La ville aux mille dômes
Les églises orthodoxes, extravagantes, côtoient les immeubles staliniens des larges avenues. Moscou porte ainsi les traces d’époques révolues qui se mêlent aux marques ostentatoires du capitalisme d’aujourd’hui.
Pénétrer pour la première fois sur la place Rouge est un moment privilégié. Les couleurs chatoyantes de ses monuments varient constamment au gré de l’heure et des saisons. En hiver, lorsque les flocons de neige tombent doucement et qu’une légère brume enveloppe la vaste esplanade, le tableau devient féerique. Au loin, se détache Saint-Basile, qui semble tout droit sortie d’un montage de fiction. On ne peut qu’être émerveillé à la vue de cette cathédrale qui se dresse sur l’une des plus belles et célèbres places au monde. Edifiée sur ordre d’Ivan le Terrible pour commémorer la prise de la ville de Kazan en 1552, Basile-le-Bienheureux se distingue par ses splendides bulbes striés de jaune, vert, bleu et rouge. Ce monument d’exception se laisse contempler inlassablement, tant son style architectural est unique et étonnant.
Si le mausolée Lénine reste toujours incontournable et occupe toujours l’un des côtés de la place Rouge, aujourd’hui, c’est peut-être le Goum lui faisant face, qui lui vole la vedette et qui attise le plus la curiosité et la convoitise. En tout cas, certainement celle des nouveaux Russes, alléchés par les vitrines ouvertes au nouveau capitalisme ambiant, au gré des marques les plus luxueuses qui s’alignent dans ce dédale de galeries marchandes. Le bâtiment, qui a de quoi réjouir les plus féru(e)s de shopping, séduit surtout par l’élégance de sa verrière et son cachet néo-russe de la fin du XIXe siècle.
Pour se déplacer d’un quartier à l’autre de la métropole, rien ne vaut le métro qui, outre sa disponibilité performante (le temps d’attente n’excède pas une minute), est une véritable attraction touristique. Conçus dès les années 1930 comme des petits palais miniatures, les couloirs du métro moscovite sont décorés de mosaïques, de lustres ou de sculptures. A chaque station, son style propre. Certaines rappelant l’époque soviétique par leurs représentations d’inspiration rurale ou ouvrière ou d’autres encore évoquant les différentes cultures des anciennes républiques.
Le coeur de Moscou
Les babouchkas, les grand-mères, gardiennes des traditions et de l’âme russe, effectuent leurs courses au marché, tandis que des jeunes filles vêtues de minijupes reviennent de leurs cours à l’université, en flânant le long des belles boutiques de marques occidentales.
Ici souvent, au détour d’une petite rue, une église s’offre avec ses coupoles dorées. Moscou s’orne ainsi de mille dômes qui apparaissent çà et là, dans les endroits les plus surprenants. En retrait des grands axes, la belle capitale dévoile ainsi ses charmes, au coeur même de la vie quotidienne des Moscovites.
Une multitude d’églises et de cathédrales, richement décorées, témoignent de la ferveur populaire, autrefois condamnée par le communisme. De nombreuses chapelles furent ainsi réquisitionnées durant l’époque soviétique à des fins profanes. Elles devinrent entrepôts ou usines. A l’abandon pendant des décennies, elles ont aujourd’hui repris couleurs et éclat et attirent à nouveau de nombreux fidèles. Aujourd’hui encore, la messe orthodoxe au cérémonial emphatique a toujours quelque chose de troublant.
En hiver, les femmes s’y rendent coiffées de leur chapka, seuls les hommes peuvent entrer tête nue dans l’église. Omniprésentes, les babouchkas, aux fichus bariolés, s’inclinent pieusement au rythme solennel des psaumes chantés par le choeur, tandis que le pope officie, tout en répandant l’encens purificateur. Dans cette atmosphère mystérieuse, les fidèles iront ensuite embrasser avec ferveur les magnifiques icônes, images sacrées des saints.
Le Kremlin, splendeur du pouvoir
Ancienne citadelle des tsars, longtemps siège du gouvernement soviétique, résidence actuelle du président russe, le Kremlin symbolise le pouvoir en Russie. Le Kreml, » forteresse » en russe, conçu en bois au XIIe siècle, sous l’impulsion du prince Iouri Dolgorouki, doit sa noblesse architecturale au tsar Ivan III. Ce dernier confia son édification à des architectes italiens dès la fin du XVe siècle. Si Staline y empêcha tout accès au peuple russe dans les années 1930, en détruisant par ailleurs certaines églises, cet ensemble unique de bâtiments ecclésiastiques et séculiers fut à nouveau partiellement accessible au public dès 1955. Aujourd’hui joliment rénové – hormis la zone réservée à l’administration et à la présidence russe – la plupart des bâtiments se visitent.
Les différentes cathédrales d’un blanc majestueux sont surplombées de dômes dorés scintillant au soleil sur fond de ciel bleu. Lieu de dévotion depuis des siècles, les grandes cérémonies d’apparat s’y déroulaient régulièrement durant l’époque impériale, au sein d’une ornementation des plus riches. Si la cathédrale de l’Archange-Michel est particulièrement remarquable pour abriter le tombeau du tout jeune tsarévitch Dimitri, fils cadet d’Ivan le Terrible, les lieux de culte se distinguent surtout par l’efflorescence d’icônes toutes plus somptueuses les unes que les autres. La cathédrale de l’Assomption abrite ainsi celle de saint Georges le Guerrier, emblème de Moscou, une des plus anciennes de Russie (XIIe siècle). Ici, le style russe traditionnel se marie habilement aux influences de la Renaissance italienne.
Gratte-ciel et grands axes
Non loin du Kremlin, la Tverskaïa, ancienne route de Saint-Pétersbourg autrefois empruntée par les cortèges impériaux, est ponctuée aujourd’hui par d’austères blocs d’immeubles. Construits par Staline dans les années 1930 afin de loger les travailleurs, c’est paradoxalement là que s’est ouvert le premier Mc Donald’s de la ville.
Un peu plus haut, une église aux inhabituels dômes bleus contraste avec les tristes ensembles locatifs. Par ailleurs, on ne manquera pas de visiter l’Elisseev, grande épicerie de luxe datant du XIXe siècle, au superbe décor orné de miroirs, de lustres en cristal et de piliers sculptés. Plus loin, sur la droite, on aboutit sur la place des Théâtres, où se dresse le Bolchoï. Fierté des Russes, il attire toujours les grands amateurs de ballets et de représentations scénographiques.
Tout le long de cette artère trop monotone, de nombreux portiques, typiques de la configuration de certains quartiers moscovites, ouvrent sur un ensemble de ruelles où vécurent jadis les plus grands artistes russes. Ainsi, l’ancien appartement communautaire où résidait Mikhail Boulgakov, l’écrivain génial du » Maître et Marguerite « . Ouverte au public, l’habitation de l’auteur fait l’objet d’un véritable culte de la part des Moscovites qui, dans ses écrits, retrouvent une subtile description des affres de la période stalinienne.
En termes d’architecture hybride, Staline a légué à la capitale russe un héritage qui reste intéressant et impressionnant, particulièrement au travers de ces gratte-ciel qualifiés de » gothiques-staliniens « . Issu de ce style monumental, le ministère des Affaires étrangères, situé près du vieil Arbat, axe commercial animé, en est l’exemple type. A Moscou, les amateurs d’architecture seront séduits par cette multiplicité de styles, marques évidentes laissées par l’Histoire.
Sandra Evrard.
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