ou rouge et, en version plus festive, d’un cube blanc en cristal. Ludiques et versatiles, le collier, les bagues et les boucles d’oreille sont très faciles à porter, le jour et la nuit. Le joaillier bruxellois De Greef décline le concept de bijoux  » au carré  » dans la  » Men’s Collection « . Des cubes à la géométrie rigoureuse, deviennent des bagues en or gris massif et se prêtent au sertissage ou à la gravure. Des bracelets de cuir de différentes couleurs interprètent l’idée avec un jeu de doubles cubes d’or gris ou jaune, dont l’un est serti d’un diamant. La collection se complète par des boutons de manchette et des pendentifs coordonnés. A mi-chemin entre le cube et le carré, les bijoux haut de gamme pour homme griffés Omega, explorent le savoir-faire de la maison sous forme de bagues ou de boutons de manchette, en or ou en acier inoxydable. Leurs lignes, à la fois rassurantes et intemporelles, se coordonnent parfaitement à tous les modèles de montres de la maison. Pour terminer, un petit clin d’£il avec ce bijou pour les cheveux, imaginé par Louis Vuitton. Pour retenir ses couettes ou sa queue de cheval, les Hair Cubes existent en bleu, rose, marron et beige. Le logo est strassé, tendance glamour oblige.

Barbara Witkowska

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