Désolé messieurs, la  » bagnole  » n’est plus chasse gardée ! Si la féminisation de l’univers automobile n’est pas neuve, la manoeuvre s’accélère. De quoi transformer nos véhicules en objets de mode ?

Si le macho fantasme toujours sur sa décapotable rouge surpuissante, il n’a plus l’apanage du désir automobile. Depuis que les femmes travaillent, conduisent et achètent, elles aussi sont nombreuses à imaginer la voiture de leurs rêves. Selon le cabinet de consultants Frost & Sullivan, elles influencent d’ailleurs 80 % des achats de véhicules neufs, soit en tant que clientes, soit en disposant d’un droit de veto sur les choix masculins. Toutes les marques s’accordent dès lors à dire que proposer un modèle qui leur  » parle  » s’avère indispensable aujourd’hui. Mais comment faire ? Faut-il simplement féminiser l’objet par l’intermédiaire de détails, d’équipements ou d’accessoires ?  » Ce n’est pas aussi simple, précise Stéphane Labous, CEO de Fiat Chrysler Automobiles Belgium. Il est un fait que les représentants des deux sexes ont des besoins de mobilité, qui sont relativement identiques. L’achat d’une voiture procède de critères à la fois émotionnels – tels que le design, la finition intérieure, les équipements – et rationnels, comme la consommation de carburant, le prix ou le volume du coffre.  »

ÉLÉGANTE, MAIS PAS QUE

Pour faire pencher la balance vers le côté passionnel, les constructeurs utilisent généralement des séries spéciales. Et pour séduire une clientèle féminine, ils se tournent de plus en plus vers l’univers de la mode. La démarche n’est pas neuve, comme l’illustrait parfaitement l’exposition L’Automobile et la Mode, en marge du dernier Mondial de l’Automobile parisien. Mais elle s’accélère ces dernières années. Ainsi, pour provoquer l’achat  » coup de coeur « , la Fiat 500 n’a pas son pareil. La championne pour faire chavirer le coeur des miss ?  » Si l’édition limitée La Petite Robe Noire de Guerlain a connu un franc succès chez les dames, nous constatons que la 500 by Gucci a rencontré un certain intérêt auprès des hommes également.  » Et inversement, proposer une série spéciale orientée clairement vers le sport automobile n’induit pas de se concentrer sur une seule cible.  » Pourquoi une femme devrait-elle être réduite à conduire un modèle à vocation utilitaire ou familiale, et un homme une voiture de sport ? s’interroge Stéphane Labous. Les versions sportives de la Fiat 500, comme la 695 Biposto, obtiennent l’adhésion des deux. Cela étant, nous remarquons que la clientèle féminine est soucieuse d’élégance. C’est pour cette raison que nous avons développé des Abarth raffinées, comme les versions Turismo. Conséquence : aujourd’hui, 25 % de leurs propriétaires sont des femmes…  »

Spécialiste des séries spéciales, Fiat pousse le mélange des genres encore un peu plus loin avec le récent partenariat signé avec Guerlain. La 500 La Petite Robe Noire ne se pare pas uniquement de stickers rappelant la célèbre silhouette dessinée par Olivier Kuntzel et Florence Deygas, les deux artistes qui ont signé la campagne et le flacon de la griffe. Elle sert d’écrin de luxe pour un coffret complet : eau de toilette, eau de parfum, eau de parfum couture, mais aussi trousse de maquillage, étui à cartes, porte-clés et autres objets dérivés, pour une valeur totale de 750 euros. Le géant italien pousse même l’exercice jusqu’à ouvrir ses concessions aux produits de la marque de beauté durant plusieurs week-ends portes ouvertes.  » C’est une nouveauté dans le monde automobile, explique le responsable. Les événements VIP que nous avons organisés chez certains de nos distributeurs, dans cinq villes en Belgique et au Luxembourg, ont rencontré de francs succès.  »

Autre signe qui ne trompe pas : la vague de personnalisation du véhicule, qui se répand comme une traînée de poudre ces dernières années. Si jusqu’ici, les constructeurs marchaient sur des oeufs pour ne pas tomber dans la caricature, les accessoires, lignes de finition et autres stickers qui déferlent tous azimuts depuis la réussite de l’aventure Mini de BMW renforcent la féminisation de l’objet automobile. Une même voiture peut ainsi revêtir une allure  » virile  » ou, à l’inverse,  » glamour « , tout en restant à la base unisexe. L’Opel Adam en est un parfait exemple. Si les versions Rocks, aux renforts de carrosserie contrastés, et Jam, aux appendices sportifs, plairont davantage aux hommes, les finitions Glam et Slam, plus raffinées, s’adressent clairement à un public plus girly.

SUR MESURE

Après son uniformisation liée à un processus d’assemblage en série, l’automobile semble vouloir revenir vers l’univers du sur-mesure, comme à sa grande époque. DS, qui s’émancipe du giron de Citroën pour devenir une marque à part entière, pousse le concept encore un peu plus loin et parle carrément d' » hypertypage  » de l’automobile pour l’avenir. Le concept Divine propose ainsi différents dresscodes, modifiables à l’envi, selon que monsieur ou madame emprunte la voiture. Grâce à une planche de bord et des volutes de portes interchangeables en quinze minutes, ce concept se décline en trois univers intérieurs très distincts :  » the mâle « , soit un mélange de fibre de carbone et le cuir patiné ;  » la Parisienne chic « , alignant les matières issues de la haute couture (cuir pleine fleur, satin de soie, perles, broderies…) et, enfin,  » fatale punk « , combinant cuir noir matelassé et clous en cristaux…

UNIVERS CROISÉS

Primordial dans le segment des citadines – dont 70 % des acheteurs en Europe sont des… acheteuses -, le rapprochement entre l’univers de la mode et celui de l’auto ne se cantonne pas pour autant aux engins urbains mais se transforme progressivement en lame de fond. Les SUV s’y convertissent – le Captur de Renault s’offre, par exemple, une griffe Helly Hansen, la marque norvégienne spécialisée dans le textile. Mais aussi, événement plus rare vu leur côté assez conservateur, les berlines premium. Pour le lancement de sa nouvelle XE, Jaguar s’est ainsi adjoint les services de la créatrice Stella McCartney, qui lui a offert un relooking complet (lire par ailleurs). L’occasion de faire le buzz durant la Fashion Week, cet automne, en l’utilisant comme voiture VIP officielle juste avant son entrée au Mondial de l’Automobile.

Jaguar développe encore davantage le concept, en demandant à chaque importateur de choisir des ambassadeurs nationaux pour porter l’image de sa nouvelle XE. En l’occurrence, pour la Belgique, Yuri Vandenbogaerde et Dries Henau, inventeurs du concept Wasbar (soit un bar-wasserette), et le créateur de mode avant-gardiste Jean-Paul Lespagnard. Les deux premiers organiseront, au printemps prochain, des XE Sessions sur l’entreprenariat innovant, en collaboration avec la marque féline. Lespagnard, lui, développe pour celle-ci un accessoire exclusif.  » Un objet dans le sens le plus créatif du terme, précise-t-il. Mais je ne peux pas encore vous en dire plus.  » A coup sûr, on en reparlera !

PAR JEAN-FRANÇOIS CHRISTIAENS

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