Elle est la première marque de jean à avoir défilé à la New York Fashion Week. En Belgique aussi, la saga de Diesel, mêlant glamour et créativité, se poursuit au tempo de Renzo Rosso. Rencontre exclusive, à Anvers, avec ce boss… qui a toujours une longueur d’avance.

Les talentueux créateurs de mode Veronique Branquinho, Ann et Filip Vandevorst, Bruno Pieters, Les Hommes, sans oublier la supertop Ingrid Parewijk… Des invités fashionissimes pour une soirée 100 % Diesel, à De Waagnatie, célébrant, le 16 mai dernier, l’inauguration de la deuxième boutique anversoise de la griffe italienne, connue aujourd’hui dans le monde entier pour ces jeans au délavage ultraglamour. Occupant deux étages de St-Andries, cet immeuble monumental de la Nationalestraat, le tout nouveau flagshipstore de 200 m2, mariant dans sa déco l’ancien et le moderne, est un superbe écrin pour les collections Femme, Homme et Accessoires signées Diesel.

 » Je considère Anvers comme l’un des hauts lieux de l’avant-garde en Europe, a martelé Renzo Rosso, le patron de Diesel, venu en personne orchestrer ce D-Day. C’est une ville unique où jeunes talents et inventivité explosent. Pour Diesel, la créativité est essentielle et c’est ici, à Anvers, que cette attitude est la plus sensible.  »

Le label Diesel a été fondé en 1978 par Renzo Rosso et Adriano Goldschmied. En 1985, Renzo Rosso en devient l’unique propriétaire. Aujourd’hui, héros d’une véritable success story à l’italienne, il est attendu partout dans le monde comme une pop star, escorté par une cohorte d’attachés de presse. Trente ans après son premier périple en Belgique (à ses débuts, il sillonnait les routes d’Europe pour procéder lui-même aux livraisons), ce n’est pas en camionnette qu’il a débarqué à Anvers… mais en jet privé. Jean, blouson et casquette, il affiche son look d’éternel farmer boy. Mais, sous des apparences un peu frustes, se révèle un être fidèle à des valeurs d’authenticité, grand admirateur du dalaï-lama et adepte du yoga.

L’empire Diesel, dont le siège est en Vénétie, tourne désormais à plein régime : la griffe italienne n’a-t-elle pas supplanté Levi’s dans la garde-robe des fashionistas ? Elle s’est aussi imposée dans l’univers du prêt-à-porter en étant la première marque de jean à défiler à la New York Fashion Week en 2005 et en devenant actionnaire majoritaire de griffes de renom telles Martin Margiela, Dsquared2 ou, plus récemment, Sophia Kokosalaki. Précurseur aussi, Diesel a réussi à hisser le jean au rang de produit de luxe en installant ses vitrines dans les artères les plus prestigieuses des capitales européennes.

Nous avons rencontré Renzo Rosso, en exclusivité, dans les bureaux anversois de Diesel. Dans l’entrée trône un Donaldopoly, un jeu inspiré du Monopoly français : les avenues prestigieuses de Paris ont été remplacées par les dates-clés de l’entreprise italienne. Souriant, avenant, l’homme qui incarne à lui seul le fameux slogan  » For successful living  » a troqué le blouson Diesel qu’il portait à son arrivée pour une veste signée Martin Margiela. Montre en main, nous n’aurons que 22 minutes pour tenter d’en savoir plus sur cet empire du lifestyle. Les questions plus personnelles seront remises à plus tard, pendant le dîner privé servi dans l’appartement anversois de Boris Vervoordt, fils du célèbre antiquaire Axel Vervoordt.

Weekend Le Vif/L’Express : Avez-vous des souvenirs précis de la Belgique, aux débuts de Diesel…

Renzo Rosso : Oui. Je sillonnais alors les routes d’Europe, d’Italie, de Sicile au volant de ma camionnette. J’étais effectivement venu en Belgique. Je transportais des centaines de paires de jeans. C’était en 1978. Une autre époque. Les rapports commerciaux étaient différents. Je n’avais, par exemple, que deux tailles de jeans disponibles. Le dialogue avec le client se limitait à :  » Donnez-moi ce que vous avez. » Quand vous y songez aujourd’hui, maintenant que les modalités des commandes sont devenues d’une telle précision…

On peut vous qualifier de  » Richard Branson de la mode « . Partagez-vous des affinités avec l’homme d’affaires britannique (NDLR : le fondateur de Virgin) ?

Je ne connais pas vraiment les détails de son histoire, mais je l’aime beaucoup. J’apprécie énormément sa philosophie : rendre les choses plus accessibles à un plus grand nombre… C’est aussi un peu ma façon de voir les choses.

Comme lui, aimeriez-vous étendre Diesel à d’autres secteurs d’activité et diversifier encore plus votre marque ?

Pour l’instant, je développe des choses proches de mon secteur d’activité initial propre à la mode : les chaussures, les accessoires, les bijoux. Je n’ai pas encore commencé à élargir mon champ d’activité… Mais, à l’avenir, j’aimerais développer divers secteurs comme la décoration, l’ameublement et – pourquoi pas ? – le domaine électronique… Diesel est une marque qui véhicule un esprit lifestyle auquel le consommateur doit s’identifier.

Vous avez récemment développé Diesel Intimate, une ligne de lingerie…

La lingerie fait partie de la mode, bien que cela demande un savoir-faire radicalement différent. Pour la production de nos sous-vêtements, nous faisons ainsi appel à la compagnie américaine Victoria’s Secret. La lingerie, c’est un domaine assez complexe. Nous devons adapter nos modèles selon les marchés. D’ailleurs, nous ne réalisons pas les mêmes modèles pour les marchés américain ou asiatique.

Le prochain grand lancement, ce sera un nouveau parfum…

C’est tout à fait nouveau pour nous. Nous y pensions depuis longtemps mais cette fois, nous le faisons très sérieusement. Nous nous sommes associés avec L’Oréal et le lancement aura lieu en septembre prochain. Nous avons créé un jus pour l’Homme et un autre pour la Femme. Nous avons choisi des flacons et des noms superbes. Quarante millions d’euros ont été investis uniquement pour le lancement de ce parfum dans le monde. La campagne de publicité va être très forte. Elle sera à la fois fidèle à l’esprit Diesel tout en respectant l’univers du parfum.

Diesel s’est aussi fait une réputation à travers ses campagnes de publicité. Dont la dernière en date portant sur le réchauffement climatique. Vous agissez un peu comme Benetton dans les années 1980-1990…

A une différence près, c’est que chez Diesel, le message est toujours positif. Nous tentons de créer un dialogue avec le consommateur. C’est une façon de lui dire :  » Nous avons un problème, qu’est-ce que vous en pensez ?  » C’est le message que nous tentons de faire passer au travers de la campagne de publicité actuelle sur le réchauffement climatique. Elle traduit une façon de dire  » attention !  » mais teinté d’humour. Elle est présentée d’une façon ludique et reflète mon sens de l’ironie.

Pensez-vous que la mode puisse jouer un rôle politique ?

Les marques importantes peuvent effectivement délivrer un message car elles font partie intégrante de la vie quotidienne des gens. Vu leur impact, des griffes comme Diesel peuvent apporter leur soutien aux gouvernements pour trouver des solutions et faire £uvre de charité en Afrique, par exemple. Pour ma part, j’admire beaucoup des compagnies comme Microsoft qui reversent une partie de leurs profits à des causes humanitaires. Nous faisons la même chose chez Diesel.

Etes-vous impliqué dans des £uvres caritatives ?

Enormément. Depuis le niveau local, où je vis, en Italie, jusqu’au continent africain où nous sommes très actifs. Nous avons une Diesel Fondation et mon objectif, d’ici peu, est de doter cette fondation d’une équipe entièrement dédiée à son management de façon à ce que tous les fonds arrivent à destination.

Diesel s’est aussi donné pour mission de soutenir la jeune création…

Oui, à travers le festival ITS à Trieste en Italie qui sélectionne des jeunes créateurs de mode dans une centaine d’écoles du monde entier. Mais nous avons aussi la même démarche dans les arts plastiques. A Milan, nous avons mis un mur à disposition des jeunes talents. Sur le Diesel Wall, des artistes de la scène internationale peuvent présenter leurs £uvres et être ainsi évalués par un jury de professionnels. Cette initiative a eu tellement de succès à Milan que nous avons été approchés par les maires de Venise, Berlin, San Francisco et Toronto pour y faire la même chose. Cela fait partie de la Diesel attitude.

Vous vous êtes aussi impliqué dans le milieu musical…

Oui, cela procède toujours de la même démarche. Nous sélectionnons 3 000 artistes et lors du Diesel U Music, qui a lieu à Londres, les cinq meilleurs obtiennent un contrat avec des maisons de disques.

Qu’est-ce que vous y gagnez ?

(Renzo Rosso réfléchit.) A travers ces événements, nous ne recherchons pas une visibilité immédiate mais plutôt à construire sur le long terme. En soutenant les jeunes créateurs dans tous ces domaines, nous espérons qu’ils diront un jour :  » Nous sommes là où nous sommes grâce à Diesel. » C’est un message vrai. Nous nous défendons d’être une compagnie arrogante.

Vous vous êtes beaucoup investi dans la mode en rachetant Martin Margiela, Dsquared2 et plus récemment Sophia Kokosalaki…

Je dirais plutôt que nous sommes partenaires. Je tiens à cette nuance car ainsi nous pouvons échanger nos opinions. Nous les soutenons dans leur logistique, en termes de production et de tout ce qui relève des aspects techniques… Mais à aucun moment, nous n’intervenons dans leur direction artistique. Ils sont libres de faire leur collection comme ils l’entendent, sinon cela n’a pas de sens. C’est pour cela qu’avant de s’associer, on suit de très près le travail du créateur pour choisir quelqu’un en qui l’on croit.

Il était aussi question du rachat de Viktor & Rolf par Diesel. Qu’en est-il ?

J’adore ce que fait le duo néerlandais. Nous avons juste eu une rencontre très sympathique qui a suscité quelques rumeurs. Mais rien, à ce jour, n’a été conclu.

Quels sont vos projets à plus court terme ?

Notre présence à la Pitti Uomo ( NDLR : le plus important rendez-vous mondial consacré à la mode masculine), à Florence, le 21 juin prochain. Nous allons proposer quelque chose d’extraordinaire mêlant la mode, l’art et la performance.

Carnet d’adresses en page 95.

Propos recueillis par Agnès Trémoulet

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